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Rendez-nous Jésus-hostie !

Lorsqu’on me demande de rendre compte de l’espérance qui est en moi, dans la vie physique comme sur Internet (quand j’évangélise par exemple avec les e-missionnaires de Lights in the Dark), je raconte toujours que j’ai rencontré Jésus le jour de ma première communion !

C’était à l’âge de 7 ans, quand j’ai mangé pour la première fois le bout de pain qui se transforme en Jésus par les mains du prêtre : une expérience incroyable, j’ai eu l’impression que quelqu’un entrait dans mon coeur, de façon puissante (grande chaleur) et douce à la fois (une grande paix). Ce jour-là, j’ai compris, expérimenté dans mon corps que Dieu était une personne à part entière, une personne vivante ! Et cela a changé le cours de ma vie, depuis j’essaye de vivre avec le Seigneur et de communier le plus souvent possible ! Cela m’a même coûté ma cheville droite, un jour où je ne voulais pas manquer la messe, mais c’est une autre histoire… Le plus fou, pourrais-je ajouter, c’est que je suis loin d’être le seul d’avoir vécu cette expérience d’une rencontre personnelle avec Jésus-hostie : des millions d’autres comme moi aussi ! Peut-être vous aussi ? Et si vous n’êtes pas encore croyant, sachez que cela peut vous arriver aussi ! Ainsi, Jésus-hostie tient une grande place dans ma vie, comme pour beaucoup d’autres de mes frères dans la foi et qui en sont privés.

Et, depuis de le début du confinement, je souffre beaucoup de ne plus communier, ayant aussi l’habitude de la messe en semaine… Oh, bien sûr, je ne suis pas à plaindre, je suis confiné en famille, je prie aussi mon chapelet (relire mon billet : le chapelet sauvera le monde), je lis la Bible… Mais voilà : cela fait déjà, quatre fois, la nuit, que je rêve que je communie, dans différentes situations ! C’est dire !

Nous avions tous bien compris les mesures du confinement, que nous avons suivis à la lettre, pour sauver des vies. Hier, à 15h, pour savoir à quelle sauce nous allions être mangés, j’ai suivi le discours en direct du Premier ministre présentant son plan de déconfinement. J’espérais une bonne nouvelle : et voici que j’apprends, stupéfait, que les cérémonies religieuses ne sont pas autorisées avant le 2 juin, alors qu’on pourra prendre le métro et se rendre dans presque tous les commerces !

L’archevêque de Paris est monté au créneau sur Radio Notre Dame en rappelant qu’aller à la messe, ce n’est pas aller au cinéma :

Très… remonté, cet ancien médecin a affirmé que pour nos gouvernements, « l’anthropologie, c’est zéro ! ». « Qu’est-ce que l’homme et fondamentalement, qu’est-ce que l’humanité, ils ne savent pas du tout, c’est ça le grand vide ! ». Communier, ajoute-t-il, « c’est vital ». Et de préciser qu’ils avaient négocié la date du 16 mai…

Cette question vitale n’entre pas en considération pour nos hommes politiques inquiets que la pandémie puisse repartir ? Dommage ! Car pour reprendre les mots du philosophe italien Lanza del Vasto, à la messe, quand nous mangeons Jésus, c’est lui qui nous mange, c’est sa vie qui détruit notre corps mortel, nos égarements, qui descend dans notre chair pour purifier de la boue, pour nous racheter, qui descend dans notre tombeau pour vivifier la mort et nous offrir la vie éternelle ! C’est une œuvre d’humanité instituée par le Christ et dont nous avons besoin !

De nombreux autres évêques sont indignés, comme Mgr Le Gall, évêque de Toulouse, qui annonce dans Famille Chrétienne avoir lui aussi fait des propositions au gouvernement : « Il aurait mieux valu autoriser le culte public progressivement et calmement, en nombre limité, comme nous l’avions proposé au gouvernement. Nous n’avons pas été entendus. Cette interdiction prolongée du culte va entamer gravement notre confiance en ceux qui nous dirigent. »

Ainsi, l’évêque de Nanterre, Mgr Rougé, membre du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France et ancien aumônier des députés à l’Assemblée nationale, a dénoncé dans une vidéo « un défaut de respect des croyants et de la liberté religieuse incroyable et incompréhensible, ainsi qu’un tropisme anti-catholique chez notre président de la République ». Il nous invite à dire combien nous sommes choqués de la manière de traiter la question des cultes dans cette crise… Ce que je fais donc, avec ce billet !

Mgr Rey non plus ne mâche pas ses mots, dans cette vidéo qu’il vient de publier : il parle de ségrégation, il a raison !

Mais sinon, à part protester, que faire ? Comme le suggère sur Twitter le Père Jean-Baptiste Nadler, curé de paroisse à Vannes et membre de la Communauté de l’Emmanuel, spécialiste de la liturgie (*) et brandissant le rituel de l’eucharistie en dehors de la messe, pourrait-on envisager la distribution de la Sainte Communion en-dehors de la célébration de la messe ? Il se dit même prêt à y consacrer plusieurs heures par jour, avec les gestes barrières et les distances sociales idoines, à la table de communion. Cette solution est à étudier avec le plus grand sérieux, et nous, simples fidèles, demandons à nos prêtres d’y réfléchir. Le 11 mai, rendez-nous Jésus-hostie !

Jésus prem’s  !

(*) Il est notamment auteur du livre Les racines juives de la messe, préfacé par le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia.

Mon TGV bloqué 7 heures : de quoi évangéliser !

Il faut absolument que je vous raconte ce qui m’est arrivé hier. J’avais rendez-vous à midi à Paris avec une fondation, susceptible de soutenir la mission de Lights in the Dark, alors que nous étions presque ‘à sec’. Je prends le TGV de 8h08, ayant placé un rendez-vous avec une e-missionnaire en milieu de matinée.

Premier incident

Et voilà qu’à 8h30 environ, le TGV nous précédant heurte un chevreuil… Nous sommes stoppés. Je prie. Une demi-heure plus tard, nous repartons… « Ouf, me dis-je, car ce rendez-vous de midi est très important pour nous ! ».

Deuxième incident

Or voilà que 10 minutes plus tard à peine, 5 km avant Vendôme, le câble-caténaire de notre tronçon est arraché par un autre TGV, sur plus de 3 km… Une première heure s’écoule. A l’occasion de diverses de réactions des passagers, je témoigne de l’espérance chrétienne à mon voisin de gauche, qui glosait sur la peur. Il s’avère être un moine de bouddhiste, adepte de la philosophie zen. Très longue et belle discussion ! Les autres voisins écoutent. N’acquiescent pas toujours. J’en viens au cœur du sujet : le Christ, Dieu incarné en une personne vivante. J’annonce aussi le kérygme. Je me dis que le TGV va peut-être repartir, si je continue… Je vais lire à mon voisin une “lettre d’amour du Père pour lui“, basée sur la Bible, que j’ai dans mon ordi. Puis, voyant qu’il s’ennuie et qu’il n’avait pas prévu de bouquin, je lui passe notre livre “Evangéliser sur Internet, mode d’emploi“.

