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Vive le pape François, pape des pauvres !

Une mini-révolution

Pour une surprise, c’est une surprise : tous les pronostics ont été déjoués, même ceux des cathos les plus en vogue ou des éminences grises. Voici donc la preuve que c’est bien le Saint Esprit qui était aux commandes du conclave. Mais ce n’est pas très étonnant : outre le milliard de fidèles catholiques réunis à travers le monde pour cet événement, en France nous étions plusieurs milliers en prière : rien que 30.000 sur Internet à avec l’opération Mission conclave, qui a intéressé les médias profanes !

Même les éditorialistes les plus critiques vis à vis de l’Eglise sont satisfaits : ils rêvaient depuis longtemps d’un pape africain, asiatique ou latino-américain, et c’est l’Argentine qui nous donne un pasteur. Nous en sommes également très heureux : quoi de mieux pour secouer encore la vieille Europe endormie ? Quoi de mieux pour réveiller nos consciences anesthésiées par la dictature du relativisme, du « tout ce qui est possible, c’est bien » ?

En Argentine, le cardinal a été un ardent défenseur de la famille et un opposant très remonté contre le faux-mariage homosexuel. Le nouveau pape sera donc là encore un allié très important de ceux qui se battent contre ce projet inhumain du « ‘mariage’ pour tous », notamment en France, avec le grand mouvement citoyen « La manif pour tous ».

Le Président Hollande ne s’y est pas trompé en félicitant le nouveau souverain pontife : « La France, fidèle à son histoire et aux principes universels de liberté, d’égalité et de fraternité qui fondent son action dans le monde, poursuivra le dialogue confiant qu’elle a toujours entretenu avec le Saint-Siège, au service de la paix, de la justice, de la solidarité et de la dignité de l’homme. » Réjouissons-nous que ce dialogue puisse avoir lieu sur le thème de la dignité humaine : nous prendrons le Président à ses propres mots !

Premiers traits du nouveau pape : humour, prière, humilité

On peut noter l’humour du pape qui a commencé par dire qu’on était allé le chercher « au bout du monde ». Ca n’a pourtant pas pris beaucoup de temps !

Impressionnant aussi : ils nous a tout de suite proposé de prier, ce sera donc un pape de la prière. Dès le départ, il a également appelé les fidèles à « entreprendre un chemin de fraternité, d’amour et d’évangélisation ». Cette mission évangélisation marquera sans doute son pontificat, puisqu’il commencera par des JMJ sur ce thème. Comme le rapporte au Figaro son biographe Argentin, Sergio Rubin, le cardinal Jorge Mario Bergoglio, devenu pape, « appellera sûrement tous les prêtres du monde à descendre dans la rue pour conquérir plus d’âmes ». De quoi revigorer toutes les paroisses à travers de nombreuses missions paroissiales ?

Notons encore son humilité, dans la droite ligne de Benoît XVI, demandant à la foule rassemblée place St Pierre un petit temps de silence pour que chacun prie et invoque sur lui la bénédiction de Dieu, avant de s’incliner profondément. Un pape qui demande encore qu’on l’appelle simplement François, et non pas François 1er, comme l’a souligné le porte-parole du Saint Siège.

« Le pape des pauvres », pour les pauvres

Mais ce qui est également remarquable dans le plan de Dieu, c’est que le pape François est un pape pour les pauvres, à l’image de Saint François d’Assise. Quelle aubaine à l’heure où le monde entier est secoué par la crise économique, où le fossé entre les plus riches et les plus pauvres s’agrandit, où l’argent, qui ne repose sur rien, n’apporte plus aucun sens à nos contemporains dans un monde rongé par l’individualisme ! Quelle chance d’avoir un pape issu du Tiers-Monde pour nous guider dans notre mission première, annoncer le Christ à tous les déshérités de la vie !

Comme son parcours nous le montre, il nous encouragera là encore sûrement à évangéliser les plus pauvres, y compris les pauvres de cœur.

