Lettre ouverte à Eric Ciotti

Lettre ouverte à Eric Ciotti au sujet de l’école à la maison

Le 27 avril dernier, le député Eric Ciotti (LR) a déposé un projet de loi visant à interdire l’école à la maison, sous prétexte de lutte contre l’islam radical. Ce n’est pas la première fois qu’un tel projet de loi liberticide surgit : déjà, en 2013, j’avais écrit un billet ici même, projet qui avait été par la suite abandonné. Je suis concerné : avec mon épouse, nous pratiquons l’école à la maison depuis 2012. Avec succès, d’après notre inspecteur d’académie (!). Cette fois-ci, ce projet est soutenu par de nombreux députés Les Républicains. Vous pouvez signer la pétition que j’ai lancée à cette adresse.

Monsieur le Député,

J’ai l’honneur de vous écrire au nom des 13.685 signataires qui ont signé, à cette heure, la pétition demandant le retrait de votre projet de loi n°3704 du 27 avril dernier, et que j’ai lancée il y a quelques jours. Vous en trouverez le texte ici :

http://www.citizengo.org/fr/34417-le-retrait-du-projet-loi-ndeg-3704-du-27-avril-2016

En effet, pratiquant l’école à la maison pour mes enfants, comme bien d’autres familles, nous ne pouvons accepter que soit supprimé ce droit inaliénable des parents à éduquer leurs enfants comme ils le désirent. Nous acceptons que soient, si besoin, multipliés les contrôles nécessaires de la part des autorités publiques, mais nous voulons préserver ce droit, au nom du bien de nos enfants, de l’intérêt commun et de la liberté.

Nous sommes donc décidés à continuer cette campagne tant que ce projet n’aura pas été abandonné. Nous avons reçu pour cela le soutien de plusieurs élus, dont du député Jean-Frédéric Poisson (LR).

Aussi, je serais heureux de pouvoir vous rencontrer prochainement à l’Assemblée nationale pour m’entretenir avec vous sur ce sujet.

En espérant que vous donnerez une suite favorable à cette requête,

et en vous remerciant par avance,

Veuillez, recevoir, Monsieur le Député, l’expression de mes salutations respectueuses.

Jean-Baptiste Maillard

Deux ans sans blog, quel bonheur !

Deux ans sans blog, quel bonheur !

Un expérience à vivre…

Eteindre provisoirement mon blog, sur une longue durée (presque 2 ans, quand-même !) a a été pour moi une vraie bouffée d’oxygène. Je conseille cette expérience à tous les blogueurs ! J’ai pu me reposer en Dieu et sur Lui. Plus de prière, plus de Parole de Dieu, plus de louange, moins de bla-bla, moins de paroles en l’air, moins de fatigue, quel bonheur ! Cette petite ascèse médiatique m’a donc fait le plus grand bien. Tant mieux pour tous les sujets sur lesquels j’aurais beaucoup aimé surfer : je ne les ai pas malmenés mais au contraire offerts, en prière, au Seigneur !

Pour plus de liberté…

Exit la soumission au dictat de l’actualité, toujours chaude et si vite dépassée (le temps médiatique se raccourcit de plus en plus). Exit la nécessité, vendue comme absolue, de mettre son blog à jour une à deux fois par semaine ! Exit les tentations des coups de gueule pas toujours parfaitement ajustés (;-)).

En avant !

Aujourd’hui le temps est donc venu pour moi de reprendre la plume, comme je l’ai entendu ce matin à la louange :

“Personne n’allume une lampe pour la mettre dans un lieu caché ou sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, afin que ceux qui entrent voient la lumière.” Luc 11,33

Rassurez-vous, je n’ai pas chômé depuis 2014 ! Je vais donc pouvoir vous parler de mes nouveaux projets (blog professionnel : stratégies de com‘), de mes aspirations (nouvelle association : Lights in the Dark), de nos initiatives (La Résurrection du Christ), bref, de mes envies ! Avec Jésus plus que jamais premier dans ma vie, du moins je l’espère !

Et donc : priez pour moi ! Merci !

Ps : pour commencer, j’ai décidé de rouvrir mon blog avec ce billet sur un thème qui m’est cher, au sujet d’un nouveau projet de loi visant à d’interdire l’école à la maison, que je pratique avec mon épouse depuis 4-5 ans déjà…

Ainsi soient-ils 2 : réagir ?

Ainsi soient-ils

« A force de tout voir on en vient à tout supporter, à force de tout supporter, on en vient à tout accepter. » Saint Augustin 

(Attention : ce billet n’est pas une critique de la série : pour cela, lire celle publiée sur Ainsi soient-ils.com  – ni de révéler encore tous ses secrets 😉 ).

En juillet 2012, avec une bande de copains à l’affut des nouvelles séries, nous avons vu arriver Ainsi soient-ils. Aussi nous avons cherché à voir la première saison dans son intégralité, avant sa diffusion à la télé, bien entendu. Puis, ayant discerné qu’il fallait réagir, nous avons mis en ligne, juste avant le 1er épisode, un site pour répondre à toutes les questions soulevées par la série. Par chance, www.ainsisoientils.com était dispo. 😉

Nous avions pris soin, préalablement, en lien avec quatre séminaires, de faire travailler des séminaristes, des prêtes et des professeurs, afin d’avoir immédiatement un grand nombre de contenus à proposer. Bref, une véritable opération de com’, menée dans le plus grand secret.  Le jour J, tout le monde a été très surpris. Et la presse en un peu parlé : Nouvel Obs, Direct matin, Le Parisien, etc. De quoi faire passer le message qu’il manquait vraiment la joie et cela avait l’air largement bidonné ! Cependant, beaucoup de catholiques sont restés passifs, voire n’ont pas voulu soutenir notre initiative (pour ne pas dire plus). Alors, je voudrais ici reposer* la question franchement : fallait-il réagir ?

Quand parviennent des séries de ce genre, trois tentations s’offrent aux chrétiens.

  1. La tentation de la “riposte guerrière”

Clairement, c’est être sur la défensive voire l’attaque, jusqu’au procès pour diffamation (ici, certains y ont pensé). Il faut dire que beaucoup de dialogues se prêtent à confusion, tout comme le faux-vrai-site Internet des Capucins monté par Arte en mode années 2000. Il serait donc alors question de s’en prendre frontalement aux créateurs de la série et à la chaîne qui la diffuse, ou même à ceux qui ont conçu les affiches (accessoirement, l’agence de la campagne de 2012 d’un certain M. Hollande). Seulement, tant que la série est à l’antenne, c’est très risqué, surtout qu’il s’agit « d’une fiction ». Et Arte cherche manifestement la polémique. S’il fallait faire un procès « parce qu’on ne peut pas tout accepter » (le cathobashing ayant ses limites), c’était dans l’espace des deux années entre la 1ère et la 2ème saison, mais pas au moment des diffusions. En outre, ce type de réaction n’a le plus souvent pour effet que de renforcer le sentiment d’une Eglise « feutrée et pesante », pour reprendre l’expression d’un journaliste des Inrocks expliquant qu’Ainsi soient-ils est fidèle à la réalité. Qui plus est, le public a horreur d’être pris à témoin. Ce n’est donc pas la bonne approche.

