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Intouchables : une magistrale leçon d’humanité

 

Hier soir, je suis allé voir Intouchables au cinéma. C’est une petite merveille d’une heure 50, qui explique à elle seule son succès. A peine deux semaines après sa sortie en salle, 5,3 millions de spectateurs sont déjà allés la voir, et la fréquentation est en hausse de 45 % ! A titre de comparaison, Des hommes et des Dieux avait réalisé dans le même temps 950.000 d’entrées en 2010. Intouchables s’invite même sur le podium du box-office 2011, devant le Tintin de Spielberg, juste derrière Rien à déclarer et Harry Potter. Selon Allociné, cela est dû en premier lieu à bouche-à-oreille incroyablement performant. Bonne nouvelle pour le film : selon un sondage Ifop pour Radio Alouette, 68% des spectateurs comptent le revoir.

Loin des super-productions américaines du moment (Immortels, le Chat potté, Contagion), des thrillers aux sujets vus et revus (La casse de Central Park, Time out), des histoires de voyous aux excès en tout genre (Les Lyonnais, Rhum express) ou des comédies made in France aux thèmes déjà usés jusqu’à la corde (L’art d’aimer, Mon pire cauchemar, On ne choisit pas sa famille), c’est une bouffée d’air frais dans une période troublée, un remonte-moral qui donne du baume au cœur, et pour tout dire, beaucoup d’espoir pour les personnes qui vivent des situations difficiles, quelque soit leur milieu.

Le scénario – adapté d’une histoire vraie – est celui d’une rencontre providentielle entre Philippe, une personne tétraplégique à la suite d’un accident (François Cluzet, aussi riche de ses faiblesses que de son compte en banque) et Driss (Omar Sy) jeune des banlieues, pour qui la mère adoptive dit avoir « beaucoup prié ». Vœu exaucé par Dieu ? Ce dernier a été choisi comme aide-soignant par le riche aristocrate, non pas en fonction de son expérience (il n’a pas de diplôme et on découvrira plus tard qu’il sort de prison !) mais parce que l’entretien d’embauche – une scène culte – vire au burlesque totalement désopilant. Le film rappelle d’ailleurs une autre rencontre, celle d’un orthophoniste anticonformiste et du futur roi d’Angleterre atteint de bégaiement, à la veille de la Seconde Guerre mondiale (Le discours d’un roi), le tragique et le solennel en moins.

Dans Intouchables, le ton est décomplexé, les spectateurs rient beaucoup. Pas de gags de bas étages ou de pitié mal placée – ce qu’ont voulu à tout prix éviter les réalisateurs – mais des plaisanteries saines et inattendues, dans des scènes qui s’enchaînent en laissant à peine le temps de respirer. Touchant de simplicité, l’aide-soignant provoque des comiques de situation qui resteront d’anthologie. Comme cette sortie à l’opéra où il s’exclame à haute voix, amusé et dubitatif : « Un arbre qui chante ! C’est quoi ce délire ? ». La présence d’un jeune de banlieue campant dans un bel hôtel particulier parisien habité par un homme à l’âme de poète, amateur d’art, accentue encore l’effet décalé.

Pour Patrick Pelègre, docteur en sociologie, « le film montre qu’un passage peut être trouvé au-delà de l’impasse, ici celle du handicap ou de la position sociale. Les gens ont besoin de respirer, de trouver de l’espace. »

Emmanuel Bon, secrétaire général de l’Association des paralysés de France, ne s’y trompe pas : « c’est le regard de l’autre, celui qui entre l’aidant et l’aidé, qui se dégage du film. Une manière positive de considérer l’autre en tant que personnes. »

Charles Gardou, anthropologue spécialisé dans les situations de handicap et professeur à l’université de Lyon II, trouve quant à lui que le film « rapproche, par la fragilité, deux mondes qui s’ignorent dans une société qui scinde ; il nous fait rire de bon cœur en posant la réalité du handicap dans la pitié écrasante qui empêche l’autre d’exister, il fait une très belle distinction entre vivre et exister ».

