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Jean-Paul II

Pourquoi j’ai appelé mon fils Karol

Jean-Paul II

Lorsque j’ai rencontré celle qui allait devenir ma femme, il y a huit ans déjà, nous avons tout naturellement évoqué les prénoms que nous voudrions pour nos enfants…

–  Si tu as un garçon, tu l’appelleras comment ? lui ai-je demandé.

– Karol !

– Ça alors, moi aussi ! lui ai-je aussitôt répondu…

Lorsque nous avons attendu notre premier enfant, nous avons donc su, dès le verdict de l’échographie, que notre aîné s’appellerait Karol. Quelle chance de s’être entendus si vite ! 😉

Bien sûr, ce choix n’est pas un simple hasard : issus de la « génération Jean-Paul II »,  nous avons vécu nos vingt premières années sous ce pontificat.  Pour ma femme, Jean-Paul II a été un père, au sens propre. Pour moi, une bouée, un phare, un autre père. Quoi de plus naturel que de donner à ses enfants le nom d’un père ou d’un grand-père chéri de qui l’on a beaucoup reçu ?

Je me souviens particulièrement avoir croisé son regard au JMJ de 1997. Regard d’une telle intensité… Ces journées me donnèrent pour la première fois envie d’évangéliser dans la rue, dans le métro, certains conducteurs disant eux-mêmes : « il est devenu vivant ! ».

Et puis, les JMJ de Rome, en 2000. Cette veillée inoubliable de Tor Vergata (vidéo), où le pape était en parfaite osmose avec le million de jeunes présents, tel un père avec ses enfants, répondant à nos ovations en agitant joyeusement les bras.

Je me souviens particulièrement de son discours cette nuit-là, sur le thème « Et pour vous, qui suis-je ? » (Mt 16,15) (-peut-être parce que mes amis me demandèrent de répéter à haute voix la traduction de ma petite radio sans haut-parleur…) Il nous demandait alors d’aller « à contre courant » pour suivre le Christ :

« Chers amis, aujourd’hui encore, croire en Jésus, suivre Jésus sur les pas de Pierre, de Thomas, des premiers Apôtres et témoins, exige de prendre position pour lui, et il n’est pas rare que ce soit comme un nouveau martyre : le martyre de celui qui, aujourd’hui comme hier, est appelé à aller à contre-courant pour suivre le divin Maître, pour suivre «l’Agneau partout où il va» (Ap 14, 4). Ce n’est pas par hasard, chers jeunes, que j’ai voulu que pendant l’Année sainte on fasse mémoire, près du Colisée, des témoins de la foi du XXe siècle. »

Je me souviens encore lorsqu’il est entré dans la Vie. J’avais trouvé l’attente insupportable et j’étais allé au cinéma. Après le film, dans le RER, j’avais allumé mon portable et appris la nouvelle. J’ai eu la gorge subitement nouée. C’était pour moi la perte brutale d’un être très cher, avec qui j’avais vécu, et je m’y étais mal préparé. De plus, je n’ai pu me rendre à son “enciellement terreste” à Rome… un vrai traumatisme !

Mais le souvenir de Jean-Paul II n’est pas resté une simple nostalgie. J’ai commencé à me plonger dans sa vie, ses écrits, son oeuvre. En 2009, lorsque j’ai publié mon livre « Dieu est de retour, la nouvelle évangélisation de la France », j’ai voulu rappeler comment, encore cardinal, il avait suggéré au pape Paul VI de reprendre à son compte les conclusions du 4e synode des évêques sur l’évangélisation dans le monde moderne, ce qui donna  précisement naissance à l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, texte de référence sur l’annonce de la Bonne Nouvelle dans nos sociétés démontées. N’est-ce pas le pape François qui en parle dans son encyclique Evangelii gaudium au paragraphe 123 ?

« Dans la piété populaire, on peut comprendre comment la foi reçue s’est incarnée dans une culture et continue à se transmettre. Regardée avec méfiance pendant un temps, elle a été l’objet d’une revalorisation dans les décennies postérieures au Concile (lancé par un certain Jean XXIII ! – ndJBM). Ce fut Paul VI, dans son exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi qui donna une impulsion décisive en ce sens. Il y explique que la piété populaire « traduit une soif de Dieu que seuls les simples et les pauvres peuvent connaître » et qu’elle « rend capable de générosité et de sacrifice jusqu’à l’héroïsme lorsqu’il s’agit de manifester la foi ».