  1. La tentation de l’autruche

Comme le disait récemment un évêque sur un tout autre sujet, « ne rien faire, ne pas réagir, est la position la plus confortable ». La deuxième tentation est donc celle du repli sur soi. On s’enferme et on attend que l’orage médiatique soit passé. Après tout, ce n’est qu’une série. Je l’ai aussi entendu dans la bouche de plusieurs journalistes : « il vaut mieux pas leur faire de pub ». Ce à quoi l’un de nous a répondu « Pour la pub, il faut croire qu’ils ne nous ont pas attendu, sur les bus et dans les gares !… ». Avec en moyenne 1,4 million de téléspectateurs lors de la saison 1, notre site Ainsi soient-ils, malgré ses milliers de visites, surfe bien sur la vague de l’audimat mais, c’est sans véritable comparaison possible.

  1. La tentation du “revers de main”

La troisième tentation est celle de s’intéresser vaguement au problème. On regarde rapidement les deux premiers épisodes « pour se faire une idée ». Et ensuite, on publie une critique : c’est un peu comme donner son avis sur un film en n’ayant vu que les 10 premières minutes ! Pourtant, beaucoup ont commis cette erreur du « chèque en blanc ».

Autre problème spécifique à cette série : à chaque saison, tout bascule au 3ème ou 4ème épisode. (La chaîne aurait d’ailleurs organisé des projections privées, avec des personnalités de l’Eglise, pour les seuls deux premiers épisodes…). Même le Vatican est tombé dans le panneau : le festival Mirabile dictu, sous le haut patronage du Conseil pontifical pour la culture, avait accordé à la première saison d’Ainsi soient-ils le prix 2012 du film international catholique, avant de le retirer quelques semaines plus tard, sur l’intervention de « on ne dira pas qui »… (Ce qui n’a pas empêché Arte, pour la sortie des premiers DVD, de l’indiquer sur la pochette !). Là encore, ils n’avaient vu que les deux premiers épisodes…

Bref, on voit bien, ici, qu’il revient aux communicants, journalistes, bloggeurs et twittos cathos de prendre le sujet à bras le corps. Car en tombant dans les trois premières tentations citées plus haut, on ne répond pas à la recommandation de l’apôtre Pierre dans sa première lettre : « Soyez toujours prêts à répondre de l’espérance qui est en vous ». Il prend soin d’ajouter « faites-le avec douceur et respect ». Lors du Da Vinci Code, l’Opus Dei avait mis en œuvre une stratégie très intelligente, pour « faire de la limonade avec du citron ». Et respecter la règle des trois « p » : être positif, poli, professionnel. L’œuvre de Dieu en avait même profité pour refaire entièrement son site Internet.

Ainsi soient-ils

Le Parisien. Contacté par Arte pour devenir partenaires de la saison 2. A la suite de l’article sur notre initiative lors de la saison 1 ?

Ici, ce n’est plus l’Opus Dei qui est la cible de critiques explicites ou implicites souvent injustes voire même blasphématoires, mais l’Eglise elle-même, à travers ses arcanes (les séminaires, les évêques, le CEF, jusqu’au pape lui-même, qui réapparaît bientôt à l’écran). Il faut donc faire ce que les pros de la com’ appellent le « reframing » : il s’agit de chercher « la bonne intention » derrière l’orientation des sujets, c’est à dire à quels thèmes les personnes peuvent-elles être sensibles, pour communiquer directement dessus. Exemple : « faute de mariage, les prêtres sont des frustrés ». On repose le sujet autrement : L’Eglise est-elle contre le sexe ?

Ainsi soient-ils - Libération

Un article de Libé, avec la pub en arrière-plan.

La preuve que cela commence à fonctionner – mais nous ne sommes pas au bout de nos peines : sur notre site en éclairage à Ainsi soient-ils, nous avons reçu ce message : « C’eût été encore mieux si vous répondiez aux incompréhensions des non-croyants sur l’Eglise que cette série révèle. Cette série montre ce que l’on perçoit de l’Eglise (…). Je fais partie des gens pour qui l’Eglise est un mystère et alors que votre page est bien référencée, je ne trouve pas de réponse. »

C’est donc aux catholiques de se saisir de cette occasion pour répondre aux questions posées par les internautes, dans un but d’évangélisation, mission première… de l’Eglise.

Et de se faire caisse de résonance de toutes les aspirations de l’homme moderne qui cherche Dieu, y compris sur les réseaux sociaux. Là aussi commence l’évangélisation du continent numérique, au delà des intentions réelles ou supposées des auteurs. Avis aux amateurs !

Pour participer :

 

* Cf mon premier billet ici en 2012.

 

Cristeros - le film

Débarquement de Cristeros le 14 mai au cinéma !

Cristeros - le film

Le film Cristeros* (« For greater glory », dans la version US), c’est l’histoire de ces “partisans du Christ” mexicains (1926-1929) et spécialement de l’un d’entre eux, le très jeune José Luis Sanchez del Rio (Wikipédia), qui a été béatifié le 20 novembre 2005 par le pape Benoît XVI.

Au début du film (1926) ont voit le dictateur Cailles, devant un parterre de journalistes complices, louer les fondamentaux de la Révolution mexicaine, et notamment sa propre conception de la liberté, toute relativiste…

La liberté des chrétiens se trouve rapidement foulée des bottes par l’interdiction de célébrer la messe, de l’enseignement libre, des ordres monastiques ou encore la suppression du droit de vote pour les prêtres… Les premiers résistants au régime montent donc au créneau pour défendre leur possibilité de choisir le bien, cette seule vraie liberté.  Les premiers « Cristeros » vont donc organiser des manifestations monstres, des pétitions (qui seront rejetées 😉 ) et même un boycott économique. Du côté du pouvoir, on s’agace puis on prend peur : « on ne peut pas être conciliant avec de tels gens », s’exclame le dictateur, furieux de voir contrariés ses plans de destruction de l’Eglise au Mexique. « Ils deviennent de plus en plus rebelles, plus insolents : je vais leur donner un message qui sera explicite » dit-il encore avant de leur déclarer une véritable guerre. S’en suivent plusieurs massacres dans des églises, des arrestations arbitraires, des fusillés pour l’exemple.

Alors que semblent épuisées toutes les voies pacifiques, de nombreux catholiques prennent les armes et vont chercher Gorostieta, un général en retraite (magistralement joué par Andy Garcia) pour prendre la tête de la guérilla. Il est athée mais il épouse cette guerre qu’il trouve juste. Son épouse, la belle Tulita (Eva Longoria, bien connue notamment pour son rôle dans la série Desperate Housewives), a du mal à le laisser partir… Il croisa bientôt la route du petit José (interprété de façon saisissante par le jeune Mauricio Kuri).