– C’est pour quel public ? me demande-t-il.

– Pour les cathos, mais ça vous montrera ce qu’on fait.

Il le commence, captivé…

– Ça pourrait me servir à moi aussi, me dit-il. (« Oh oui, servez-vous en autant que vous voudrez, me dis-je !  »). Finalement, c’est tout le carré à 4 que j’évangélise…

– Vous savez, tout ça, c’est de ma faute, dis-je…

– Ah bon, pourquoi ?

– Je devais rencontrer une fondation pour notre association, c’était mon rdv de l’année !  ».

J’essaye d’expliquer, un peu en vain – à vue humaine – ce que nous faisons, les rencontres avec ceux qui ne connaissent pas Dieu… Il fait chaud, il n’y a plus de clim, je suis sur mes batteries de secours…

Une scène surréaliste…

Soudain, la fondation en question, que j’avais prévenue de mon problème, m’appelle. Je quitte mon carré et je me rends sur la plateforme. Quinze personnes y sont pour fumer, porte grande ouverte sur la campagne. On me laisse une place, je m’assieds sur les marches au-dessus du vide. Au téléphone, on me dit : « c’est vraiment du combat, ce qu’il vous arrive ! vous devriez prendre le micro du TGV et annoncer que tout cela, c’est de votre faute ! ». Rires. « Je leur ai dit, mais ils ne me croient pas… ». A l’autre bout du fil, tout le monde rit de plus belle. Puis ils me demandent de leur parler de Lights in the Dark. Et me voici, pendant 20 minutes, à parler à haute et intelligible voix – pour être sûr d’être bien entendu – de la mission de notre association, des sites que nous montons spécialement pour ceux qui sont loin de l’Eglise, comme Lavieapreslamort.com par exemple, et des conversations que nous avons en direct avec eux, via notre live chat’… (lire aussi cet interview du président de l’association). Tous mes voisins d'”infortune” écoutent, très attentifs, d’autant que je suis le seul au téléphone… Mini-conférence de plateforme TGV. Je parle de donner son témoignage d’une rencontre personnelle avec le Christ. Oh, ça, le Toto en a pour ses frais ! Avant d’avoir terminé cette présentation à distance de Lights in the Dark, et quelque peu surréaliste, l’alarme de la porte se déclenche, pendant 2 longues et bruyantes minutes, puis la porte se ferme. Nous voici enfin partis, il est 15h, cela fait 7 heures que je suis dans ce TGV, et à force d’évangéliser, je n’ai pas vu le temps passer ! L’Evangile du jour, que me donne l’appli Evangelizo, commence par : “En ces temps là, Jésus disait à ses apôtres : « Sur votre route, proclamez que le Royaume des Cieux est tout proche. » (Mt 10,7)”

N’est-ce pas que j’ai fait sans le savoir, bien malgré moi ? Décidément, le Seigneur a des plans que nous n’avons pas ! Un ami me met par SMS : « courage, aujourd’hui, c’est Saint Barnabé, patron des voyageurs ! ». Je demande donc à ce saint d’arranger la fin du voyage. A Vendôme, les pompiers nous attendent, et nous donnent bouteilles d’eau et plateaux repas. Enfin de quoi se restaurer un peu ! J’attends encore trois-quart d’heure un TGV pour revenir à Tours, car je dois impérativement être à RCF Saint Martin à 18h15, pour une interview en direct. Mais l’Esprit Saint avait encore ses idées : voici que je tombe nez à nez – je le reconnais – avec le député PS qui avait rédigé la proposition de loi du mariage pour tous dans le programme de M. Hollande. Rebelote, évangélisation de quai de gare ! Je l’aborde…

– Bonjour monsieur, êtes-vous toujours député ?

– Non, j’ai été balayé… mais je suis resté fidèle à mes convictions.

– Bravo ! La fidélité, ça paye toujours. Moi, aussi, j’ai les miennes.

– Ah bon, lesquelles ?

– Je suis catho… assez engagé.

– Circonstance aggravante, me répondit-il, goguenard.

– Plus qu’aggravante, même, ajoutais-je, avec un clin d’oeil. (Sourires)

– Et que faites-vous dans la vie ?…

Je lui explique Lights in the dark… encore et toujours !

A vue humaine, c’est raté…

Notre TGV retour entre en gare. A vue humaine, 7 heures perdues, une présentation ratée “devant” cette fondation, deux autres rendez-vous importants annulés à Paris… En arrivant à Tours, lessivé, je passe voir le Seigneur à l’adoration. Telle est ma prière : « Seigneur, c’est ta mission, c’est pour toi que je fais tout ça, alors la réponse de la fondation, tu t’en occupes, je te demande juste 3 mois de plus pour Lights in the Dark. »

Arrivé chez moi, j’ai la réponse de la Fondation : ils nous soutiennent et nous donne plus que j’avais demandé ! Sans même les avoir vus en vrai ! Comme quoi, c’est vraiment le Seigneur qui mène la barque !

Nous repartons pour quelques mois : merci Jésus ! J’appelle le Président de Lights in the Dark. J’apprends que lui aussi a eu du combat : au petit matin, sa femme et lui ont découvert que quelqu’un avait méticuleusement couvert leur porte d’entrée et le mur de… charmantes crottes de chien… Alors qu’il s’entend très bien avec son voisinage ! Tout est déjà nettoyé… mais quelle journée ! Elle se termine merveilleusement bien : pour moi, très belle rencontre avec le journaliste de RCF, j’ai pu annoncer notre soirée Lights in the Dark à Tours, vendredi soir prochain, à 20h, également en direct sur notre chaîne Youtube et notre page Facebook !

Merci Seigneur de toutes ces folies que Tu nous fais faire pour ta Gloire !

Pour aller plus loin :

Soutenir notre association ?

 

 

 

 

Deux ans sans blog, quel bonheur !

Deux ans sans blog, quel bonheur !

Un expérience à vivre…

Eteindre provisoirement mon blog, sur une longue durée (presque 2 ans, quand-même !) a a été pour moi une vraie bouffée d’oxygène. Je conseille cette expérience à tous les blogueurs ! J’ai pu me reposer en Dieu et sur Lui. Plus de prière, plus de Parole de Dieu, plus de louange, moins de bla-bla, moins de paroles en l’air, moins de fatigue, quel bonheur ! Cette petite ascèse médiatique m’a donc fait le plus grand bien. Tant mieux pour tous les sujets sur lesquels j’aurais beaucoup aimé surfer : je ne les ai pas malmenés mais au contraire offerts, en prière, au Seigneur !