Ordonné prêtre en 1969, nommé évêque auxiliaire de Buenos Aires en 1992 par Jean-Paul II, puis archevêque en 1998, créé cardinal en 2001, Jorge Mario Bergoglio s’est donc fait connaître pour son combat contre la pauvreté. Issu d’une famille modeste (son père est employé ferroviaire et sa mère se consacre à ses enfants), le nouvel évêque refuse la luxueuse résidence de l’archevêché pour prendre un petit appartement près de la cathédrale. Il refuse également la voiture avec chauffeur et préfère prendre le bus pour se déplacer dans la ville.  Lorsqu’un de ses prêtres, dans les bidonvilles – où il a multiplié leur présence par deux – est menacé par les trafiquants, il va dormir chez lui. En 2009, il déclare que la lutte contre la pauvreté est un combat pour les droits de l’homme. Il a enfin dénoncé l’autoritarisme des époux Kirchnner, à la tête de l’Argentine, et a sauvé plusieurs personnes des tortures et de la mort pendant la dictature.

« J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli; j’étais nu, et vous m’avez vêtu; j’étais malade, et vous m’avez visité; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi (…) chaque fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. » (Mt 25, 25-40)

Dans ce passage de Saint Matthieu s’exprime la véritable fraternité, qui nous vient du Christ. Jésus se donnant à aimer à travers les plus pauvres (Mt 25,40), prions pour que François nous aide à réaliser que la plus grande des pauvretés, la plus profonde souffrance, c’est de ne pas connaître Dieu ou d’en être séparé par le péché. Qu’il nous donne de communier à la compassion même de Dieu. A l’approche de Pâques, n’oublions pas que celle-ci s’est exprimée de façon ultime sur la croix du Golgotha : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique pour nous sauver du péché et nous donner la vie éternelle. » (Jn 3, 16-17)

Revivre cet événement : toutes les vidéos de KTO

 

Merci Benoît XVI !

 

Il y a deux semaines, à Rome, quelqu’un te demandait si tu serais bien de la partie pour les JMJ de Rio, l’été prochain. Tu répondis : « ce sera moi, ou un autre ». Ton propre frère, Georg, était au courant de ton long discernement.

En 2009, tu avais donné un autre signe. Comme le rapporte Zenit hier, tu t’étais rendu à l’Aquila pour prier pour les victimes du séisme et tu t’étais rendu à la basilique, très endommagée, de Notre-Dame de Notre-Dame de Collemaggio. Les reliques de Saint Célestin (1209-1296) y avaient été retrouvées intactes, et tu avais déposé là le pallium que tu avais reçu sous les applaudissements, le jour de ton intronisation, le 24 avril 2005. Un geste important. Qui était donc Saint Célestin pour que tu lui confies ton pallium ? En l’an de grâce 1292, on était venu chercher cet ermite pour qu’il dirige la barque de l’Eglise, devenant Célestin V. Et puis, finalement, il avait démissionné deux ans plus tard, pour retourner à sa vie monastique…

Tu avais fait allusion à ce geste un an plus tard, le 4 juillet 2012, lorsque tu t’es à nouveau rendu dans la région, à Sulmona, pour le traditionnel « pardon » de Célestin V. Tu avais alors déclaré :

« Huit cents ans se sont écoulés depuis la naissance de saint Pierre Célestin V, mais il reste présent dans l’histoire en raison des célèbres événements de son époque et de son pontificat et, surtout, de sa sainteté. En effet, la sainteté ne perd jamais sa force d’attraction, elle ne tombe pas dans l’oubli, elle ne passe jamais de mode, au contraire, avec le passage du temps elle resplendit d’une luminosité toujours plus grande, exprimant la tension éternelle de l’homme vers Dieu ».

Et tu avais voulu tirer « plusieurs enseignements de la vie » du saint pape, également «  valables également à notre époque », comme si, vraiment, tu prenais déjà cela pour toi, en essayant de vivre toi-même ce que tu nous disais, ce qui te ressemble bien.

Tu voyais en Célestin un  « chercheur de Dieu, souhaitant trouver des réponses aux grandes interrogations de notre existence : qui suis-je, d’où est-ce que je viens, pourquoi est-ce que je vis, pour qui est-ce que je vis ? ». Pour y répondre, tu ressentais un appel au silence :

« Nous vivons dans une société où chaque espace, chaque moment semble devoir être ‘rempli’ par des initiatives, des activités, des sons; nous n’avons souvent même pas le temps d’écouter et de dialoguer. Chers frères et sœurs! N’ayons pas peur de faire le silence en nous et à l’extérieur de nous, si nous voulons être capables non seulement de percevoir la voix de Dieu, mais également la voix de ceux qui sont à nos côtés, la voix des autres ».