Voici la bande annonce :

A propos de la violence

Cristeros nous interroge aussi sur la justification de la violence, donc y compris, chez nous, en France. A ce sujet, je ne peux que trop vous conseiller de vous procurer le numéro de mai d’Il est vivant!, qui consacre un dossier très complet aux Cristeros et dont voici des extraits. On y trouve notamment une interview de l’actuel évêque aux armées au sujet du concept de « guerre juste », mais aussi d’Axel, fondateur des Veilleurs…De fait, Cristeros n’est pas sans rappeler le combat mené en France en 2013 contre le mariage pour tous et la détermination du pouvoir actuel à combattre et radicaliser cette opposition « substantielle ». « En tant que révolutionnaire, rappelle d’ailleurs le dictateur à l’ambassadeur américain, je sais qu’un petit groupe d’hommes bien déterminé peut mettre à terre un gouvernement. C’est pourquoi, toute action des catholiques doit être réprouvée sur le champ ». De plus, on retrouve cette propension à considérer l’élection au siège suprême comme un chèque en blanc donné par les habitants du pays, réduisant les assemblées du peuple à de simples chambres d’enregistrement : « Le peuple s’est prononcé le jour où il m’a élu » explique encore le dictateur lorsqu’il fait semblant de vouloir négocier avec l’opposition.Cependant, évitons toute confusion : il ne s’agit pas, dans notre contexte français, d’aller au devant du martyre face à des lois qui mettent pourtant en péril notre société dans une dictature du relativisme de plus en plus intolérante.  De même, mettre sur le même plan le slogan quelque peu simpliste « on ne lâche rien » et la détermination des Cristeros à retrouver leur liberté de culte – ce qui a réellement mis le feu aux poudres – serait hasardeux : nous n’en sommes pas là et nous devrions plutôt regarder du côté des pays où des chrétiens meurent pour leur foi. Bon nombre de Cristeros n’ont, du reste, pas été béatifiés. Ainsi, dans le film, le père Véga  (joué par Santiago Cabrera) succombe parfois à la violence, de façon malheureusement compréhensible. Au contraire, le père Christophère (O’Toole, Lawrence d’Arabie) affirme que jamais il ne prendra les armes et meurt fusillé.  C’est donc utile pour nous, chrétiens, de voir ces deux versants.

Conclusion : un film à voir (et à faire voir largement)

Au delà l’aspect tragique de cette époque et des nombreuses violences commises de part et d’autres, assez bien dépeintes dans le film, Cristeros est profondément touchant, comme rares le sont certains films. Il nous atteint car il nous oblige à répondre personnellement à la question « Jusqu’où irai-je par le don de moi-même ? Et, moi chrétien, jusqu’où irai-je pour suivre le Christ ? Jésus est-il vraiment premier dans ma vie ? » . Un peu, d’une certaine manière, comme nous interrogent les moines dans le film Des Hommes et des Dieux.

A ceux qui sont dubitatifs sur le message transmis par ce film et la façon dont il est reçu par le public , ne pas croire que Cristeros n’a rien de missionnaire. Il ne s’agit pas de « crier victoire » parce que le film sort en salles, ni de se conforter dans l’idée qu’on peut réagir violemment à la persécution quitte à donner la mort, comme je l’ai expliqué plus haut. Le martyre de José demeure, après le film, un témoignage en lui-même  (étymologie du mot martyr = le témoin), d’autant plus poignant qu’il est montré au cinéma. Tertullien ne disait-il pas que le sang des martyrs est semence de chrétiens ?

Il s’agit donc simplement de profiter de l’occasion pour annoncer le Christ, comme, dans un tout autre registre, avec le film La Mante Religieuse, qui sera dans les salles obscures à peine “trois sorties” de films plus tard (si vous le n’avez pas encore lu, lire mon billet à ce sujet) et sur lequel on ne peut pas, non plus, faire l’impasse.

On peut voir enfin Cristeros comme un magnifique western : si vous l’avez déjà vu en version pirate, cela vaut vraiment le coup de le revoir, mais, cette fois, en vrai sur les grands écrans de nos cinémas !

Pour en savoir plus : www.cristeros-lefilm.com 

*Cristeros, c’est le sobriquet donné au départ par les fédéraux mexicains. Durée : 2h24. Fiche Allociné.
Jean-Paul II

Pourquoi j’ai appelé mon fils Karol

Jean-Paul II

Lorsque j’ai rencontré celle qui allait devenir ma femme, il y a huit ans déjà, nous avons tout naturellement évoqué les prénoms que nous voudrions pour nos enfants…

–  Si tu as un garçon, tu l’appelleras comment ? lui ai-je demandé.

– Karol !

– Ça alors, moi aussi ! lui ai-je aussitôt répondu…

Lorsque nous avons attendu notre premier enfant, nous avons donc su, dès le verdict de l’échographie, que notre aîné s’appellerait Karol. Quelle chance de s’être entendus si vite ! 😉

Bien sûr, ce choix n’est pas un simple hasard : issus de la « génération Jean-Paul II »,  nous avons vécu nos vingt premières années sous ce pontificat.  Pour ma femme, Jean-Paul II a été un père, au sens propre. Pour moi, une bouée, un phare, un autre père. Quoi de plus naturel que de donner à ses enfants le nom d’un père ou d’un grand-père chéri de qui l’on a beaucoup reçu ?

Je me souviens particulièrement avoir croisé son regard au JMJ de 1997. Regard d’une telle intensité… Ces journées me donnèrent pour la première fois envie d’évangéliser dans la rue, dans le métro, certains conducteurs disant eux-mêmes : « il est devenu vivant ! ».

Et puis, les JMJ de Rome, en 2000. Cette veillée inoubliable de Tor Vergata (vidéo), où le pape était en parfaite osmose avec le million de jeunes présents, tel un père avec ses enfants, répondant à nos ovations en agitant joyeusement les bras.

Je me souviens particulièrement de son discours cette nuit-là, sur le thème « Et pour vous, qui suis-je ? » (Mt 16,15) (-peut-être parce que mes amis me demandèrent de répéter à haute voix la traduction de ma petite radio sans haut-parleur…) Il nous demandait alors d’aller « à contre courant » pour suivre le Christ :

« Chers amis, aujourd’hui encore, croire en Jésus, suivre Jésus sur les pas de Pierre, de Thomas, des premiers Apôtres et témoins, exige de prendre position pour lui, et il n’est pas rare que ce soit comme un nouveau martyre : le martyre de celui qui, aujourd’hui comme hier, est appelé à aller à contre-courant pour suivre le divin Maître, pour suivre «l’Agneau partout où il va» (Ap 14, 4). Ce n’est pas par hasard, chers jeunes, que j’ai voulu que pendant l’Année sainte on fasse mémoire, près du Colisée, des témoins de la foi du XXe siècle. »

Je me souviens encore lorsqu’il est entré dans la Vie. J’avais trouvé l’attente insupportable et j’étais allé au cinéma. Après le film, dans le RER, j’avais allumé mon portable et appris la nouvelle. J’ai eu la gorge subitement nouée. C’était pour moi la perte brutale d’un être très cher, avec qui j’avais vécu, et je m’y étais mal préparé. De plus, je n’ai pu me rendre à son “enciellement terreste” à Rome… un vrai traumatisme !