Pour plus de liberté…

Exit la soumission au dictat de l’actualité, toujours chaude et si vite dépassée (le temps médiatique se raccourcit de plus en plus). Exit la nécessité, vendue comme absolue, de mettre son blog à jour une à deux fois par semaine ! Exit les tentations des coups de gueule pas toujours parfaitement ajustés (;-)).

En avant !

Aujourd’hui le temps est donc venu pour moi de reprendre la plume, comme je l’ai entendu ce matin à la louange :

“Personne n’allume une lampe pour la mettre dans un lieu caché ou sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, afin que ceux qui entrent voient la lumière.” Luc 11,33

Rassurez-vous, je n’ai pas chômé depuis 2014 ! Je vais donc pouvoir vous parler de mes nouveaux projets (blog professionnel : stratégies de com‘), de mes aspirations (nouvelle association : Lights in the Dark), de nos initiatives (La Résurrection du Christ), bref, de mes envies ! Avec Jésus plus que jamais premier dans ma vie, du moins je l’espère !

Et donc : priez pour moi ! Merci !

Ps : pour commencer, j’ai décidé de rouvrir mon blog avec ce billet sur un thème qui m’est cher, au sujet d’un nouveau projet de loi visant à d’interdire l’école à la maison, que je pratique avec mon épouse depuis 4-5 ans déjà…

Dieu est de retour

La nouvelle évangélisation, c’est maintenant !

La nouvelle évangélisation, c’est maintenant !

Dix ans que j’attendais ça. Dix ans qu’un évêque bien connu du Sud de la France, Mgr Dominique Rey, m’a parlé pour la première fois d’évangélisation et de nouvelle évangélisation, comme je l’ai raconté dans mon livre Dieu est de retour, la nouvelle évangélisation de la France, sorti en 2009. (Cet évêque a été nommé par Benoît XVI pour participer au Synode pour la nouvelle évangélisation qui a lieu en ce moment à Rome).

Un synode sur le sujet ? Mais pourquoi faire ?

Cet évènement est la suite de la création par le pape du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, le 21 septembre 2010, afin de « promouvoir une évangélisation renouvelée dans les pays où la première annonce de la foi a déjà retenti et où sont présentes des Eglises d’antique fondation, mais qui vivent une sécularisation progressive de la société et une sorte ‘d’éclipse du sens de Dieu’ » [1].

Loin d’être une simple parenthèse dans le pontificat de Benoît XVI, ce synode pour la nouvelle évangélisation s’inscrit au contraire dans la droite ligne de la priorité n°1 que le pape s’est fixée : « rendre Dieu présent dans ce monde et ouvrir aux hommes l’accès à Dieu »[2]. N’a-t-il pas également précisé que son pontificat est « un pèlerinage pour apporter Dieu au monde » [3] ?

En effet, depuis que Joseph Ratzinger est sur le trône de Pierre, il emploie le mot « nouvelle évangélisation » tous les 3 mois en moyenne. Il en a aussi parlé dans des textes de référence comme Verbum Domini, sur la Parole de Dieu, dans son livre Lumière du monde… Les prochaines JMJ au Brésil auront également lieu sur ce thème de la mission première de l’Eglise, l’évangélisation.

On voit donc bien qu’il ne s’agit pas d’un feu de paille ou d’un concept surexploité. D’ailleurs, le pape le précise lui-même : « la nouvelle évangélisation est le premier engagement de tous les catholiques ». C’est donc pour tout le monde ! Même ceux qui n’y croyaient pas. Ou ceux qui voyaient la nouvelle évangélisation comme une simple mouvance au sein de l’Eglise ou un quasi-monopole des communautés nouvelles. Il s’agit bien d’un appel à tous les catholiques, à tous les diocèses, à toutes les communautés au sens large, à toutes les « forces ecclésiales » pour reprendre les mots de Jean-Paul II sur le sujet. N’oublions pas que c’est lui qui a lancé cette formule.

Aux sources de la nouvelle évangélisation

C’était le 9 juin 1979, en Pologne, devant les ouvriers de la ville nouvelle Nowa Huta, l’un des hauts lieux de résistance au communisme, sur une place où il n’était pas prévu par les autorités d’y construire une église. Jean-Paul II déclare alors : « En ces temps nouveaux, en cette nouvelle condition de vie, l’Évangile est de nouveau annoncé. Une nouvelle évangélisation est commencée, comme s’il s’agissait d’une nouvelle annonce, bien qu’en réalité ce soit toujours la même. La croix se tient debout sur le monde qui change ».

(C’était il y a 33 ans, j’étais encore dans le ventre de ma mère et je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait !)

Trois ans plus tard, à Haïti, Jean-Paul II exhorte les croyants à se lancer dans une « nouvelle évangélisation, nouvelle dans son ardeur, nouvelle dans ses méthodes et dans son expression »[4]. Outre ce véritable appel lancé aux catholiques, c’est ici que Jean-Paul II donne sa définition de la nouvelle évangélisation, qu’il nous faudrait encore approfondir.

En 1988, dans son exhortation apostolique post-synodale Christifideles laici, sur la vocation et la mission des laïcs dans l’Eglise et dans le monde, celui qui est devenu le bienheureux Karol Wojtyla rappelle à plusieurs reprises « l’urgence » d’une nouvelle évangélisation menée par les laïcs : « L’heure est venue d’entreprendre une nouvelle évangélisation, déclare-t-il ; le phénomène de la sécularisation frappe les peuples qui sont chrétiens de vieille date, et ce phénomène réclame, sans plus de retard, une nouvelle évangélisation » [5]

Il s’agit donc bien d’une urgence qui n’est pas totalement nouvelle mais qui reste toujours  cruciale aujourd’hui. Jean-Paul II ajoute : « L’Eglise, qui observe et vit l’urgence actuelle d’une nouvelle évangélisation, ne peut esquiver la mission permanente qui est celle de porter l’Evangile à tous ceux qui – et ils sont des millions et des millions d’hommes et de femmes – ne connaissent pas encore le Christ Rédempteur de l’homme. C’est là la tâche la plus spécifiquement missionnaire que Jésus a confiée et de nouveau confie chaque jour à son Eglise. » [6]

L’évangélisation renouvelée…

Comme je l’écrivais dans mon livre cité plus haut, évangéliser, c’est répondre à cet appel du Christ, lancé il y a 2000 ans, pour répandre l’amour de Dieu dans le monde [7]. Le message de l’Evangile doit donner au monde la révélation d’un chemin qui est aussi Vérité et Vie, or le monde évolue. Pour répondre aux nouveaux défis qu’apporte cette modernité, l’annonce du message – et non pas le message lui-même ! – doit s’adapter. A frais nouveaux, et sans attendre ! Et quoi qu’en disent ceux qui pensent que l’Eglise serait rétrograde, alors qu’elle est au contraire en avance sur la société. (Cf cet article de Stéphanie Lebars proposé en analyse de la série Ainsi soient-ils par la Une du journal Le Monde le 8 octobre dernier, au sujet du synode).