C’est ta vie bien (trop ?) remplie de pape qui t’a redonné envie de goûter au silence de Dieu. Quand tu es retourné voir les reliques de Célestin, tu as mis la puce à l’oreille de certains, à Rome !

Et voilà, hier, tu as démissionné. Cela reste un choc auquel peu de monde s’attendait : depuis 7 siècles (ce n’est pas rien) aucun autre pape n’avait osé. Car il faut oser une décision pareille ! Ton prédécesseur Jean-Paul II, qui n’avait pas peur, ne l’avait pas fait, peut-être pour une autre raison : abdiquer devant la maladie n’est pas la même chose que devant la vieillesse (de nombreuses personnes malades physiquement ou psychiquement sont sans doute encore reconnaissantes envers Karol Wojtyla d’avoir tenu jusqu’au bout).

A notre époque moderne, nulle autre trace de démission pontificale, si ce n’est, pendant la Seconde guerre mondiale, avec Pie XII, que tu as rendu Vénérable : averti que les nazis cherchaient à le faire enlever, il avait laissé une lettre de démission sur son bureau, pour qu’on puisse, si cela arrivait, élire immédiatement un autre pape…

En 2010, dans ton excellent livre-interview Lumière du monde : le pape, l’Eglise et les signes du temps, tu avais évoqué la possibilité pour le pape de démissionner : « oui, si un pape se rend compte clairement qu’il n’est plus capable physiquement, psychologiquement ou spirituellement d’accomplir les tâches de sa fonction, il a le droit et, selon certaines circonstances, l’obligation de démissionner ». Et tu avais rappelé, aussi, comment Jean-Paul II avait refusé ta démission d’évêque, à presque 75 ans : « vous n’avez aucun besoin d’écrire cette lettre, je veux vous avoir jusqu’à la fin ».

Sans être canonistes, nous savions donc que c’était possible. Ce qui nous rassure, te connaissant, c’est que tu as longtemps mûri cette décision. Ce n’est donc pas sur un coup de tête que tu as provoqué un nouveau conclave ! Ouf ! Cela nous montre aussi, si besoin était, ta grande liberté intérieure et ton entière confiance en Dieu.

Ton choix a très vite été salué par notre président, François Hollande, comme « éminemment respectable ». Merci pour ce coup de pub la veille du vote, en notre Assemblée nationale, d’un projet inhumain contre les enfants du pays : on va pouvoir surfer sur la vague, c’est bien mieux qu’une guerre au Mali !

Cela dit, quand même, tu nous laisses orphelins à la fois d’un pape et d’un père. Quelques larmes on déjà coulé. Mais c’est plutôt sympa de ta part de te retirer sur la pointe de pieds sans casser ta trombine : on trouvera bien le moyen de te dire un vrai au revoir, en chair et en os !

Je suppose que tu ne regrettes rien. Tu mérites bien ce départ tranquille pour te rapprocher plus encore du Seigneur, à qui tu as déjà consacré toute ta vie. J’espère que tu nous donneras quelques nouvelles dans quelques semaines, une lettre ou même un livre, « mémoires d’un pape » ? Ce serait riche d’enseignements.

C’est indéniable, tu as été un grand pape, avec une parole toute aussi puissante que profonde. Nous n’avons pas fini d’étudier tes discours, tes homélies comme tes publications. Merci.

Nous avons oublié les difficiles épisodes de ton pontificat, quand tu as dû faire le ‘sale boulot’. Hier midi, j’ai eu une petite pensée pour l’opération « Benoît j’ai confiance en toi » qu’on avait lancé avec Frigide Barjot, et les milliers de témoignages de soutien que nous avions pu te remettre en mains propres, à Rome. Merci pour cette aventure, défendre son pape contre les attaques sournoises et mensongères de certains médias aura été une vraie fierté et une joie, également. (Nous remettrons le couvert, si nécessaire, pour ton successeur, sois sans crainte !)