Mais le souvenir de Jean-Paul II n’est pas resté une simple nostalgie. J’ai commencé à me plonger dans sa vie, ses écrits, son oeuvre. En 2009, lorsque j’ai publié mon livre « Dieu est de retour, la nouvelle évangélisation de la France », j’ai voulu rappeler comment, encore cardinal, il avait suggéré au pape Paul VI de reprendre à son compte les conclusions du 4e synode des évêques sur l’évangélisation dans le monde moderne, ce qui donna  précisement naissance à l’exhortation apostolique Evangelii nuntiandi, texte de référence sur l’annonce de la Bonne Nouvelle dans nos sociétés démontées. N’est-ce pas le pape François qui en parle dans son encyclique Evangelii gaudium au paragraphe 123 ?

« Dans la piété populaire, on peut comprendre comment la foi reçue s’est incarnée dans une culture et continue à se transmettre. Regardée avec méfiance pendant un temps, elle a été l’objet d’une revalorisation dans les décennies postérieures au Concile (lancé par un certain Jean XXIII ! – ndJBM). Ce fut Paul VI, dans son exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi qui donna une impulsion décisive en ce sens. Il y explique que la piété populaire « traduit une soif de Dieu que seuls les simples et les pauvres peuvent connaître » et qu’elle « rend capable de générosité et de sacrifice jusqu’à l’héroïsme lorsqu’il s’agit de manifester la foi ».

Nous ne pouvons pas non plus oublier comment, devenu pape, Jean-Paul II appela à une évangélisation nouvelle dans son zèle, ses méthodes et ses langages, une réflexion prolongée par son successeur Benoît XVI…

Conclusion

Nous serons donc tous à Rome le week-end prochain pour cette grande joie de cette canonisation. Avec des millions d’autres, je rendrai ainsi tout petitement témoignage à ce géant de saint Jean-Paul II. Saint Jean-Paul II ? Cela me fait tout drôle de l’appeler comme ça, j’ai vraiment l’impression qu’on canonise quelqu’un de ma famille ! Disons simplement Jean-Paul II !

Au passage, ce sera la fête de la miséricorde, qu’il avait lui-même instaurée. La miséricorde, fil rouge de son pontificat. A l’heure où sort au cinéma le 1er film d’évangélisation par la miséricorde (lire ici), comment ne pas en parler ?

Bref, voilà, au fond, pourquoi j’ai appelé mon fils Karol : je lui dois d’être un chrétien engagé dans l’évangélisation, amoureux du Christ, amoureux de ma femme !

Nelson Mandela, veilleur

Nelson Mandela - Veilleurs

Bougies placées devant le portrait de Nelson Mandela lors d’une veillée de palestiniens et de membres de la communauté africaine dans la Vieille ville de Jérusalem, le 7 décembre.

Alors que commence aujourd’hui la cérémonie d’hommage à Nelson Mandela…

Ayant réussi à terminer les 800 pages de la vie de Nelson Mandela avant sa mort, je vous livre ici les quelques notes que j’ai prises de ce document historique sans équivalent (*). Même s’il s’agit d’une autobiographie – la première partie, commencée en captivité, fut recopiée en de minuscules morceaux et enterrée dans la cour de la prison ! – le texte sonne juste et ne tombe jamais dans l’autoglorification. On y trouve au contraire beaucoup d’humilité, parfois même de l’humour, malgré l’aspect souvent dramatique des évènements vécus.  Tout au long du récit, Nelson Mandela sait aussi reconnaître ses échecs, politiques (est-ce utile de se faire emprisonner ?) comme personnels (une vie de famille sacrifiée, deux divorces). Il nous livre aussi une conception très affutée du militant politique, du veilleur de conscience. Il nous parle même d’Antigone !

Le christianisme

Mabida était un chrétien convaincu, il faisait partie d’une association qui enseignait la Bible dans les villages d’Afrique du Sud (p.55). C’est certainement ici, avec ses lectures de Gandhi et son amour de l’Afrique, que Mandela trouve toute l’âme de son combat. Lorsque que le gouvernement afrikaner se déchaînera contre l’ANC, il ne deviendra favorable à la lutte armée que lorsque tous les autres recours auront été épuisés contre un pouvoir sourd et inflexible… Plus tard, lorsque le régime basculera, il prônera non pas la vengeance, mais la réconciliation Noirs-Blancs, qui se concrétisa par la création d’une « commission vérité et réconciliation », élevant la politique à la hauteur de la philosophie et de la psychanalyse.

L’éducation

S’il y a un point sur lequel Mandela insiste dans son livre, c’est bien celui-ci : la nécessité d’une bonne instruction pour qu’un peuple puisse acquérir – ou conserver – sa propre liberté. Lorsque le gouvernement de l’apartheid décide de ne plus subventionner l’enseignement « libre », il raconte sans détour qu’entre toutes les obédiences qui ont charge d’écoles, les seuls réels opposants au projet furent les Juifs, les Assemblées de Dieu – dont il faisait partie – et… l’Eglise catholique !

La presse

Mandela savait lire entre les lignes et se faisait un devoir de lire « l’ennemi » : « Je lisais beaucoup de journaux de toutes les régions, mais ils ne donnent qu’une pauvre image de la réalité. Les informations qu’ils donnent sont importantes pour un combattant de la liberté non pas parce qu’elles disent la vérité, mais parce qu’elles révèlent les préjugés et les préventions à la foi de ceux qui écrivent les articles et de ceux qui les lisent » (p. 218).

La musique

« La politique peut être renforcée par la musique, mais la musique a une puissance qui défie la politique ». Avis aux amateurs !

Aux nantis individualistes

Aux peuples Français, Allemand et Anglais, le grand poète xhosa, Krune Mqhavi, déclara : « Je vous donne la voie lactée, la plus grande constellation, car vous êtes des gens étranges, avides et envieux, vous qui vous querellez dans l’abondance ».

La corruption du système

« Ce riche marchand, prisonnier de droit commun, me racontait des histoires d’escroqueries financières et de corruption parmi les ministres, que je trouvais fascinantes. Cela me confirmait que l’apartheid était un poison qui entraînait une décadence morale dans tous les secteurs » (p.387). Toute ressemblance avec d’autres systèmes politiques seraient totalement fortuite !