Que dire de plus ? Nous pourrions parler des différentes méthodes de cette évangélisation nouvelle (la nécessite d’une annonce explicite et sans équivoque du Christ [8]), des destinataires possibles (ceux qui ne connaissent pas leur sauveur, comme ceux qui ont quitté l’Eglise sur la pointe des pieds), de nos stratégies, des bons exemples, etc. Nous pourrions énumérer encore les freins à l’évangélisation (lire à ce sujet le chapitre que leur a consacré Mgr Rey ce mois-ci dans son nouveau livre Paroisses, réveillez-vous !).

…c’est maintenant !

Aujourd’hui, l’heure est venue pour nous tous de passer des paroles aux actes. Inspirés par l’Esprit Saint, il est urgent de lancer de nouvelles initiatives tout aussi audacieuses que pertinentes. Il est urgent d’entrer plus facilement encore en relation personnelle avec nos contemporains, au travail, vers nos voisins, dans les rues, sur les places, par Internet et même dans les transports comme le TGV par exemple ! Partout. Il est urgent de témoigner de notre rencontre personnelle avec le Christ, de proposer cette « metanoïa »[9] déterminante pour toute notre vie, sans l’imposer, mais sans s’en cacher non plus. Il est urgent de répondre enfin avec « douceur et respect » à l’attente de tous ceux qui espèrent que nous rendions compte de l’espérance qui est en nous. (Et ils sont bien plus nombreux que nous l’imaginons, d’ailleurs beaucoup ont déjà été touchés par des chrétiens !). Bref, n’attendons plus, la nouvelle évangélisation, c’est maintenant !

Ps : Peut-être Benoît XVI tira-t-il une exhortation de ce synode ? (Comme l’a fait Paul VI pour le synode sur l’évangélisation dans le monde moderne, poussé par Jean-Paul II… [10].)


[1] Benoît XVI, première audience aux membres du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, 30 mai 2011.

[2] Benoît XVI, discours prononcé lors de la bénédiction des flambeaux, sur l’esplanade du sanctuaire de Fatima, au Portugal, le 12 mai 2010.

[3] Benoît XVI, message aux participants au deuxième congrès mondial pour la Pastorale des pèlerinages et des sanctuaires, 27 septembre 2010.

[4] Jean-Paul II, Port-au-Prince (Haïti), 9 mars 1983.

[5] Jean-Paul II,  Christifideles laici, § 4

[6] Ibid, § 35

[7] Cf par exemple la finale de l’Evangile de Matthieu (Mt 28, 19

[8] Cf paragraphe 22, Paul VI, Evangelii Nuntiandi, sur la nécessité d’une annonce explicite.

[9] Lire à ce sujet la conférence du cardinal Ratzinger sur la nouvelle évangélisation pour le jubilé des catéchistes, en l’an 2000.

[10] En 1974, le 4e Synode des évêques se réunit à Rome sur le thème de  l’évangélisation dans le monde moderne. L’histoire raconte qu’au cours d’une des sessions finales, le Rapporteur général, un certain Karol Wojtyla, archevêque de Cracovie et consulteur au Conseil des Laïcs, demande la parole. Dans une intervention qui s’avèrera prophétique, il demande que le pape Paul VI reprennent à son compte les recommandations élaborées. Celui-ci accepte et en fait l’exhortation apostolique post-synodale Evangelii Nuntiandi, texte de référence encore aujourd’hui sur l’évangélisation dans le monde moderne.

Ainsi soient-ils : faut-il réagir ?


Une des affiches diffusées un peu partout, dont le métro parisien.

Vous avez peut-être déjà entendu parler de cette série qui sera diffusée dans 15 jours sur Arte. Quelques cathos influents nous disent qu’il ne faut surtout pas réagir. En tout cas, attendre de voir…

Un premier motif donné pour cela : « il y a d’autres combats plus importants à mener ». Certes, nous devons être en ce moment sur tous les fronts. Mais cela veut-il dire qu’il faut en abandonner certains ? Chacun a le droit de préférer une bataille à une autre, celle de l’euthanasie, par exemple, au mariage gay, ou encore répercuter les appels au secours des chrétiens persécutés du Moyen-Orient. Mais n’opposons pas les initiatives entre elles, il y a de la place pour tout le monde, pour toutes les bonnes volontés, selon leur charisme et leur appel.

Un deuxième impératif serait de « ne pas faire de publicité inutile à cette série ». Mais problème : les pubs sont déjà présentes dans le métro, sur Internet, grâce à une lourde campagne de communication payée par Arte, qui selon la presse spécialisée cherche avec cette nouvelle série à retrouver de l’audience. Comme si nous pouvions rivaliser avec une agence de com’ aux moyens très importants, précisément celle que François Hollande a choisi pour sa campagne présidentielle (BDDP et Fils).

Les cathos auraient-ils aussi, en juillet, fait trop de « pub » à Inquisitio ? Je ne le pense pas : il s’agissait plutôt d’une légère contre-publicité à cette série diffusée en prime time sur France 2. Le site de L’Inquisition pour les nuls a en effet reçu la visite de 20.000 visiteurs uniques en deux semaines, cathos compris, quand le premier épisode rassemblait à lui seul plus de 3 millions de téléspectateurs derrière leurs télévisions : nous ne jouons décidément pas dans la même cour, notre capacité de réponse est sans commune mesure avec la force des mass medias. Arte peut monter jusqu’à 1 million de téléspectateurs en prime time. Tout au plus, avec Internet, nous pouvons juste en « rattraper » quelques uns via une bonne stratégie de référencement, ce qui est déjà pas mal. 🙂

Voici, pour finir, le troisième motif donné : « ne pas créer de polémique, puisque c’est ce qu’ils recherchent ». Confère le mail envoyé à certains blogueurs catholiques pour les provoquer (et les inviter à une avant-première). Ou la fausse lettre de prêtre condamnant la série publiée – puis retirée – sur le blog d’Arte. Mais justement, ne pouvons-nous pas apporter des réponses sans pour autant polémiquer ? N’y a-t-il pas un espace entre la « réaction » revancharde et l’explication de texte ?

Et puis, à ceux qui veulent nous chercher des poux, suffira-t-il un jour de nous provoquer pour aussitôt nous réduire au silence et donc nous empêcher de témoigner ? Le Christ ne répondait-il pas souvent à ceux qui le mettaient à l’épreuve, non par l’esquive, ni par la pique, mais en faisant appel à leur intelligence ?

Cette série pose donc deux questions : 1. Faut-il réagir ? 2. Comment réagir ?