5% des bénéfices du film iront d’ailleurs à l’association Simon de Cyrène, qui encourage la cohabitation résidentielle entre personnes handicapées et valides (son président d’honneur n’est autre que Philippe Pozzo di Borgo, celui qui a vécu cette histoire). Le fondateur de cette association, Laurent de Cherisey, catholique convaincu, a déclaré à l’AFP : « Ce film est une force de vie qui irradie la France et un beau remède contre la crise ! Il touche à l’essentiel : la relation à l’autre dans nos fragilités. Il met en lumière le paradoxe entre une société où il faut être performant et notre fragilité individuelle et collective, économique, sociale, psychique. C’est dans nos fragilités et nos failles que nous sommes féconds, lorsque nous osons conjuguer les différences en dépassant nos peurs ».

Pour Arnaud de Bosca, secrétaire général de la Fédération des accidentés de la vie (Fnath), Intouchables est avant tout une « très bonne comédie qui traite d’un sujet avec avec beaucoup d’humanité et qui a le mérite de sensibiliser le public à la question du handicap en suscitant de l’espoir. C’est aussi la rencontre entre deux milieux totalement différents et deux formes de discrimination, un film qui montre comment on peut redonner le goût de vivre et la confiance à quelqu’un au-delà de l’isolement et de la solitude ».

Reste une question : pourquoi ce titre ? Nos deux héros sont-ils intouchables parce qu’ils sont libres des conventions, parce qu’ils sont vraiment eux-mêmes ? Au spectateur de répondre. Avec Intouchables, les personnes handicapées se sentent vraiment comprises, respectées et aimées. De l’échange des protagonistes, par un don de soi-même partagé, née la conviction qu’on peut lancer des ponts. Même les banlieues respirent !

Donc un film à la fois élevé et accessible, touchant et humain, une magistrale leçon humanité.

La bande-annonce :

 

 

Steve Jobs et Pie XII, même combat !

 

 

 

Quelle joie de découvrir, le mois dernier, les médias du Vatican saluer en Steve Jobs « un talent, un pur talent ». Et ceux-ci de le comparer avec Pie XII qui attachait beaucoup d’importance à la communication !

Dieu merci, ils ne sont pas allés jusqu’à affirmer, comme le gratuit 20 minutes en des termes religieux, que nous assistions à la mort d’ « un prophète », d’une « figure christique », d’un « esprit vivant », « omniscient », « omniprésent ». Ni jusqu’à rappeler – on l’ignorait peut-être encore – que Steve Jobs avait refusé de se soigner normalement pendant les neufs premiers mois de son cancer, essayant les médecines alternatives et le spiritisme, réticent à ce que son corps soit « ouvert » (lire cet article)…

Cependant, l’Osservatore Romano (le journal officiel du Vatican), a déclaré : « Steve Jobs a été un des protagonistes et des symboles de la Silicon Valley. Révolution informatique, certes, mais aussi révolution des coutumes, des mentalités, des cultures. Trop jeune pour 68 et trop vieux pour Facebook, Jobs a été un visionnaire, un visionnaire qui a uni technologie et art. Il n’était ni technicien, ni entrepreneur. Ni designer ni mathématicien. Pirate ou pionnier ? L’histoire le dira. Pour le moment, ses créations géniales demeurent. »

Le quotidien cite aussi la réaction du président américain Barack Obama : « Steve était l’un des plus grands inventeurs américains, assez courageux pour penser différemment, assez audacieux pour croire qu’il pouvait changer le monde, et assez talentueux pour le faire ». (Bien sûr, comme je l’ai écrit ici, Steve Jobs n’a pas vraiment changé le monde, seul l’amour de Dieu ayant ce potentiel !).

Sur Radio Vatican, le Père Antonio Spadaro, directeur de la Cité catholique et expert des nouvelles technologies de la communication, a estimé que la plus grande contribution apportée par Steve Jobs est celle d’avoir « pensé la technologie comme partie intégrante de la vie ». Pour ce dernier, « la technologie n’est pas quelque chose de réservé aux techniciens : sa passion pour l’interface graphique, pour le design signifie que les instruments, les choses, les objets ont vocation à s’intégrer à notre vie de tous les jours. C’est une des plus grandes contributions de Steve Jobs à la compréhension de la technologie dans le monde moderne », a-t-il estimé.