La paranoïa de l’adversaire

« Les autorités imaginaient toujours que nous étions en relations secrètes avec toutes sortes de fortes puissances à l’étranger. Mais leurs soupçons reflétaient seulement les craintes d’hommes aux conceptions étroites qui accusaient de leurs problèmes non pas leur politique absurde mais un ennemi qui s’appelait l’ANC. »

Noël et Antigone

« Notre petit compagnie de théâtre amateur jouait à Noël. Ma carrière d’acteur (…) connut un réveil modeste à Robben Island. Nos spectacles étaient ce que nous pourrions appeler aujourd’hui minimalistes : pas de scène, pas de décor, pas de costumes. Nous n’avions que le texte. (…). Je n’ai joué que rarement, mais j’ai tenu un rôle mémorable : celui de Créon, le roi de Thèbes dans l’Antigone de Sophocle. En prison, j’avais lu quelques pièces grecques que j’avais trouvées particulièrement exaltantes. J’en avais retenu que le caractère se mesurait dans les situations difficiles et qu’un héros ne pliait pas, même dans les circonstances les plus dures.(…) Antigone symbolisait notre lutte, en fait, elle représentait à sa façon un combattant de la liberté ; elle défiait la loi parce qu’elle était injuste. »  (pp.550-551)

Le souci de l’unité

Face au succès, l’ANC connu plusieurs « concurrents », donc le PAC, mais qui n’avaient pas l’étoffe et le « nez politique » de l’ANC. Même s’il en eut plusieurs fois l’occasion, Mandela s’abstint toujours de mettre de l’huile sur le feu entre les différents courants : « Je ne voulais pas renforcer les rancœurs qui opposaient l’ANC, le PAC et la Conscience noire. Je ne considérais pas mon rôle en prison comme seulement celui d’un responsable de l’ANC, mais aussi comme celui d’un défenseur de l’unité, d’un conciliateur honnête, d’un médiateur, et dans cette dispute je refusais de choisir un camp, même celui de ma propre organisation. Si je témoignais au nom de l’ANC, je mettrais en danger mes chances de réconcilier les différents groupes. Si je prêchais l’unité, je devais agir comme un unificateur, même au risque de m’aliéner certains de mes camarades. (…). Il était plus important de montrer aux jeunes (…) que la lutte était indivisible et que nous n’avions qu’un ennemi » (p. 588).  Des propos dont pourraient bien s’inspirer un certain nombre de leaders dans d’autres combats pour la liberté et la conscience !

La négociation

Nelson Mandela prend des initiatives alors même que l’adversaire n’a encore rien cédé : « J’ai rencontré Lord Bethell (un ministre contacté à force de persuasion, ndlr) dans le bureau du commandant de la prison, que dominait une immense photo du président Botha. Bethel était un homme jovial et assez gros, et la première fois que je l’ai vu, je l’ai taquiné sur son embonpoint. « On dirait que vous êtes un parent de Winston Churchill », lui ai-je dit en lui serrant la main ; cela l’a fait rire ». Nous avons parlé de la lutte armée et je lui ai expliqué que cela n’était à nous d’arrêter la violence, mais au gouvernement. J’ai réaffirmé que nous visions des cibles militaires, pas la population » (p. 624-6126).

A l’isolement : « J’ai décidé que je n’allais parler à personne de ce que j’avais l’intention de faire. L’ANC est une organisation collective, mais, dans ce cas, le gouvernement avait rendu impossible cet aspect collectif. Je n’avais ni la sécurité ni le temps nécessaires pour discuter de ces questions avec mon organisation. Je savais que mes camarades emprisonnés à l’étage au-dessus condamneraient ma proposition et tueraient l’initiative dans l’œuf. Il y a des moments où un responsable doit marcher en avant du troupeau, partir dans une nouvelle direction, en se fiant à lui-même pour s’assurer qu’il mène son peuple sur le bon chemin. En fin de compte, mon isolement fournissait une excuse à mon organisation au cas où les choses tourneraient mal : le vieux était seul complètement coupé de tout, et ce qu’il avait fait, il l’avait fait seul, en tant qu’individu, pas en tant que responsable de l’ANC. » (p. 634).

Faire le premier pas ? « Je réclamai une réunion avec mes camarades (…). ”En principe, me dit Walter (un des membres de l’organisation, emprisonné), je ne suis pas contre les négociations, mais j’aurais aimé que le gouvernement nous propose des discussions plutôt que ce soit nous qui les proposions”. Je lui répondis que s’il n’était pas contre les négociations par principe, qu’importait qui en était à l’origine ? » (p. 644).

« J’envoyais un mémorandum au Président. A la fin de la lettre, je lui proposais un cadre très général pour les négociations. (…). Je proposais qu’on procède en deux étapes : tout d’abord une discussion pour créer les conditions favorables à une négociation, ensuite les négociations elles-mêmes » (p. 660)

« Je me préparais du mieux que je pu à cette rencontre (…). Je répétai les arguments que m’avancerait le président et ceux que je lui retournerais. Dans chaque rencontre avec son adversaire, on doit s’assurer qu’on donne exactement l’impression que l’on a l’intention de donner » (p. 662)

Bref, ceux qui pensent que jamais aucuns leaders de mouvements de libération n’aient pu entamer d’eux-mêmes des négociations avec leurs adversaires seraient bien inspirés de lire l’avant-dernier chapitre de son livre, intitulé « parler avec l’ennemi ». Mandela explique longuement comment, en proposant des voies politiques médianes, il a pu parvenir à faire fléchir l’« ennemi ». En  prenant toujours les devants, en organisant des rencontres secrètes même avec les pires adversaires du peuple Noir, il parvint, pas après pas, à ses fins politiques. Fin négociateur et fin stratège, ce sont toutes ces qualités qui lui ont permis de mettre fin au régime de l’apartheid.

Pour conclure

Mandela était un génie de la guerre d’influence : puisant dans d’autres combats de libération nationale, il lança, avec l’ANC, toutes sortes d’opérations : grèves, manifestations, « guerre psychologique », campagnes pour sensibiliser l’opinion publique nationale et internationale. Une fois emprisonné, il donnait des communiqués à ses avocats, dans lesquels il condamnait sans discontinuer le gouvernement et les humiliations subies au quotidien par le peuple Noir, sa « politique d’intimidation sélective ». Comme tout bon avocat, il ne laissait jamais passer la moindre erreur de son adversaire… Il a su très tôt négocier pied à pied avec le pouvoir, et ce, depuis ses premiers jours de captivité jusqu’à la fin de l’apartheid (les deux derniers chapitres du livre en sont d’autant plus savoureux, on en jubilerait presque !). En prison, il commença ainsi par la question de la gamèle, des couvertures, du travail forcé, de la possibilité de lire la presse, etc. : il cherchait à améliorer l’ordinaire de ses codétenus dans ses moindres détails et il parvenait, petit à petit, à en faire profiter toute la prison de Robben Island. Il organisait même des formations politiques secrètes à l’intérieur de la prison, avec ses professeurs et ses élèves, tout comme un service de renseignement !

Nelson Mandela fut à l’Afrique du Sud ce que Gandhi – dont il en était un grand admirateur – fut à l’Inde, Martin Luther King aux Noirs Nord-Américains ou Michael Collins à l’Irlande. Comme chacun d’eux, il dût faire des compromis et ne fut que très imparfaitement satisfait des résultats obtenus. Il a tout de même eu la chance de voir le changement de ses yeux.