  1. Faut-il réagir ? Et si, au contraire, cette série était une nouvelle occasion de témoigner, de donner les raisons de notre espérance, avec douceur et respect, comme nous le demande le premier pape de l’Eglise ? (1). J’ai vu les 8 premiers épisodes, et sans vous en dire plus pour le moment, il me semble donc que c’est une magnifique opportunité pour répondre, oserais-je dire une « chance », mais bien sûr pas de n’importe quelle manière.
  1. Comment réagir ? Justement, de façon calme, posée, réfléchie, adaptée. Comme le disait un responsable de l’Opus Dei au moment du Da Vinci Code, il peut s’agir de « faire de la limonade avec du citron ». Car la limonade, tout le monde peut la boire, même si au départ nous partons d’un goût acide. Nous devons aussi absolument respecter la règle des trois « P » : être professionnel, poli, et positif. Facile ? Essayons, au moins, avec les petits moyens que nous avons.

Il est enfin temps de prendre conscience qu’en France, l’Eglise catholique entre dans une ère de communication de crise, et ce quasi-permanente. Qui pourra l’aider ?

Depuis Vatican II, nous, laïcs, loin de tout cléricalisme, et sans nous affoler, disposons d’une liberté d’action pour agir. (Ce qui n’empêche pas, d’ailleurs, de se coordonner avec les instances officielles). Une réaction ne serait-elle justement pas d’abord le rôle des laïcs, et non de l’institution ? Ne devons-nous pas prendre nos responsabilités ? Et moi-même, dois-je agir ?

Un de mes amis me rappelait hier, toujours au sujet nouvelle série, la lecture de dimanche dernier (2), forte à propos et qui rejoint la recommandation de Saint Pierre citée plus haut :

« Attirons le juste dans un piège, car il nous contrarie, il s’oppose à notre conduite, il nous reproche de désobéir à la loi de Dieu, et nous accuse d’abandonner nos traditions. Voyons si ses paroles sont vraies, regardons où il aboutira. Si ce juste est fils de Dieu, Dieu l’assistera, et le délivrera de ses adversaires. Soumettons-le à des outrages et à des tourments ; nous saurons ce que vaut sa douceur, nous éprouverons sa patience. Condamnons-le à une mort infâme, puisque, dit-il, quelqu’un veillera sur lui. »

(1) 1 Pi 3,15
(2) Sg 2, 12, 17-20

TGV miséricorde

 

Revenons à l’essentiel pour ce XXIème siècle : la miséricorde de Dieu !

Il y a quelques jours, nous rentrons, mon épouse Marie, nos deux garçons et moi, d’une première communion en Bourgogne par le TGV Dijon-Paris. Le voyage ne va pas être facile, Karol (3 ans) et Joseph (18 mois) sont fatigués par cette longue journée et expriment déjà un peu de mauvaise humeur. En s’installant dans le ‘carré famille’ qui nous est réservé, une passagère, de l’autre côté, nous adresse la parole pour nous tranquilliser : « si vos enfants font du bruit, ne vous inquiétez pas, nous pourrons les supporter, c’est normal, à leur âge ! ».

Quelques instants plus tard, comme ils s’agitent, elle va leur acheter un paquet de chips au wagon-restaurant. Puis la conversation s’engage entre elle et ma femme.

D’origine algérienne, sa vie n’est pas facile : deux filles de deux maris différents, une  situation compliquée à gérer… Elle nous montre des photos d’elles sur son téléphone portable. Karol, qui est fan des téléphones mobiles (il sait parfaitement utiliser mon Iphone), regarde lui aussi.

Pendant ce temps, Joseph s’est attaqué au sac à main de Marie, qu’il vide méticuleusement. S’en échappe une neuvaine à la miséricorde divine. Karol à son tour s’approche de Joseph, il la prend dans les mains et la regarde. Sur la couverture de cette neuvaine, on voit Jésus peint selon la vision de Sainte Faustine.

Karol se dirige vers notre passagère et lui donne la neuvaine, en lui disant, droit dans les yeux : « Jésus, Jésus ». « Ah, je vais regarder », lui répond-elle aussitôt. Elle met ses lunettes et commence à lire. « Cela me touche beaucoup, dit-elle ». Elle s’apprête à nous la rendre mais Marie lui dit « Gardez-la, si cela vous fait plaisir ». « D’accord, je le garde, surtout que lorsqu’un enfant donne, ça veut dire quelque chose d’important ».

En effet, Karol, avec ses yeux perçants, a dû toucher quelque chose en elle. « Et puis, votre fils, on dirait un petit ange », ajoute-elle. Un peu plus tard, elle nous dit aimer la Saint Vierge car  « Marie fait partie de toutes les religions. »

Et voici comment Karol et Joseph ont évangélisé pour la première fois dans le TGV, sans que leurs parents fassent grand chose. Il suffit parfois de si peu !

A l’arrivée, cette femme nous dit « encore merci pour votre cadeau, et puis vous savez, c’est tombé au bon moment, j’en avais bien besoin ».

Quelques instants plus tard, je me tourne vers Marie et je lui demande : « Au fait, sais-tu quel jour on est ? » « Non, me répond-elle » « Nous sommes le dimanche de la divine miséricorde ». Tout s’explique !

Sur le même sujet, lire aussi “Une larme dans le TGV”.

 

Une larme dans le TGV

 

Seule, debout sur la plateforme du TGV en attendant qu’il parte, un téléphone vissé sur l’oreille, une jeune femme essuie une larme. Rangeant ma trottinette avec les bagages, je l’entends dire en soupirant : “ce qui va être pénible, c’est la garde partagée”. Je m’adresse à Dieu : “Seigneur, fais quelque chose pour elle, s’il te plaît !”.

Je vais m’assoir à ma place, côté couloir, carré fond de wagon. Une autre place est encore libre en face de moi, côté fenêtre. Et c’est elle qui vient s’y assoir : nos deux places étaient réservées.

Le hasard avec un grand P, comme dirait un ami. Ce qui signifie pour moi : réponse favorable, il faut y aller ! Monter au créneau, intelligemment, tout en douceur. Que faire ? Lui dire un petit mot de réconfort, ce serait bien le minimum. Mais comment, Seigneur ? Je dois la laisser libre. Faire attention à ne pas divulguer son secret aux autres passagers…

Un petit message par écrit ferait bien l’affaire. Mais je n’ai pas de stylo. Saisissant mon Iphone, je tape dans le bloc-note : “Si vous me permettez, je vais prier pour vous. Peut-être que rien n’est perdu ?”. Et je lui le tends, sous le regard étonné des deux autres personnes assises à côté de nous.
“C’est pour moi ?”, me demande-t-elle, interloquée. “Oui, c’est pour vous”. Elle lit. “Puis-je taper quelque chose ?” me demande-t-elle. “Je vous en prie”. Elle me le rend. Il est écrit : “Je ne sais pas ce que vous avez compris”.