Nous ne pouvons pas non plus oublier comment, devenu pape, Jean-Paul II appela à une évangélisation nouvelle dans son zèle, ses méthodes et ses langages, une réflexion prolongée par son successeur Benoît XVI…

Conclusion

Nous serons donc tous à Rome le week-end prochain pour cette grande joie de cette canonisation. Avec des millions d’autres, je rendrai ainsi tout petitement témoignage à ce géant de saint Jean-Paul II. Saint Jean-Paul II ? Cela me fait tout drôle de l’appeler comme ça, j’ai vraiment l’impression qu’on canonise quelqu’un de ma famille ! Disons simplement Jean-Paul II !

Au passage, ce sera la fête de la miséricorde, qu’il avait lui-même instaurée. La miséricorde, fil rouge de son pontificat. A l’heure où sort au cinéma le 1er film d’évangélisation par la miséricorde (lire ici), comment ne pas en parler ?

Bref, voilà, au fond, pourquoi j’ai appelé mon fils Karol : je lui dois d’être un chrétien engagé dans l’évangélisation, amoureux du Christ, amoureux de ma femme !

Vive le pape François, pape des pauvres !

Une mini-révolution

Pour une surprise, c’est une surprise : tous les pronostics ont été déjoués, même ceux des cathos les plus en vogue ou des éminences grises. Voici donc la preuve que c’est bien le Saint Esprit qui était aux commandes du conclave. Mais ce n’est pas très étonnant : outre le milliard de fidèles catholiques réunis à travers le monde pour cet événement, en France nous étions plusieurs milliers en prière : rien que 30.000 sur Internet à avec l’opération Mission conclave, qui a intéressé les médias profanes !

Même les éditorialistes les plus critiques vis à vis de l’Eglise sont satisfaits : ils rêvaient depuis longtemps d’un pape africain, asiatique ou latino-américain, et c’est l’Argentine qui nous donne un pasteur. Nous en sommes également très heureux : quoi de mieux pour secouer encore la vieille Europe endormie ? Quoi de mieux pour réveiller nos consciences anesthésiées par la dictature du relativisme, du « tout ce qui est possible, c’est bien » ?

En Argentine, le cardinal a été un ardent défenseur de la famille et un opposant très remonté contre le faux-mariage homosexuel. Le nouveau pape sera donc là encore un allié très important de ceux qui se battent contre ce projet inhumain du « ‘mariage’ pour tous », notamment en France, avec le grand mouvement citoyen « La manif pour tous ».

Le Président Hollande ne s’y est pas trompé en félicitant le nouveau souverain pontife : « La France, fidèle à son histoire et aux principes universels de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondent son action dans le monde, poursuivra le dialogue confiant qu’elle a toujours entretenu avec le Saint-Siège, au service de la paix, de la justice, de la solidarité et de la dignité de l’homme. » Réjouissons-nous que ce dialogue puisse avoir lieu sur le thème de la dignité humaine : nous prendrons le Président à ses propres mots !

Premiers traits du nouveau pape : humour, prière, humilité

On peut noter l’humour du pape qui a commencé par dire qu’on était allé le chercher « au bout du monde ». Ca n’a pourtant pas pris beaucoup de temps !

Impressionnant aussi : ils nous a tout de suite proposé de prier, ce sera donc un pape de la prière. Dès le départ, il a également appelé les fidèles à « entreprendre un chemin de fraternité, d’amour et d’évangélisation ». Cette mission évangélisation marquera sans doute son pontificat, puisqu’il commencera par des JMJ sur ce thème. Comme le rapporte au Figaro son biographe Argentin, Sergio Rubin, le cardinal Jorge Mario Bergoglio, devenu pape, « appellera sûrement tous les prêtres du monde à descendre dans la rue pour conquérir plus d’âmes ». De quoi revigorer toutes les paroisses à travers de nombreuses missions paroissiales ?

Notons encore son humilité, dans la droite ligne de Benoît XVI, demandant à la foule rassemblée place St Pierre un petit temps de silence pour que chacun prie et invoque sur lui la bénédiction de Dieu, avant de s’incliner profondément. Un pape qui demande encore qu’on l’appelle simplement François, et non pas François 1er, comme l’a souligné le porte-parole du Saint Siège.