En se rendant aux obsèques de Nelson Mandela, le monde va honorer la mémoire d’un veilleur. Nous pouvons saluer chez lui ce qu’il avait de meilleur et tous les Veilleurs de France et de Navarre peuvent s’en inspirer dans leurs propres batailles.

Cependant, s’il est devenu une icône de la liberté pour nos contemporains en sacrifiant 27 années de son existence en prison, il faut aussi reconnaître qu’il aurait pu aller encore plus loin dans son combat pour la liberté, en défendant aussi la cause des touts petits dans le sein de leur mère, des femmes qui subissent à vie les conséquences de l’avortement, de toutes celles qui souffrent d’être emprisonnées dans un système où elles n’ont plus vraiment le choix de travailler ou de s’occuper de leurs enfants, et de tous les pauvres, marginaux, qui sont encore privés de leur capacité à choisir le bien, là où se trouve toujours la vraie liberté…

Dieu merci, un Autre a donné sa vie entière – jusqu’à souffrir sa passion pour chacun de nous tous. Puissent nos contemporains reconnaître en Lui le seul véritable sauveur !

* Nelson Mandela, Un long chemin vers la liberté, éditions Livre de poche.

 

Un pape et des homos

Pape François

Ce pape est extraordinaire, comme vous l’avez tous remarqué. « Un pape ne donne pas d’interviews », nous disait-on toujours. Mais ça, c’était avant. Maintenant, nous pouvons lire en entête de cet entretien (à télécharger ici pour le lire à tête reposée) : « Le pape François ne donne pratiquement pas pas d’interview. » Tout est dans ce petit adverbe ! 😉

Avec ce billet, je me contente d’aborder la question homosexuelle, bien que tant d’autres sujets passionnants sont présents dans ce texte génial. Après tout, nous nous sommes tellement penchés là-dessus depuis un an qu’il est bon d’encore écouter le pape, même si nous pouvons être un peu lassés, et cela se comprend…

Il semble d’ailleurs que François se tient très informé de la situation en France. Au coeur de l’été, le 15 août dernier, j’avais soutenu, en tant que co-fondateur d’Homovox, la lettre ouverte de plusieurs catholiques homosexuels publiée simultanément via La Croix et La Vie. (On regrette au passage que peu d’autres journaux aient évoqué cette tribune, alors que nous avons eu la joie de la voir reprise sur Radio Vatican – mais il est vrai qu’elle était également co-signée par Frigide Barjot…). Bref, nous dénoncions alors une certaine “chape de plomb” dans l’Eglise sur cette question et nous réclamions notamment une nouvelle pastorale. (De nombreuses personnes homosexuelles ne contactent-elles pas, par le biais du site Homovox.com, pour nous demander si nous avons un centre d’accueil ?) C’est dire si cet interview, réalisée les 19, 23 et 29 août derniers, est pour nous une réponse directe du pape à notre supplique, seulement 4 jours après !

Ecoutons-le pape : chacun peut noter que François parle d’abord de la nécessité pour les ministres de l’Eglise – et c’est valable pour nous aussi, laïcs – d’ « être miséricordieux, de prendre soin des personnes, de les accompagner comme le bon Samaritain qui lave et relève son prochain. » Le pape ajoute : « Cet évangile est pur. Dieu est plus grand que le péché. » Autrement dit, sommes-nous assez miséricordieux vis-à-vis des personnes homosexuelles ?

Bien-sûr, cela ne veut pas dire tomber dans le relativisme, mais accueillir simplement ces personnes telles qu’elles sont, sans vouloir à tout prix les changer pour les faire devenir finalement telles que nous sommes – ce qui nous arrangerait bien : on n’a pas toujours envie d’être dérangé. Le pape explique aussi que nous devons être capable de « réchauffer le coeur de ces personnes, de dialoguer, de cheminer avec elles, de descendre dans leur nuit, dans leur obscurité, sans se perdre. »

Sommes-nous toujours dans cette attitude quand nous croisons ces personnes sur Facebook ou Twitter ? N’avons-nous pas, parfois, l’exclusion un peu trop rapide ? Entendons-nous bien : en ce qui me concerne, je ne suis pas homosexuel, mais j’ai souvent mal pour eux, à voir comment on leur répond. Hier, un ami me parlait des “pds” dans un de ces textos. Encore ce matin, j’ai vu passer un tweet qui reprenait une blague grivoise en vogue dans la marine à leur sujet… Disant cela, je précise que brandir l’homophobie à tort et à travers – souvent pour des raisons idéologiques et politiques – jusqu’à même stigmatiser les homosexuels eux-mêmes, n’est pas non plus très juste et relève plutôt de l’extrême inverse.

A l’inverse, justement, de ces attitudes stériles, écoutons le pape François qui nous invite à ouvrir de nouvelles routes envers toutes ces personnes (un peu comme ce qu’essaye encore Homovox ?) :

« Au lieu d’être seulement une Eglise qui accueille et qui reçoit en tenant les portes ouvertes, efforçons-nous d’être une Eglise qui trouve de nouvelles routes, qui est capable de sortir d’elle-même et d’aller vers celui qui ne la fréquente pas, qui s’en est allé ou qui est indifférent. »

Précision : l’auteur de cet entretien explosif explique que le Saint Père évoque ici particulièrement les personnes qui vivent des « situations irrégulières pour les Eglise, ou tout du moins des situations complexes, avec des blessures ouvertes (…) et qu’il pense aux divorcés remariés, notamment, mais aussi aux couples homosexuels ».

La question qui vient ensuite est bien celle dont nous parlions plus haut : « Comment faire alors une pastorale missionnaire ? ». Le pape répond :

« Nous devons annoncer l’Evangile sur chaque route, prêchant la bonne nouvelle du Règne (de Dieu) et soignant, aussi par notre prédication, tous types de maladies et de blessures. »

Puis il raconte :

« A Buenos Aires, j’ai reçu des lettres de personnes homosexuelles (*), qui sont des “blessés sociaux” parce qu’elle se ressentent depuis toujours condamnées par l’Eglise. Mais ce n’est pas ce que veut l’Eglise. Lors de mon vol de retour de Rio de Janeiro, j’ai dit que, si une personne homosexuelle est de bonne volonté et qu’elle est en recherche de Dieu, je ne suis personne pour la juger. Disant cela, j’ai dit ce que dit le Catéchisme (de l’Eglise catholique). »

Le pape indique donc ici assez clairement que l’Eglise ne souhaite pas que les personnes homosexuelles se sentent jugées, condamnées par elle ou par les catholiques. Le catéchisme précise d’ailleurs au numéro 2358 : « Les personnes homosexuelles doivent être accueillies avec respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste » (relire à ce sujet la position de l’Eglise catholique).