Surprise : feu rouge. Elle ne veut pas en parler. Trop douloureux, trop intime, surtout avec un inconnu. J’écris seulement : “J’ai dû mal comprendre, excusez-moi. J’ai cru vous voir pleurer et parler de garde d’enfants”. J’ajoute, pour m’en excuser : “j’ai entendu beaucoup de souffrances aujourd’hui”. Elle lit mon message et me le rend, sans dire un mot, mais elle me fait timidement oui de la tête, en me fixant droit dans les yeux, comme si elle allait éclater en sanglots. Je lui rends un sourire. C’est tout. Rien qu’un sourire.

Je vais prier pour elle, c’est sûr, et je vous invite à faire de même, chers amis internautes. Depuis Pâques, le Christ a vaincu la mort : il peut tout pour cette jeune femme dont je ne connais même pas le prénom.

NB : Trois mois plus tard, un matin dans le TGV, quelqu’un tape sur mon épaule : “Vous souvenez-vous de moi ? Je voudrais juste vous remercier pour l’attention que vous aviez eue, c’était très gentil.” Encore une nouvelle occasion d’aller plus loin !

Hommage à Cherbourg

Spéciale dédicace à la Presse de la Manche pour cet article et à David Lerouge

Cherbourg. Ce nom magique résonne pour moi comme une enfance heureuse. Les mouettes rieuses et chantantes par dessus les toits, le ciel bleu, souvent là, et ses nuages rapides. La toile de jute orange recouvrant ma chambre, la double-fenêtre donnant un air d’antan par laquelle je pouvais admirer notre jardin et son magnifique poirier, trônant en son milieu, aux fruits aussi nombreux que délicieux.

Les étourneaux qu’il avait fallu faire fuir à coups de casseroles, le poulailler transformé en cabane de luxe à grand renfort de vieux tissus et de morceaux de bois. Les toilettes du fond du jardin que plus personne n’utilisait mais qui restaient là comme un vestige du passé, les grands lauriers sur lesquels nous grimpions et qui nous permettaient d’escalader le mur pour rendre visite à nos petites voisines.

Je me souviens que notre maison était située à mi-chemin entre l’école et son annexe pour les classes de CM2, qu’on appelait « Les Bastions », ce qui me permettait de rejoindre le cortège de mes camarades bien après la sonnerie, quitte à me faire tirer les oreilles, au sens propre, par notre immense instituteur au regard bleu perçant, tout droit sorti d’un western de Clint Eastwood. Il arrivait à celui-ci de venir de temps à autre me donner quelques cours de rattrapage – je n’étais pas très assidu en classe – et le simple fait de l’entendre sonner à la porte me glaçait le sang dans les veines, même s’il était plutôt gentil. Je devais alors prendre mon courage à trois pieds et filer lui ouvrir, un peu malgré moi…

J’étais enfant de chœur à la basilique de la Sainte Trinité, avec mon frère cadet. Il nous fallait parfois nous pincer très fort pour ne pas nous endormir sur les scabreux tabourets de bois verni, comme éviter de laisser couler la cire de nos trop lourds cierges. J’étais souvent le petit porte-croix, et le curé, à la fin de la messe, aimait me glisser à l’oreille : « vas-y, fonce dans le tas ! », à l’adresse ceux qui bloqueraient encore l’allée centrale (voir photo ci-contre). Je m’exécutais non sans plaisir, et comme éminent signe de reconnaissance de sa part, il me confiait souvent son aube avant d’aller saluer les paroissiens sur le parvis en arc de cercle, afin que je la dépose à la sacristie en même temps que la mienne… Pour couronner le tout, nous étions abonnés malgré nous à « Servir » (vous savez, la revue des servants d’autel…) et, surtout, à des chocolats, chaque année, après la messe de minuit, qu’il nous donnait en mains propres. C’est peut-être de cette époque que je tiens mon tempérament de fonceur et ma grande affection pour les prêtres, quels qu’ils soient.

Malgré le fait que j’arrivais à peine à l’heure – il arrivait que je me glisse par derrière parmi les autres enfants de choeur – j’étais bientôt promu thuriféraire de 2ème classe, faisant retentir dans le silence religieux de l’élévation eucharistique le petit cliquetis de la chaîne de l’ostensoir plein d’encens, par trois fois trois petits coups secs, sous les yeux de l’assemblée en prière et du célébrant… Un instant de grâce !

J’étais également louveteaux, engagement dont je garde un souvenir mémorable. J’ai laissé un peu de moi-même dans nos aventures épiques, notamment un bout d’incisive, au pied d’un talus duquel j’étais tombé la tête la première… Je me souviens aussi d’avoir été kidnappé par mes chefs, pendant un grand jeu, et planqué au sommet d’un immense tas de foin au milieu des vaches normandes, avec pour toutes victuailles un sac rempli de bonbons… Notre aumônier officiel, portant la soutane, usé comme la corde, tremblait comme une feuille en célébrant sa messe, qui était belle, d’ailleurs, pleine de solennité. Il était toujours prêt à nous rendre visite malgré son vieil âge. Je lui avais promis de l’inviter à venir voir notre crèche que j’avais illuminée en y installant une petite ampoule de lampe de poche… C’était un saint, bien que l’Eglise ne l’ait pas (encore) canonisé. Quant à notre Akella (Vincent Daniel), à force de prier le saint curé d’Ars d’envoyer des prêtres, il le devint (prêtre, pas curé d’Ars !).

Et puis il avait les copains. En particulier, nos feux d’artifice nocturnes qui réveillaient les voisins, ou les virées dans la grande rade, grâce au club nautique de la marine où nous pouvions choisir nos dériveurs, mâchant des tonnes de chewing-gums et pêchant le poisson à la traîne…

J’ai quitté Cherbourg avec tristesse, selon ce proverbe connu qui nous rappelle qu’on y vient en pleurant – à cause du temps – et qu’on en repart en larmes – à cause des amis dont on se sépare. Cherbourg reste toujours Cherbourg.

« Encore une petite chose… » (Steve Jobs)

Voici un résumé des quelque 640 pages de la biographie de Steve Jobs, le fondateur d’Apple, que je viens de terminer. Déjà best-seller planétaire, ce livre retrace le parcours d’une personnalité hors du commun, qui était bien plus que le simple PDG d’une entreprise informatique, révolutionnant chaque domaine qu’il touchait.