« Le pape des pauvres », pour les pauvres

Mais ce qui est également remarquable dans le plan de Dieu, c’est que le pape François est un pape pour les pauvres, à l’image de Saint François d’Assise. Quelle aubaine à l’heure où le monde entier est secoué par la crise économique, où le fossé entre les plus riches et les plus pauvres s’agrandit, où l’argent, qui ne repose sur rien, n’apporte plus aucun sens à nos contemporains dans un monde rongé par l’individualisme ! Quelle chance d’avoir un pape issu du Tiers-Monde pour nous guider dans notre mission première, annoncer le Christ à tous les déshérités de la vie !

Comme son parcours nous le montre, il nous encouragera là encore sûrement à évangéliser les plus pauvres, y compris les pauvres de cœur.

Ordonné prêtre en 1969, nommé évêque auxiliaire de Buenos Aires en 1992 par Jean-Paul II, puis archevêque en 1998, créé cardinal en 2001, Jorge Mario Bergoglio s’est donc fait connaître pour son combat contre la pauvreté. Issu d’une famille modeste (son père est employé ferroviaire et sa mère se consacre à ses enfants), le nouvel évêque refuse la luxueuse résidence de l’archevêché pour prendre un petit appartement près de la cathédrale. Il refuse également la voiture avec chauffeur et préfère prendre le bus pour se déplacer dans la ville.  Lorsqu’un de ses prêtres, dans les bidonvilles – où il a multiplié leur présence par deux – est menacé par les trafiquants, il va dormir chez lui. En 2009, il déclare que la lutte contre la pauvreté est un combat pour les droits de l’homme. Il a enfin dénoncé l’autoritarisme des époux Kirchnner, à la tête de l’Argentine, et a sauvé plusieurs personnes des tortures et de la mort pendant la dictature.

« J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli; j’étais nu, et vous m’avez vêtu; j’étais malade, et vous m’avez visité; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi (…) chaque fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. » (Mt 25, 25-40)

Dans ce passage de Saint Matthieu s’exprime la véritable fraternité, qui nous vient du Christ. Jésus se donnant à aimer à travers les plus pauvres (Mt 25,40), prions pour que François nous aide à réaliser que la plus grande des pauvretés, la plus profonde souffrance, c’est de ne pas connaître Dieu ou d’en être séparé par le péché. Qu’il nous donne de communier à la compassion même de Dieu. A l’approche de Pâques, n’oublions pas que celle-ci s’est exprimée de façon ultime sur la croix du Golgotha : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique pour nous sauver du péché et nous donner la vie éternelle. » (Jn 3, 16-17)

Revivre cet événement : toutes les vidéos de KTO

 

Dieu est de retour

La nouvelle évangélisation, c’est maintenant !

La nouvelle évangélisation, c’est maintenant !

Dix ans que j’attendais ça. Dix ans qu’un évêque bien connu du Sud de la France, Mgr Dominique Rey, m’a parlé pour la première fois d’évangélisation et de nouvelle évangélisation, comme je l’ai raconté dans mon livre Dieu est de retour, la nouvelle évangélisation de la France, sorti en 2009. (Cet évêque a été nommé par Benoît XVI pour participer au Synode pour la nouvelle évangélisation qui a lieu en ce moment à Rome).

Un synode sur le sujet ? Mais pourquoi faire ?

Cet évènement est la suite de la création par le pape du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, le 21 septembre 2010, afin de « promouvoir une évangélisation renouvelée dans les pays où la première annonce de la foi a déjà retenti et où sont présentes des Eglises d’antique fondation, mais qui vivent une sécularisation progressive de la société et une sorte ‘d’éclipse du sens de Dieu’ » [1].

Loin d’être une simple parenthèse dans le pontificat de Benoît XVI, ce synode pour la nouvelle évangélisation s’inscrit au contraire dans la droite ligne de la priorité n°1 que le pape s’est fixée : « rendre Dieu présent dans ce monde et ouvrir aux hommes l’accès à Dieu »[2]. N’a-t-il pas également précisé que son pontificat est « un pèlerinage pour apporter Dieu au monde » [3] ?

En effet, depuis que Joseph Ratzinger est sur le trône de Pierre, il emploie le mot « nouvelle évangélisation » tous les 3 mois en moyenne. Il en a aussi parlé dans des textes de référence comme Verbum Domini, sur la Parole de Dieu, dans son livre Lumière du monde… Les prochaines JMJ au Brésil auront également lieu sur ce thème de la mission première de l’Eglise, l’évangélisation.