Tu as été un grand pape de l’évangélisation. Tu as développé sans cesse cette urgence, en particulier à travers la nouvelle évangélisation. Tu souhaitais que ton pontificat soit « un pèlerinage pour apporter Dieu au monde » (1), afin de « rendre Dieu présent dans ce monde et ouvrir aux hommes l’accès à Dieu » (2). C’est ce que tu as fait, en paroles et en actes. On se souvient notamment de ton discours aux Bernardins, qui, en France, avait remué tout le gotha du monde de la culture, de la politique et des médias. Et de cette messe en plein air aux Invalides, dans laquelle tu avais exhorté les Français à renoncer au culte des idoles pour mieux rencontrer Dieu, c’était magnifique. Il n’est pas anodin, non plus, qu’après la création d’un ministère dédié à la nouvelle évangélisation en 2010, ton dernier synode ait eu lieu sur ce thème de l’évangélisation renouvelée. Il s’agissait, pour toi, de « promouvoir une évangélisation renouvelée dans les pays où la première annonce de la foi a déjà retenti et où sont présentes des Eglises d’antique fondation, mais qui vivent une sécularisation progressive de la société et une sorte ‘d’éclipse du sens de Dieu’ » (3). Aux jeunes qui viendront à Rio, tu suggérais justement d’utiliser Internet pour cette évangélisation nouvelle !

Tu nous laisses en pleine année de la foi. Sans doute as-tu trouvé que d’autres témoins de cette foi vivante, ou d’autres réformateurs, étaient plus à même que toi de reprendre le flambeau : merci pour cette leçon d’humilité. D’autres que toi, à travers le monde, au niveau national comme au niveau le plus local, seraient bien inspirés de t’imiter, en donnant les clefs aux plus jeunes, pour que le changement survienne enfin dans nos sociétés en faveur du beau, du vrai, du bon, du bien.

Dans l’Eglise comme ailleurs, prédomine parfois un système de fonctionnaires castrateurs qui bride la marche des peuples vers le seul chemin, le Christ, qui est aussi la vérité et la vie (1 Jn 14,6). Nous, catholiques, avons tant besoin de missionnaires zélés à l’annonce de la Bonne Nouvelle du salut ! Nous avons tant besoin de saints ! Merci de nous l’avoir confirmé. Tu as su aussi nous recadrer de temps en temps sur la source et le sommet de la vie chrétienne, l’eucharistie : merci encore.

Enfin, je pense à tous les saints que tu as canonisés pour faire aimer ce trésor de l’Eglise. D’ici l’élection de ton successeur, ils nous aideront, j’en suis sûr. Et puis, surtout, l’Esprit Saint est aux commandes ! Nous allons prier pour toi et le prochain pape, promis. Un autre avenir s’ouvre pour toi : puisses-tu te reposer, maintenant, tu l’as bien mérité !

Bon vent, bonne route, cher Benoît XVI !

Et du fond du cœur, merci, merci, merci.

 

(1) Benoît XVI, message aux participants au deuxième congrès mondial pour la Pastorale des pèlerinages et des sanctuaires, 27 septembre 2010.

(2)  Benoît XVI, discours prononcé lors de la bénédiction des flambeaux, sur l’esplanade du sanctuaire de Fatima, au Portugal, le 12 mai 2010.

(3) Benoît XVI, première audience aux membres du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, 30 mai 2011.

 

Dieu est de retour

La nouvelle évangélisation, c’est maintenant !

La nouvelle évangélisation, c’est maintenant !

Dix ans que j’attendais ça. Dix ans qu’un évêque bien connu du Sud de la France, Mgr Dominique Rey, m’a parlé pour la première fois d’évangélisation et de nouvelle évangélisation, comme je l’ai raconté dans mon livre Dieu est de retour, la nouvelle évangélisation de la France, sorti en 2009. (Cet évêque a été nommé par Benoît XVI pour participer au Synode pour la nouvelle évangélisation qui a lieu en ce moment à Rome).

Un synode sur le sujet ? Mais pourquoi faire ?