Le pape connaissant parfaitement son catéchisme (!), il nous met donc en garde contre une forme d’ingérence dans la vie de ces personnes :

« La religion a le droit d’exprimer son opinion au service des personnes, mais Dieu dans la création nous a rendus libres : l’ingérence spirituelle dans la vie des personnes n’est pas possible. Un jour, quelqu’un m’a demandé d’une manière provocatrice si j’approuvais l’homosexualité. Je lui ai alors répondu avec une autre question : “Dis-moi, Dieu, quand il est regarde une personne homosexuelle, en approuve-t-il l’existence avec affection ou la repousse-t-il en la condamnant ?”.  Il faut toujours considérer la personne ».

Nous avons donc ici une bonne leçon : ne jugeons pas ces personnes. Mieux encore, le pape nous demande d’avoir pour elles de la miséricorde (la spiritualité du siècle!) :

« Nous entrons ici dans le mystère de l’homme. Dans la vie de tous les jours, Dieu accompagne les personnes et nous devons les accompagner à partir de leur condition. Il faut les accompagner avec miséricorde ».

On peut donc ajouter qu’il n’est pas nécessaire de réclamer un certificat de chasteté à ces personnes pour les estimer comme fréquentables. Tant mieux, cependant, pour les personnes homosexuelles qui parviennent à vivre une abstinence et qui peuvent en témoigner ! (Qu’elles se rappellent toutefois qu’elles ne sont qu’au début d’un chemin héroïque vers la sainteté, charge à nous, chrétiens, de ne pas trop souvent les mettre sur les autels).

Enfin le pape prévient (- justement?) :

« Nous ne pouvons pas insister seulement les questions liées à l’avortement, au mariage homosexuel et à l’utilisation de méthodes contraceptives (…), nous ne pouvons pas en parler en permanence ».

Le risque serait en effet de s’enfermer dans un système où nous serions tous des experts sur ces sujets, et où l’accueil de toute personne souffrante, blessée, passerait au second plan de nos priorités, dans notre vie de tous les jours. Or c’est souvent là que commence l’évangélisation véritable, mission première de l’Eglise.

 

(*) Il n’est pas question ici du faux-scoop dont la presse française a parlé en septembre, et pour lequel même le Figaro s’est fait piéger. En effet, cet interview est antérieur et n’a probablement pas eu de retouches depuis sur le sujet. Cependant, quand le pape parle d’un jeune homme à qui il a téléphoné, on peut très bien penser, compte-tenu de ce qu’il vient de dire, qu’il l’aurait fait de la même manière pour une personne homosexuelle : « Un autre exemple récent : les journalistes ont beaucoup parlé du coup de téléphone que j’ai donné à un jeune homme qui m’avait écrit une lettre. Je l’ai fait parce que sa lettre était si belle, si simple. Lui téléphoner a été pour moi un acte de fécondité. Je me suis rendu compte que c’est un jeune qui est en train de grandir, qui a reconnu un père, et alors je lui ait dit quelque chose de sa vie. Le père ne peut pas dire : “Je m’en moque”. Cette fécondité me fait tellement de bien ! »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Réunir la famille pour mieux la promouvoir ?

J’ai souhaité écrire ce billet après avoir lu des articles sur le net au sujet du conflit entre Frigide Barjot et la Manif pour tous. Parce que tout cela m’a profondément révolté et attristé, j’ai voulu vous donner mon sentiment, et parce que je souhaite aussi que nous retrouvions la paix et l’unité. Ce billet comporte deux parties :

  1. Une femme blessée
  2. Nous unir ?

1. Une femme blessée

Une femme est blessée, mais on lui tire encore dessus. Après un coup de poignard dans le dos en pleine négociation pour obtenir de pouvoir participer à ce qui risque fortement devenir un congrès de bien-pensants, voici que des blogueurs faisant autorité se jettent sur sa dépouille, en espérant encore agiter quelque chose. Il est triste de voir des chrétiens se taper dessus en négligeant la parole du Christ, « voyez comme ils s’aiment ». Il est triste de voir assister à la curée de nombreux catholiques qui prennent pour argent comptant tout ce qui est dit et qui s’en font ensuite des gorges chaudes dans les réseaux sociaux, espérant même de nouveaux rebondissements, comme dans une mauvaise série B… Tant et si bien que toutes ces piques font la joie de l’un de nos plus farouches adversaires, Bruno Roger-Petit, qui s’en sert dans un article publié ce soir sur Le Nouvel Obs. De leur côté, les z’amis de Frigide ont choisi de répondre par l’esquive. Ambiance.

Tant que cela marchait, on la suivait, on était derrière elle, comme leader du mouvement. Nous étions même plusieurs millions à la suivre dans le cortège des manifs, sans rien y trouver à redire, puisque nous étions là. Mais il nous faut parfois trouver un coupable à l’échec apparent d’un mouvement auquel on a appartenu. Frigide Barjot est ce coupable idéal, dès lors qu’expulsée, poussée dans ses derniers retranchements, on l’a poussée à dire quelque chose de négatif sur le groupe humain qui l’avait évincé. Alors, pour mieux la lyncher, au cas où elle voudrait revenir, on déterre de vieux dossiers et sur lesquels on ne trouve qu’un seul son de cloche. Bref, un vrai réquisitoire.

Et la prescription, alors ? Est-ce pour la bonne cause ? Qu’est-ce qu’une cause si importante qu’elle est supérieure à la charité ? Nous avons voulu nous battre, au départ, pour des personnes humaines – les enfants et aujourd’hui nous tapons sur une personne. Où est la cohérence ?

On peut reprocher beaucoup de choses à la dame Barjot, mais sous-entendre, par exemple, dans l’acte d’accusation, que c’était pour un enrichissement personnel, c’est un jugement injuste et incongru de ses intentions. Ajouter encore que Frigide Barjot manque d’humilité, et on serait tenté de répondre qu’avec de telles tribunes, elle va progresser drôlement vite… Mais dites voir un peu, les amis, la parabole de la poutre dans l’œil, ça vous dit quelque chose, ou pas ?

Je pose la question : en quoi ces billets font-il grandir les uns et les autres, chacun, personnellement ? Je crois au contraire qu’ils nous font régresser en charité, parce que nous tombons tous dans le jugement, si j’en crois les réactions qui n’ont fait qu’en rajouter… Pour autant, je ne me permets pas de juger des intentions des auteurs de ces tribunes qui ont certainement leur propre histoires et blessures qui conduisent leurs actes (comme tout un chacun).