On voit donc bien qu’il ne s’agit pas d’un feu de paille ou d’un concept surexploité. D’ailleurs, le pape le précise lui-même : « la nouvelle évangélisation est le premier engagement de tous les catholiques ». C’est donc pour tout le monde ! Même ceux qui n’y croyaient pas. Ou ceux qui voyaient la nouvelle évangélisation comme une simple mouvance au sein de l’Eglise ou un quasi-monopole des communautés nouvelles. Il s’agit bien d’un appel à tous les catholiques, à tous les diocèses, à toutes les communautés au sens large, à toutes les « forces ecclésiales » pour reprendre les mots de Jean-Paul II sur le sujet. N’oublions pas que c’est lui qui a lancé cette formule.

Aux sources de la nouvelle évangélisation

C’était le 9 juin 1979, en Pologne, devant les ouvriers de la ville nouvelle Nowa Huta, l’un des hauts lieux de résistance au communisme, sur une place où il n’était pas prévu par les autorités d’y construire une église. Jean-Paul II déclare alors : « En ces temps nouveaux, en cette nouvelle condition de vie, l’Évangile est de nouveau annoncé. Une nouvelle évangélisation est commencée, comme s’il s’agissait d’une nouvelle annonce, bien qu’en réalité ce soit toujours la même. La croix se tient debout sur le monde qui change ».

(C’était il y a 33 ans, j’étais encore dans le ventre de ma mère et je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait !)

Trois ans plus tard, à Haïti, Jean-Paul II exhorte les croyants à se lancer dans une « nouvelle évangélisation, nouvelle dans son ardeur, nouvelle dans ses méthodes et dans son expression »[4]. Outre ce véritable appel lancé aux catholiques, c’est ici que Jean-Paul II donne sa définition de la nouvelle évangélisation, qu’il nous faudrait encore approfondir.

En 1988, dans son exhortation apostolique post-synodale Christifideles laici, sur la vocation et la mission des laïcs dans l’Eglise et dans le monde, celui qui est devenu le bienheureux Karol Wojtyla rappelle à plusieurs reprises « l’urgence » d’une nouvelle évangélisation menée par les laïcs : « L’heure est venue d’entreprendre une nouvelle évangélisation, déclare-t-il ; le phénomène de la sécularisation frappe les peuples qui sont chrétiens de vieille date, et ce phénomène réclame, sans plus de retard, une nouvelle évangélisation » [5]

Il s’agit donc bien d’une urgence qui n’est pas totalement nouvelle mais qui reste toujours  cruciale aujourd’hui. Jean-Paul II ajoute : « L’Eglise, qui observe et vit l’urgence actuelle d’une nouvelle évangélisation, ne peut esquiver la mission permanente qui est celle de porter l’Evangile à tous ceux qui – et ils sont des millions et des millions d’hommes et de femmes – ne connaissent pas encore le Christ Rédempteur de l’homme. C’est là la tâche la plus spécifiquement missionnaire que Jésus a confiée et de nouveau confie chaque jour à son Eglise. » [6]

L’évangélisation renouvelée…

Comme je l’écrivais dans mon livre cité plus haut, évangéliser, c’est répondre à cet appel du Christ, lancé il y a 2000 ans, pour répandre l’amour de Dieu dans le monde [7]. Le message de l’Evangile doit donner au monde la révélation d’un chemin qui est aussi Vérité et Vie, or le monde évolue. Pour répondre aux nouveaux défis qu’apporte cette modernité, l’annonce du message – et non pas le message lui-même ! – doit s’adapter. A frais nouveaux, et sans attendre ! Et quoi qu’en disent ceux qui pensent que l’Eglise serait rétrograde, alors qu’elle est au contraire en avance sur la société. (Cf cet article de Stéphanie Lebars proposé en analyse de la série Ainsi soient-ils par la Une du journal Le Monde le 8 octobre dernier, au sujet du synode).

Que dire de plus ? Nous pourrions parler des différentes méthodes de cette évangélisation nouvelle (la nécessite d’une annonce explicite et sans équivoque du Christ [8]), des destinataires possibles (ceux qui ne connaissent pas leur sauveur, comme ceux qui ont quitté l’Eglise sur la pointe des pieds), de nos stratégies, des bons exemples, etc. Nous pourrions énumérer encore les freins à l’évangélisation (lire à ce sujet le chapitre que leur a consacré Mgr Rey ce mois-ci dans son nouveau livre Paroisses, réveillez-vous !).