En rappelant la signature des Accords du Latran en 1929, chéris par Pie XII, qui permirent notamment au Vatican de bénéficier d’une gare, d’une radio, d’un journal et d’une télévision avec le droit d’émettre, le père jésuite a ainsi osé ce rapprochement entre Pie XII et Steve Jobs : « Steve Jobs avait quelque chose en commun avec Pie XII, il a compris que la communication est la plus grande valeur que nous ayons aujourd’hui à disposition et que nous devons exploiter. En lui, je dirais que s’est unie une capacité d’innovation et une grande capacité créative ».

Mais qu’a donc fait Pie XII pour la communication de l’Eglise ? Outre l’impulsion qu’il donna à Radio Vatican, comme Secrétaire d’Etat puis comme pape, il a publié en 1957 une lettre encyclique sur le thème du cinéma, de la radio et de la télévision, intitulée « les merveilleux progrès » (1). Il écrivait ainsi : « Les merveilleux progrès techniques, dont se glorifie notre époque sont assurément les fruits du génie et du travail de l’homme, mais ils sont d’abord des dons de Dieu, notre Créateur, de qui dérive toute bonne œuvre. »

Aussi Internet et Apple seraient aujourd’hui pour Pie XII des dons de Dieu, à travers leurs géniaux inventeurs. Pie XII détaillait aussi dans ce texte les « motifs qu’à l’Eglise de s’intéresser » aux « merveilleux progrès techniques » que sont ces nouveaux supports. Il s’agit, bien sûr, de la mission première de l’Eglise, l’évangélisation. « L’Eglise a elle-même, pour des motifs plus impérieux que tous les autres, expliquait-il, un message à transmettre aux hommes, le message du salut éternel, message d’une richesse et d’une forces incomparables, message enfin que les hommes de toute nation et de toute époque doivent recevoir et accepter selon les paroles de l’apôtre des nations. » Et de reprendre les mots mêmes de Saint Paul : « A moi, le plus petit de tous les saints a été confiée cette grâce d’annoncer aux Gentils les insondables richesses du Christ de montrer à tous le développement du mystère enfermé depuis l’origine, en Dieu qui a tout créé ».

Pie XII ne s’est pas arrêté là, il a souvent contribué à la réflexion de l’Eglise sur les questions de communication. Par exemple, en avril 1946, il appelait les journalistes à la loyauté vis-à-vis de la vérité et expliquait que celle-ci est exempte de passion, qu’elle n’est pas partisane (lire ce billet). Il a ainsi ouvert la voie à son successeur, Paul VI, qui publiera en 1963 le décret de Vatican II « les mirifiques inventions techniques » sur les moyens de communication sociale (2), dont Benoît XVI parle souvent aujourd’hui.

Personnellement, c’est Pie XII qui m’a fait tombé dans l’évangélisation en 2002, grâce à un film de Costa-Gavras, en créant Pie12.com, 1er site sur la question, comme je le raconte dans mon nouveau livre, Dieu et Internet (3). Amen !

Notes

(1) Pie XII, encyclique Miranda Prorsus sur le cinéma, la radio et la télévision (sur le site du Vatican)
(2) Paul VI, décret Inter mirifica sur les moyens de communication sociale (sur le site du Vatican)
(3) Dieu et Internet, 40 questions pour mettre le feu au web, Editions des Béatitudes, octobre 2011. Plus d’infos : www.dieuetinternet.com.

 

J’ai fait un rêve…

Une femme nommée Marie, spectacle de Robert Hossein à Lourdes l

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comment réagir de façon missionnaire à Golgota Picnic, en décembre prochain ?

J’ai fait un rêve, c’est celui-ci : qu’à la prochaine pièce de théâtre qui puisse être interprétée par endroit comme non respectueuse de la foi des chrétiens, nous n’allions pas manifester sur le lieu du crime de lèse-cathos, mais que nous inventions autre chose.