D’accord, Frigide avait la capacité, mieux que personne, de briser le mur médiatique, tel un marteau-piqueur, en raison de son passé de chroniqueuse showbizienne et des entrées dont elle dispose encore sur les plateaux télé. Tous les acteurs du mouvement, à sa suite, savaient en profiter. Mais la Manif pour tous a finalement décidé de se passer d’elle, avec d’autres. Soit. Dans cette lutte de pouvoir pour prendre le contrôle de la nouvelle boutique, chacun a donc poussé ses pions. Personne, d’ailleurs, n’a voulu d’une dissolution temporaire du mouvement, comme certains cadres l’avaient pourtant proposé. Il y avait-il –  par hasard – quelque chose à récupérer ? Des donateurs, des mécènes, de l’audience, des internautes, que sais-je ? Au fond, peu importe. Nombreux sont ceux qui ont eu connaissance des combats au sein de LMPT et qui n’ont pas répandu sur Internet toutes ces stériles disputes – ni en les approuvant d’un Facebook like. Donc non, définitivement non, au nom du Christ, n’adhérez pas aux pugilats publics, arrêtez de tirer à la kalachnikov sur l’ambulance, s’il vous plaît !

2. Nous unir ?

Aujourd’hui, plutôt que nous diviser et rajouter des tonneaux d’huile sur le feu, nous ferions mieux de nous unir. De nous retrouver. Pour cela, nous devons d’abord comprendre qui nous sommes. Un excellent observateur(*) ayant récemment éclairé ma lanterne, je reprends ici l’intégralité de ses explications, avec son aimable autorisation, pour y ajouter les miennes.

Grosso modo, le mouvement qui s’est levé autour de la Manif pour tous a tourné autour de six familles, chez les cathos :

– les post-maurrassiens (héritiers de l’Action française)

– les post-maurrassiens lefebvristes et assimilés (Civitas, etc.)

– les post-maurrassiens ultramontains (prônant encore la primauté de l’Eglise sur le pouvoir politique, et qui ont fini par être de moins en moins maurrassiens pour être de plus en plus ecclésiaux)

– la vieille France classique aristocratico-bourgeoise de droite en synergie avec l’Eglise de France et différents groupes militants ou associatifs

– les “post-modernes” éclectiques (même s’ils militent pour et contre les mêmes choses) en phase avec les tendances lourdes et d’avenir de la société d’aujourd’hui

– les cathos de gauche.

A cela s’ajoute un fossé de génération. Même si chaque famille comporte ses « jeunes », ces six familles sont issues du passé et il y a en même temps des unités transcourants de générations : 18-30 ans, quinquagénaires, retraités, etc. Or il est indispensable que les 18-30 ans aient toute leur place avec les intuitions propres à la jeunesse – sans se sentir trahis par leurs semblables qui versent parfois dans le vedettariat ! Vivant dans la société d’aujourd’hui et relativement étrangers aux legs conflictuels du passé, ils trouvent intuitivement et spontanément une partie essentielle des “réponses adaptées” car ils sont et le présent et l’avenir. Les Veilleurs en sont un bel exemple, ils renouvellent en profondeur les stratégies trentenaires des vieilles associations. (Mais veillons cependant à ne pas exporter chez eux ces conflits jusqu’aux générations suivantes).

Ces six familles se sont unies sur un refus commun mais restent divisées à cause de leurs origines et par voie de conséquence aussi sur le projet et les choix stratégiques, idéologiques, qu’elles défendent et qui engage l’avenir. Par voie de conséquence aussi, chaque famille tend à considérer le projet des autres comme un danger pour le sien et trouve légitime de tenter de s’attribuer le leadership de l’ensemble du mouvement de protestation pour mieux protéger et faire avancer son propre projet. Outre les hyper-personnalités des uns ou des autres, ceci explique aussi, en partie, les dissensions : avant le conflit avec Frigide, il y avait déjà en germe la lutte de qui prendrait la suite.

Au final, ces six familles sont structurellement et historiquement difficilement réconciliables, bien qu’elles sachent se fédérer sur de grandes causes de façon épisodique (avec des manifs comme combat médiatique utile mais très insuffisant). Elles ont cependant toutes l’avantage de pouvoir agglomérer autour d’elles des segments puissants de la société globale et de répondre de façon différente et complémentaire à l’idéologie des LGBT et du libéralisme libertaire. Pour cette raison, ces six familles sont toutes indispensables dans la perspective d’un mouvement de grande ampleur visant à promouvoir la famille et l’écologie humaine dans son ensemble. Pour cette raison encore, il ne peut y avoir de coordination unique autour d’une seule tête, mais seulement un « pluralisme concerté ».

A partir du moment où un post-moderne pourra difficilement adhérer à un projet bcbg-catho-classique de droite et réciproquement avec tous les autres membres d’autres courants, la seule solution qui reste est ce pluralisme concerté. Frigide Barjot, malgré ses défauts, parvenait tout de même à une synthèse de ces familles. Elle organisait assez naturellement ce pluralisme concerté. Cela avait commencé dès le mois de mai 2012 par des réunions de rassemblement dans les cafés parisiens, où tout le monde était invité… Elle avait ainsi réussi, avec d’autres, cette alchimie compliquée qui fait la force des grands mouvements.

Maintenant qu’elle a été éjectée pour divergence de projet (et incompatibilité d’humeur), la Manif pour tous version II aura plus de difficultés à fédérer très largement. Finalement, tant que le mouvement n’aura pas retrouvé ce pluralisme concerté, il prendra le risque de devenir un ghetto de cathos auto-satisfaits pour finir dans le mur. En effet, comment se remettre en cause si personne ne vient nous déranger ? Qui se reconnaîtra dans ce mouvement s’il est uniforme ? Beaucoup, déjà, sont partis…

Conclusion

La Manif pour tous n’a pas seulement levé une nouvelle armée, elle a aussi réussi à mettre un frein durable aux développements de la loi du mariage dit pour tous tels que le souhaitait le lobby LGBT. Même si les manifs n’ont pas réussi à faire plier le gouvernement, l’opinion a été touchée puisque les Français sont devenus moins favorables au mariage pour tous au moment du vote de la loi. Attention à ne pas faire faiblir ce virage à cause de l’image négative que l’on donne aujourd’hui. Regardons vers l’avant plutôt que de nous regarder le nombril, cela risque de coûter cher à des enfants !

Maintenant, qu’allons-nous en faire ? Oserons-nous, aussi, nous remettre en cause ?Nous pouvons aujourd’hui nous poser la question de l’avenir de la Manif pour tous : peut-elle se relever de ce conflit, est-elle sur la fin et dans ce cas saura-t-elle laisser toute la place à d’autres mouvements peut-être désormais plus pertinents, comme par exemple les Veilleurs ?

Nous pouvons encourager les nouveaux combattants à dépasser rancœurs et clivages pour travailler en profondeur, labourer le terrain sur le long terme – comme le font nos adversaires – et retrouver le courage de l’engagement politique.

Nous pouvons aussi continuer d’arroser ce qui a été semé autour de la Manif pour tous, et qui, manifestement, a porté du fruit. Comme par exemple à travers l’accueil des adoptés à travers les Adoptés pour l’enfance, ou celui des personnes homosexuelles avec Homovox.

Nous pouvons encore et surtout former les nouvelles générations aux combats de demain. Cela commence dès l’enfance, par des écoles par exemple.

C’est à cet immense et passionnant défi que nous devons dès maintenant consacrer nos efforts.

 

(*) Bruno M.