…c’est maintenant !

Aujourd’hui, l’heure est venue pour nous tous de passer des paroles aux actes. Inspirés par l’Esprit Saint, il est urgent de lancer de nouvelles initiatives tout aussi audacieuses que pertinentes. Il est urgent d’entrer plus facilement encore en relation personnelle avec nos contemporains, au travail, vers nos voisins, dans les rues, sur les places, par Internet et même dans les transports comme le TGV par exemple ! Partout. Il est urgent de témoigner de notre rencontre personnelle avec le Christ, de proposer cette « metanoïa »[9] déterminante pour toute notre vie, sans l’imposer, mais sans s’en cacher non plus. Il est urgent de répondre enfin avec « douceur et respect » à l’attente de tous ceux qui espèrent que nous rendions compte de l’espérance qui est en nous. (Et ils sont bien plus nombreux que nous l’imaginons, d’ailleurs beaucoup ont déjà été touchés par des chrétiens !). Bref, n’attendons plus, la nouvelle évangélisation, c’est maintenant !

Ps : Peut-être Benoît XVI tira-t-il une exhortation de ce synode ? (Comme l’a fait Paul VI pour le synode sur l’évangélisation dans le monde moderne, poussé par Jean-Paul II… [10].)


[1] Benoît XVI, première audience aux membres du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, 30 mai 2011.

[2] Benoît XVI, discours prononcé lors de la bénédiction des flambeaux, sur l’esplanade du sanctuaire de Fatima, au Portugal, le 12 mai 2010.

[3] Benoît XVI, message aux participants au deuxième congrès mondial pour la Pastorale des pèlerinages et des sanctuaires, 27 septembre 2010.

[4] Jean-Paul II, Port-au-Prince (Haïti), 9 mars 1983.

[5] Jean-Paul II,  Christifideles laici, § 4

[6] Ibid, § 35

[7] Cf par exemple la finale de l’Evangile de Matthieu (Mt 28, 19

[8] Cf paragraphe 22, Paul VI, Evangelii Nuntiandi, sur la nécessité d’une annonce explicite.

[9] Lire à ce sujet la conférence du cardinal Ratzinger sur la nouvelle évangélisation pour le jubilé des catéchistes, en l’an 2000.

[10] En 1974, le 4e Synode des évêques se réunit à Rome sur le thème de  l’évangélisation dans le monde moderne. L’histoire raconte qu’au cours d’une des sessions finales, le Rapporteur général, un certain Karol Wojtyla, archevêque de Cracovie et consulteur au Conseil des Laïcs, demande la parole. Dans une intervention qui s’avèrera prophétique, il demande que le pape Paul VI reprennent à son compte les recommandations élaborées. Celui-ci accepte et en fait l’exhortation apostolique post-synodale Evangelii Nuntiandi, texte de référence encore aujourd’hui sur l’évangélisation dans le monde moderne.

« C’est Jésus que vous cherchez quand vous rêvez de bonheur »

C’est aujourd’hui l’anniversaire de la mort de Jean-Paul II, aussi je voudrais lui dédier ce billet avec un extrait du discours qu’il a prononcé lors de la veillée des JMJ de Rome, à Tor Vergata, dont certains ici se souviennent sûrement ! C’était le samedi 19 août 2000, par une belle nuit d’été. Pour ma part, ce texte reste d’anthologie, lors d’un moment fort de mon existence. Je me souviens d’un Jean-Paul II en osmose avec nous, agitant les bras en cadence avec nos chants, et nous pouvions comme dialoguer avec lui…

Au delà de l’émotion que cet événement suscite encore en moi (ramenant de nombreux autres souvenirs !), je vois dans ces paroles  un testament laissé aux jeunes chrétiens que nous étions et aux adultes engagés que nous sommes depuis devenus. A ce titre, il est bon d’y revenir. Le pape parle en particulier d’une question fondamentale, celle que pose justement Jésus à ses disciples : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » (Mt 16,15)

Extrait :