La saga de Steve Jobs incarne d’abord le mythe de la Silicon Valley, comme le souligne son biographe : « le lancement d’une petite société dans le garage proverbial pour aboutir à l’édification d’un empire technologique ». « Jobs n’était pas inventeur au sens strict, mais un maître pour mêler idées, art et technologie et ainsi « inventer » le futur. Il avait conçu le Macintosh parce qu’il avait compris le potentiel des interfaces graphiques – ce que Xerox avait été incapable de faire – et il avait créé l’iPod, parce qu’il avait envie d’avoir mille chansons dans sa poche – ce que Sony, malgré ses atouts et son héritage, n’avait pu accomplir. Certains entrepreneurs innovent parce qu’ils ont une vision globale, d’autres parce qu’ils maîtrisent les détails. Steve Jobs faisait les deux. » On lui doit notamment :

–       l’Apple II, devenant le 1er ordinateur personnel de grande consommation (et non une machine destinée aux passionnés d’informatique)
–       Le Macintosh, initiant la révolution du micro-ordinateur (et popularisant les interfaces graphiques)
–       Toy Story et les autres succès de Pixar (dont Disney fut jaloux et qui donnèrent naissance au miracle de l’image numérique)
–       Les Appel Store, réinventant le rôle des magasins dans l’identité d’une marque
–       L’iTunes Store, donnant un nouveau souffle à l’industrie musicale
–       L’iPhone, transformant les téléphones portables en appareil multi-fonctions tactiles : baladeur, appareil photo, gestionnaire e-mail et navigateur web, ouvertes à des milliers d’applications)
–       L’App Store, créant à lui seul un nouveau secteur économique : le développement  d’applications
–       L’iPad, la tablette électronique tactile (qui lui servit de base à l’iPhone), offrant une nouvelle plateforme aux journaux, magazines, livres et vidéos numériques
–       L’iCloud, permettant de déposer sur un même « nuage », à travers différents appareils, toutes sortes de contenus.

Né le 24 février 1955 à San Francisco et mort le 5 octobre 2011 à son domicile de Palo Alto, Steve Jobs est d’abord un rescapé de l’avortement. Joanne, sa mère, venait d’une famille rurale du Wisconsin, d’origine allemande et catholique. Son père, Abdulfattah allias « John », musulman originaire de Syrie, était maître-assistant à l’université locale. Steve fut conçu lors d’un voyage à Homs. De retour aux Etats-Unis, Joanne sut qu’elle était enceinte. « Ils avaient tous les deux 23 ans mais décidèrent de ne pas se marier : le père de Joanne se mourrait et avait menacé de déshériter sa fille si elle épousait John. L’avortement était une solution compliquée dans une petite commune catholique. Alors Joanne fit un voyage à San Francisco pour consulter un médecin qui s’occupait des filles-mères, mettait leur enfant au monde et trouvaient discrètement une famille adoptive pour les adopter. »

Les parents adoptifs de Steve Jobs lui offrirent une enfance heureuse, mais il souffrit cependant toute sa vie de cette profonde blessure d’avoir été abandonné. Paul Jobs et sa femme l’emmenaient à l’église luthérienne presque tous les dimanches, mais quand il eut treize ans, en juillet 1968, le jeune Steve emporta au culte un numéro du magazine Life – dont la couverture montrait des enfants du Biafra mourant de faim – et il apostropha le pasteur :

–       Si je lève mon doigt, Dieu sait avant moi quel doit je vais lever ?
–       Oui, Dieu sait tout, répondit le pasteur.
–       Dieu est donc au courant pour ça et ce qui arrive à ces enfants ?
–       Steve, je sais que c’est difficile à comprendre, mais oui, il sait.

Faute d’une réponse plus appropriée sur le non-interventionnisme du Tout-Puissant Dieu amour, Steve déclara qu’il ne voulait plus rien savoir d’un tel Dieu, ni remettre les pieds dans une église…

Puis il s’intéressa au LSD et aux paradis artificiels en vogue dans la contre-culture de l’époque. Il se rendit plusieurs fois en Inde, se fit végétarien et amateur de jus de pomme – dont Macintosh est une variété. A partir ce moment, Steve Jobs se tourna vers la philosophie naturaliste et relativiste – autrement dit le new age – pour combler ce grand vide, ne sachant pas quel sens donner à sa vie.

Paul, son père, qui réparait des voitures à longueur de temps, lui apprit « qu’un bon artisan apporte le même soin à toutes les parties de son travail, que celles-ci soient visibles ou non ». Steve Jobs poussera plus tard ce principe à l’extrême, jusqu’à peaufiner la position des puces et des composants sur la carte mère de ses ordinateurs, balayant les objections des ingénieurs qui lui disaient « l’essentiel, c’est que cela fonctionne ». Le boîtier transparent de l’iMac lui donnerait raison un jour…

En attendant, le petit Steve s’intéressait aux auto-radios, puis à l’électronique, avec son ami Steve Wozniak, un petit génie des circuits imprimés, avec qui, bientôt, il fondra Apple.

Profondément artiste, Steve Jobs explore une nouvelle voie : « l’intersection entre les arts et la technologie. » Outre les drogues durent dont cette biographie fait parfois l’apologie, Steve Jobs tire de ses lectures et de ses rencontres « zen » l’inspiration nécessaire à ses créations. Il établira ainsi les principes du design tel qu’il l’entend (un chapitre entier du livre est consacré à cette question) : « Avant, les ingénieux disaient : voilà les entrailles de la bête, et les designers devaient de débrouiller pour faire tenir ça dans une boîte. Mais Steve Jobs répétait que le design était la clef de la réussite, qu’il devrait être à l’origine de la conception, et non l’inverse ». Pour lui, le design n’était pas un simple travail de surface, mais devait refléter l’essence du produit. L’esthétique était donc intégrée au processus de conception et de fabrication. « Il faut aller beaucoup plus loin que le minimalisme : jusqu’au cœur de la complexité du produit, pour l’épurer au maximum, et même repenser, si nécessaire, la manière de le fabriquer ». C’est ce qui aboutira au dépôt de plus de 200 brevets de fabrication, et, plus tard, à l’immense succès de l’iMac, de l’iPod, de l’iPhone et de l’iPad, à la pointe de l’innovation. Même l’alimentation des Macbook, ces petits pavés blancs avec un connecteur aimanté, étaient passées par les mains du fondateur ! Aucun détail n’était laissé au hasard.

Steve Jobs trouvait également de nouvelles idées pendant de longues promenades qui furent sa marque de fabrique, adoptant par exemple les coins arrondis des panneaux de circulation pour ses fenêtres et ses icônes, reprenant la pureté des lignes des plus beaux appareils électroménager qu’il trouvait dans les magasins, comme celles du robot mixer « Cuisinart ». Le style japonais l’attira de plus en plus et il fréquenta quelques uns de ses figures de proue : « j’ai toujours trouvé le bouddhisme, disait-il, en particulier le bouddhisme japonais – d’une beauté absolue. Mon plus grand choc esthétique, je l’ai eu en découvrant les jardins de Kyoto, j’étais impressionné par les chefs d’œuvres qu’avait produit cette culture, et cette beauté puisant sa source directement dans le bouddhisme zen. » (p.158). Il érigeait cette formule en dogme : « la simplicité est la sophistication suprême ». Cela se retrouvait dans ses produits, souvent inégalés par leur beauté et leur facilité d’utilisation. Il n’est pas étonnant que ses premiers clients furent les architectes, les graphistes et tout ceux qui sont concernés par la création artistique. On comprend mieux aussi pourquoi l’interface graphique de Mac est beaucoup plus belle que celle de Windows, à commencer par les icônes auxquelles Steve Jobs apportait une grande importance.