Cet évènement est la suite de la création par le pape du Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation, le 21 septembre 2010, afin de « promouvoir une évangélisation renouvelée dans les pays où la première annonce de la foi a déjà retenti et où sont présentes des Eglises d’antique fondation, mais qui vivent une sécularisation progressive de la société et une sorte ‘d’éclipse du sens de Dieu’ » [1].

Loin d’être une simple parenthèse dans le pontificat de Benoît XVI, ce synode pour la nouvelle évangélisation s’inscrit au contraire dans la droite ligne de la priorité n°1 que le pape s’est fixée : « rendre Dieu présent dans ce monde et ouvrir aux hommes l’accès à Dieu »[2]. N’a-t-il pas également précisé que son pontificat est « un pèlerinage pour apporter Dieu au monde » [3] ?

En effet, depuis que Joseph Ratzinger est sur le trône de Pierre, il emploie le mot « nouvelle évangélisation » tous les 3 mois en moyenne. Il en a aussi parlé dans des textes de référence comme Verbum Domini, sur la Parole de Dieu, dans son livre Lumière du monde… Les prochaines JMJ au Brésil auront également lieu sur ce thème de la mission première de l’Eglise, l’évangélisation.

On voit donc bien qu’il ne s’agit pas d’un feu de paille ou d’un concept surexploité. D’ailleurs, le pape le précise lui-même : « la nouvelle évangélisation est le premier engagement de tous les catholiques ». C’est donc pour tout le monde ! Même ceux qui n’y croyaient pas. Ou ceux qui voyaient la nouvelle évangélisation comme une simple mouvance au sein de l’Eglise ou un quasi-monopole des communautés nouvelles. Il s’agit bien d’un appel à tous les catholiques, à tous les diocèses, à toutes les communautés au sens large, à toutes les « forces ecclésiales » pour reprendre les mots de Jean-Paul II sur le sujet. N’oublions pas que c’est lui qui a lancé cette formule.

Aux sources de la nouvelle évangélisation

C’était le 9 juin 1979, en Pologne, devant les ouvriers de la ville nouvelle Nowa Huta, l’un des hauts lieux de résistance au communisme, sur une place où il n’était pas prévu par les autorités d’y construire une église. Jean-Paul II déclare alors : « En ces temps nouveaux, en cette nouvelle condition de vie, l’Évangile est de nouveau annoncé. Une nouvelle évangélisation est commencée, comme s’il s’agissait d’une nouvelle annonce, bien qu’en réalité ce soit toujours la même. La croix se tient debout sur le monde qui change ».

(C’était il y a 33 ans, j’étais encore dans le ventre de ma mère et je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait !)

Trois ans plus tard, à Haïti, Jean-Paul II exhorte les croyants à se lancer dans une « nouvelle évangélisation, nouvelle dans son ardeur, nouvelle dans ses méthodes et dans son expression »[4]. Outre ce véritable appel lancé aux catholiques, c’est ici que Jean-Paul II donne sa définition de la nouvelle évangélisation, qu’il nous faudrait encore approfondir.

En 1988, dans son exhortation apostolique post-synodale Christifideles laici, sur la vocation et la mission des laïcs dans l’Eglise et dans le monde, celui qui est devenu le bienheureux Karol Wojtyla rappelle à plusieurs reprises « l’urgence » d’une nouvelle évangélisation menée par les laïcs : « L’heure est venue d’entreprendre une nouvelle évangélisation, déclare-t-il ; le phénomène de la sécularisation frappe les peuples qui sont chrétiens de vieille date, et ce phénomène réclame, sans plus de retard, une nouvelle évangélisation » [5]

Il s’agit donc bien d’une urgence qui n’est pas totalement nouvelle mais qui reste toujours  cruciale aujourd’hui. Jean-Paul II ajoute : « L’Eglise, qui observe et vit l’urgence actuelle d’une nouvelle évangélisation, ne peut esquiver la mission permanente qui est celle de porter l’Evangile à tous ceux qui – et ils sont des millions et des millions d’hommes et de femmes – ne connaissent pas encore le Christ Rédempteur de l’homme. C’est là la tâche la plus spécifiquement missionnaire que Jésus a confiée et de nouveau confie chaque jour à son Eglise. » [6]