Ce soir, je vais vous remettre l’Évangile. C’est le don que le Pape vous fait en cette veillée inoubliable. La parole qu’il contient est la parole de Jésus. Si vous l’écoutez en silence, dans la prière, en vous faisant aider par les sages conseils de vos prêtres et de vos éducateurs, afin de la comprendre pour votre vie, vous rencontrerez le Christ et vous le suivrez, engageant jour après jour votre vie pour lui !
En réalité, c’est Jésus que vous cherchez quand vous rêvez de bonheur; c’est lui qui vous attend quand rien de ce que vous trouvez ne vous satisfait; c’est lui, la beauté qui vous attire tellement; c’est lui qui vous provoque par la soif de radicalité qui vous empêche de vous habituer aux compromis; c’est lui qui vous pousse à faire tomber les masques qui faussent la vie; c’est lui qui lit dans vos cœurs les décisions les plus profondes que d’autres voudraient étouffer. C’est Jésus qui suscite en vous le désir de faire de votre vie quelque chose de grand, la volonté de suivre un idéal, le refus de vous laisser envahir par la médiocrité, le courage de vous engager avec humilité et persévérance pour vous rendre meilleurs, pour améliorer la société, en la rendant plus humaine et plus fraternelle.

Texte intégral : sur le site du Vatican

Internet nous rend-il idiots ?

Limiter notre intériorité. Voici le 15eme danger d’Internet, relevé dans mon livre Dieu et Internet, 40 questions pour mettre le feu au web, à la question « Quels sont les dangers d’Internet ? » (n°6, p. 45). En écho notamment, la théorie de Nicolas Carr, selon qui Internet nous rendrait idiot… Extrait tiré du livre.

Pour Jean-Paul II, Internet présente également le danger de limiter notre capacité à la contemplation. « Internet redéfinit de façon radicale le rapport psychologique d’une personne au temps et à l’espace, dit-il en 2002. L’attention est concentrée sur ce qui est tangible, utile et immédiatement disponible ; l’encouragement à approfondir la pensée et la réflexion peuvent manquer. Pourtant, les êtres humains ont un besoin vital de temps et de calme intérieur pour réfléchir et examiner la vie et ses mystères, et pour acquérir progressivement une domination mûre d’eux-mêmes et du monde qui les entoure. »

Le Pape à l’origine de la nouvelle évangélisation – y compris par Internet – précise : « La compréhension et la sagesse sont le fruit d’un oeil contemplatif sur le monde, et ne proviennent pas d’une simple accumulation de faits, quel que soit leur intérêt. Ils sont le résultat d’une réflexion qui pénètre la signification plus profonde des choses les unes par rapport aux autres et par rapport à la réalité tout entière. De plus, en tant que forum dans lequel pratiquement tout est acceptable et pratiquement rien ne dure, Internet favorise une façon relativiste de penser et alimente parfois le manque de responsabilité et d’engagement personnels. »

Gare donc au relativisme intellectuel qui troque une pensée pour une autre, comme s’il pouvait y avoir plusieurs vérités ! Nous verrons un peu plus loin que Benoît XVI a repris cette idée à son compte.

« Dans un tel contexte, concluait Jean-Paul II, comment pouvons nous cultiver cette sagesse qui ne provient pas seulement de l’information, mais de la réflexion, la sagesse qui comprend la différence entre le bien et le mal, et qui soutient l’échelle de valeurs qui découle de cette différence ? ».

Alors, Internet nous rend-il idiots ? L’Américain Nicholas Carr, auteur à succès sur la planète digitale, a enflammé la blogosphère et bien au-delà avec son troisième livre, intitulé Les bas-fonds, ou l’impact d’Internet sur nos cerveaux. Pour lui, l’utilisation d’Internet nous rend incapables de lire des documents qui dépassent quelques lignes.
L’auteur défend les thèses suivantes :

– comme le montrent les dernières avancées de la neuroscience par rapport à nos modes de pensée, le cerveau humain est dans un état d’apprentissage permanent ;
– les outils d’information changent notre manière de percevoir le monde, de penser et d’agir ;
– les changements induits par ces outils « informationnels » sont très rapides ;
– Internet aura autant d’impact sur notre cerveau que l’apparition de l’alphabet, de la cartographie, l’horloge ou l’imprimerie ;
– Internet est à notre service, mais peut devenir notre maître ;
– l’internaute perd une grande partie de ses capacités de concentration, de réflexion et de contemplation (reprenant ici à son compte l’idée de Jean-Paul II !) ;
– la tentation est grande de confier à l’informatique le travail de notre mémoire ;
– de moins en moins d’internautes arrivent à lire un livre en entier ;
– ce que Taylor a réalisé pour le travail manuel, Google (utilisé par 90 % des internautes) serait en train de l’appliquer au travail du cerveau.