Avec Pixar, qu’il rachète à Georges Lucas, il révolutionna aussi l’industrie du dessin animé, volant la vedette à Disney avec des films aux graphismes époustouflants, comme Toy Story.

Steve Jobs verse aussi dans un volontarisme exacerbé, autrement appelé « champ de distorsion de la réalité », rendant même l’impossible possible. Cela lui permettait de pousser ses équipes à se surpasser. Il était aussi connu pour être colérique, manipulateur, humiliant vis-à-vis de ses collaborateurs, voire exécrable. Ce qui lui valu d’être évincé d’Apple entre de 1983 et 1997, se donnant alors une belle leçon de vie.

Mais par la suite, il donnera à Apple une véritable culture d’entreprise. « Il est inscrit dans les gênes d’Apple que la technologie à elle seule ne suffit pas, répétait-il. Nous pensons que c’est le mariage entre la technologie et les arts, la technologie et les sciences humaines, qui donne naissance à des produits capables de faire chanter notre cœur ». Son credo entrepreneurial : « de bons produits, un bon marketing, et une bonne distribution ». Il voulait ainsi concevoir « des produits qui rendent heureux ses clients » et développa une stratégie de « foyer numérique », « permettant de connecter facilement votre ordinateur de bureau à une foule d’appareils portables ». Il mit aussi au point le concept d’« intégration » pour maîtriser toute la chaine de « l’expérience utilisateur », contrairement à Microsoft qui revendait ses logiciels à des constructeurs d’ordinateurs comme Dell ou IBM.

Microsoft ? « Ils étaient très doués en matière de marketing, mais concernant leurs produits, ils ont été moins ambitieux qu’ils auraient dû, déclara Steve Jobs. Bill aime se définir comme un homme de produits, mais c’est faux. Microsoft ne fabrique que des produits de troisième ordre et Bill est un homme d’affaires. Gagner des parts de marché était plus important pour lui que réaliser des chefs d’œuvre. (…) C’est un type brillant, qui a beaucoup d’humour. Mais l’humanité et l’art ne sont pas inscrits dans les gènes de Microsoft. Même le Mac, ils n’ont pas su le copier correctement. Ils sont passés complètement à côté. » (p. 636-637)

De fait, en janvier 1984, Apple sortit le premier système d’exploitation pourvu d’une interface graphique (avec une souris) quand Microsoft en fit une pâle copie – sans les fenêtres qui se chevauchent, par exemple – via son Windows 1.0, presque deux ans plus tard.

La « philosophie marketing » d’Apple fut rédigée un jour en une page, avec trois points capitaux :

– L’empathie : « une connexion intime avec les attentes des clients » : « nous devons comprendre leurs besoins mieux que toute autre entreprise », disait Steve Jobs (p. 105). « Certains disent : ‘Donnez au client ce qu’il souhaite’, ce n’est pas mon approche.  Notre rôle est de devancer leurs désirs. Je crois qu’Henri Ford a dit un jour : « Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils désiraient, ils m’auraient répondu : ‘un cheval plus rapide !’ ». Les gens ne savent pas ce qu’ils veulent tant qu’ils ne l’ont pas sous les yeux, voilà pourquoi je ne m’appuie jamais sur les études de marché. » (p. 637)
– La convergence : « afin que notre travail soit le plus efficace possible, il faut éliminer toute activité secondaire. » Ainsi Steve Jobs fit souvent choisir à ses équipes un seul produit à développer, pour s’y consacrer au maximum et rester concentré dessus.
– L’incarnation : « l’opinion qu’a le public d’une marque se fait en fonction des signaux qu’elle envoie. » Ainsi Steve Jobs se souciera toujours de l’image de ses produits, jusqu’au carton d’emballage : « Les gens jugent un livre à la couverture, disait-il, nous pouvons avoir le meilleur produit du marché, la meilleure qualité, le meilleur système d’exploitation, si nous les présentons de manière merdique, tout cela sera perçu comme de la merde », disait-il abruptement. Il renouvela la publicité faite autour du lancement d’un nouveau produit. Ces derniers étaient organisés comme des cérémonies religieuses, les fameuses « grands messes d’Apple », dont s’inspirent désormais de grandes enseignes, comme l’a fait par exemple ces jours-ci Xavier Niel de Free.

Le livre revient aussi sur les rapports compliqués du fondateur d’Appel avec celui de Microsoft : « Il aurait pu être un gars plus ouvert d’esprit s’il avait pris de l’acide dans sa jeunesse ou mis les pieds dans un ashrâm hindou », disait Steve Jobs de ce dernier (p. 209). Bill Gates n’était pas rancunier et vouait une grande admiration à son rival, toujours très impressionné par les nouveaux produits qu’il sortait, comme en attestent quelques un de ses e-mails. Ils se rencontrèrent souvent et Bill Gates lui rendit même longuement visite chez lui lorsqu’il essayait de se battre contre son cancer.

La stratégie de Steve Jobs s’avéra payante sur le long terme. En mai 2000, la valeur d’Apple correspondait à 1/20e de celle de Microsoft. Dix ans plus tard, en mai 2010, Apple surpassait Microsoft, devant la société la plus rentable du secteur technologique. En septembre 2011, elle valait 70% de plus que la firme de Bill Gates…

Vers la fin de sa vie, épuisé par ses traitements – il avait d’abord essayé pendant neuf mois les médecines alternatives – Steve Jobs s’interrogea sur l’existence de Dieu et la réincarnation.  « Je crois en Dieu à 50/50, déclara-t-il. Durant la majeure partie de ma vie, j’ai toujours eu le sentiment qu’il existait un versant caché de mon existence. J’aime croire que quelque chose survit après notre trépas. Il est étrange d’accumuler toute expérience, et un peu de cette sagesse, pour que tout s’évanouisse brutalement. Alors j’ai vraiment envie de croire que quelque chose perdure… »

Canonisé aujourd’hui par le consumérisme mercantile, devenu une idole du monde contemporain au point d’être érigé en ‘sauveur’, Steve Jobs n’en garde pas moins l’étoffe des génies. « Votre temps est limité, avait-il déclaré dans son fameux discours aux jeunes diplômes de l’université de Stanford, ne le gâchez pas en menant une existence qui n’est pas la vôtre. Soyez insatiables, soyez fous ! Ne soyez pas prisonniers des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d’autrui. Ne laissez pas le brouhaha extérieur étouffer votre voix intérieure. Ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. L’un et l’autre savent ce que vous voulez réellement devenir. Tout le reste est secondaire. »