L’évangélisation renouvelée…

Comme je l’écrivais dans mon livre cité plus haut, évangéliser, c’est répondre à cet appel du Christ, lancé il y a 2000 ans, pour répandre l’amour de Dieu dans le monde [7]. Le message de l’Evangile doit donner au monde la révélation d’un chemin qui est aussi Vérité et Vie, or le monde évolue. Pour répondre aux nouveaux défis qu’apporte cette modernité, l’annonce du message – et non pas le message lui-même ! – doit s’adapter. A frais nouveaux, et sans attendre ! Et quoi qu’en disent ceux qui pensent que l’Eglise serait rétrograde, alors qu’elle est au contraire en avance sur la société. (Cf cet article de Stéphanie Lebars proposé en analyse de la série Ainsi soient-ils par la Une du journal Le Monde le 8 octobre dernier, au sujet du synode).

Que dire de plus ? Nous pourrions parler des différentes méthodes de cette évangélisation nouvelle (la nécessite d’une annonce explicite et sans équivoque du Christ [8]), des destinataires possibles (ceux qui ne connaissent pas leur sauveur, comme ceux qui ont quitté l’Eglise sur la pointe des pieds), de nos stratégies, des bons exemples, etc. Nous pourrions énumérer encore les freins à l’évangélisation (lire à ce sujet le chapitre que leur a consacré Mgr Rey ce mois-ci dans son nouveau livre Paroisses, réveillez-vous !).

…c’est maintenant !

Aujourd’hui, l’heure est venue pour nous tous de passer des paroles aux actes. Inspirés par l’Esprit Saint, il est urgent de lancer de nouvelles initiatives tout aussi audacieuses que pertinentes. Il est urgent d’entrer plus facilement encore en relation personnelle avec nos contemporains, au travail, vers nos voisins, dans les rues, sur les places, par Internet et même dans les transports comme le TGV par exemple ! Partout. Il est urgent de témoigner de notre rencontre personnelle avec le Christ, de proposer cette « metanoïa »[9] déterminante pour toute notre vie, sans l’imposer, mais sans s’en cacher non plus. Il est urgent de répondre enfin avec « douceur et respect » à l’attente de tous ceux qui espèrent que nous rendions compte de l’espérance qui est en nous. (Et ils sont bien plus nombreux que nous l’imaginons, d’ailleurs beaucoup ont déjà été touchés par des chrétiens !). Bref, n’attendons plus, la nouvelle évangélisation, c’est maintenant !

Ps : Peut-être Benoît XVI tira-t-il une exhortation de ce synode ? (Comme l’a fait Paul VI pour le synode sur l’évangélisation dans le monde moderne, poussé par Jean-Paul II… [10].)


[1] Benoît XVI, première audience aux membres du Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, 30 mai 2011.

[2] Benoît XVI, discours prononcé lors de la bénédiction des flambeaux, sur l’esplanade du sanctuaire de Fatima, au Portugal, le 12 mai 2010.

[3] Benoît XVI, message aux participants au deuxième congrès mondial pour la Pastorale des pèlerinages et des sanctuaires, 27 septembre 2010.

[4] Jean-Paul II, Port-au-Prince (Haïti), 9 mars 1983.

[5] Jean-Paul II,  Christifideles laici, § 4

[6] Ibid, § 35

[7] Cf par exemple la finale de l’Evangile de Matthieu (Mt 28, 19

[8] Cf paragraphe 22, Paul VI, Evangelii Nuntiandi, sur la nécessité d’une annonce explicite.

[9] Lire à ce sujet la conférence du cardinal Ratzinger sur la nouvelle évangélisation pour le jubilé des catéchistes, en l’an 2000.

[10] En 1974, le 4e Synode des évêques se réunit à Rome sur le thème de  l’évangélisation dans le monde moderne. L’histoire raconte qu’au cours d’une des sessions finales, le Rapporteur général, un certain Karol Wojtyla, archevêque de Cracovie et consulteur au Conseil des Laïcs, demande la parole. Dans une intervention qui s’avèrera prophétique, il demande que le pape Paul VI reprennent à son compte les recommandations élaborées. Celui-ci accepte et en fait l’exhortation apostolique post-synodale Evangelii Nuntiandi, texte de référence encore aujourd’hui sur l’évangélisation dans le monde moderne.