Ainsi, comme l’avait écrit De Rosnais en 1996, auteur de L’homme symbiotique, Nicholas Carr cherche à démontrer que « l’Homo interneticus » se fatigue de moins en moins à force d’utiliser cet « outil de l’esprit » qu’est Internet. Il raconte aussi comment Friedrich Nietzsche, à trente-quatre ans, perdit la vue et n’arrivait donc plus à écrire. Le Danois Malling-Hansen, travaillant pour l’Institut royal hollandais des sourds-muets, lui fournit l’une des premières machines à écrire. Nous sommes en 1882. Très vite, des lecteurs lui font remarquer qu’il a changé de style, que ses textes sont plus denses et plus courts. Nietzsche répond alors : « Vous avez raison, nos outils d’écriture influent sur la création de nos pensées. »

Il est vrai que l’immense succès des SMS qui ne cessent de se répandre dans nos modes de communication, et de Twitter, le site de « microblogging » où les messages ne peuvent dépasser 140 caractères, peut nous effrayer. Lorsqu’on sait aussi que la longueur moyenne d’un texte lu sur Internet ne dépasse pas 1 200 signes, soit environ le tiers d’une page A4, nous pouvons nous interroger : répondent-ils à un impérieux besoin de rapidité et d’efficacité, ou trahissent-ils de façon générale une pensée étiolée ? Autrement dit, une réflexion synthétique signifie-t-elle pour autant qu’elle est réduite quant à sa substantifique moelle ?

Que dire alors de ces nombreux concours où l’épreuve du résumé de texte est utilisée pour mesurer la capacité des candidats à synthétiser leur pensée, ou de ces notes d’une seule page que demandent aujourd’hui les décideurs à leurs collaborateurs : sont-elles moins « réfléchies » pour autant ?

Il faut souligner encore qu’avec Internet, on assiste au grand retour de l’écrit… et donc d’une nouvelle réflexion écrite. De même que la micro-informatique a révolutionné le monde de la pensée, notamment avec l’apparition du traitement de texte : personnellement, quand j’ai découvert Word, je me suis senti l’âme d’un écrivain ! Cet outil a donné à chacun l’envie d’écrire, de coucher sur le papier, de façon merveilleuse, avec une facilité inégalée (quelle aisance dans le déplacement des paragraphes !) ses impressions, ses idées, ses aventures ou le fruit de son imagination.

Aujourd’hui, le blog est l’outil par excellence de réflexion et de diffusion de la pensée des uns et des autres, quel qu’en soit le sujet. Interactif par le biais des commentaires, il permet d’échanger avec ses lecteurs et donc, sur ce plan, d’aller plus loin dans la réflexion. L’existence de 190 millions de blogs, publiant à la cadence de plus d’1,6 million de nouveaux billets par jour (1), sur lesquels se penchent 2 milliards d’internautes, nous montre qu’il y a ici un progrès de la connaissance et donc de la réflexion humaine elle-même.

Je crois donc que la théorie de Nicholas Carr est poussée à l’extrême, de la même façon que nous avions pu trouver des ouvrages intitulés L’ordinateur vous rend idiot, ou, plus récemment, PowerPoint vous rend idiot. Je ne rejoins pas non plus le philosophe Alain Finkielkraut pour qui « Internet est une poubelle ». C’est ce qu’il déclarait lors d’une récente émission d’« Arrêt sur images » sur France 5, expliquant sa crainte que des propos tenus entre amis se retrouvent instantanément sur le net. L’un des journalistes lui répondit : « J’ai envie de vous parler comme Karol Wojtyla : N’ayez pas peur ! » Pour dire quelques mots de son livre : Internet, l’inquiétante extase (2), il faut encore rappeler qu’Internet n’est qu’un outil, qu’il est donc moralement neutre. Seuls ses différents usages ont une incidence sur le bien et le mal. Internet n’est donc pas en soi la promesse d’un monde meilleur. Mais s’il est utilisé pour transmettre l’amour de Dieu, alors oui, le web pourra jouer un rôle majeur dans notre monde moderne pour y porter l’espérance de la vie éternelle, ce bonheur qui est aussi de vivre avec Jésus-Christ au quotidien.

(1) D’après Blogpulse.com et Technorati
(2) Ed. Mille et une nuits, 2001 (écrit avec Paul Soriano)