J’ai rêvé que nous ne nous mettions pas à genoux sur la voie publique avec ostentation, brandissant chapelets ou crucifix, exhortant péniblement l’expiation des péchés des autres.

J’ai rêvé que nous n’entonnions pas non plus des chants en latin incompréhensibles du vulgum pecus, que nous nous imposions pas comme victimes quand le metteur en scène parle de malentendu.

J’ai rêvé que nous ne nous rêvions pas en premiers chrétiens, en martyrs, ni en derniers des Mohicans dans une France pure, 100% chrétienne, comme moi, comme le Bon Dieu d’ailleurs !

J’ai rêvé aussi que ces accoutrements ne donnaient pas lieu à plus de 200 articles de presse en moins de 15 jours, jusqu’à permettre d’amalgamer, comme sur une pleine page de 20 Minutes édition nationale vendredi dernier, catholiques et salafistes avec une pincée de cendres tirées des ruines de Charly Hebdo…

J’ai rêvé que nous n’étions ni dans une posture défensive, ni de riposte soi disant ‘catholique’ à coups de bazookas, ni dans les salons beiges intransigeants, ni dans la nostalgie d’une chrétienté évanouie, mais bien en 2011, ancrés dans la réalité d’une France sécularisée et qui pourtant cherche son sauveur, plus que jamais.

J’ai enfin rêvé que nous n’allions pas sur le terrain miné de la contestation urbaine où les cars de CRS nous attendent et qu’au contraire, nous préférions la mission de rue, ouverte, à l’écoute, en dialogue, pour une annonce explicite et tout autant respectueuse de chacun.

J’ai donc rêvé d’un spectacle sur le parvis de nos cathédrales, une pièce de théâtre, un son et lumière, ou une comédie musicale comme nous en avons le secret. Même les artificiers et géniaux inventeurs du Puy-du-Fou apportaient leurs concours pour un moment lumineux, éblouissant, dont chacun se souviendrait longtemps !

J’ai rêvé alors que nos artistes, comme les Ricour, Lonsdale, Hossein, Brunor, Hartner, Grzybowski, Mallet, Riche, Pouzin et leurs amis composaient ensemble le spectacle du siècle pour témoigner de l’amour de Dieu. Qu’alors les Prémare, Plunkett, Barjot et autres se mettaient ensemble aux commandes de la communication. Qu’avec l’appui des bloggueurs Sacristains, Koztoujours, Grosjean et tous les autres, le buzz était lancé sur Internet. Et les réseaux sociaux en émoi bouillonnaient à cette annonce, même chez les encore-athées !

La Croix, Pèlerin, La Vie, Famille Chrétienne, Homme Nouveau, annonçaient les représentations, retransmises par les KTO, JDS, RCF, Radio Notre Dame et Espérance, main dans la main. On aurait dit une réponse respectant la règle des 4 « p » énoncée par l’Opus Dei au moment du Da Vinci Code : être positifs, professionnels, polis, et patients. On pouvait rajouter : à l’écoute des aspirations de nos contemporains sur Dieu, la foi, l’Eglise, la souffrance… et c’était faire « de la limonade avec du citron ». Nos contemporains en étanchaient une partie de leur soif, de leurs questions existentielles.

Prêtant main forte, les communautés nouvelles comme Aïn Karem, mais aussi les Anuncio, Jeunesse lumière, Schools of Mission ou aumôneries envoyaient des groupes de missionnaires des rues autour de ces scènes publiques pour parler avec les non-croyants. Des ‘priants’ issus des groupes de prière, encadrés par leurs aînés, proposaient d’intercéder pour ces personnes ou de recevoir leurs intentions, portées à la prière commune des chrétiens jusqu’au sommet de nos célébrations.

Et puis j’ai enfin rêvé que les évêques eux-mêmes, à la lecture du programme, donnaient leur bénédiction à cette mission d’évangélisation aussi joyeuse que prometteuse.