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Un pape et des homos

Pape François

Ce pape est extraordinaire, comme vous l’avez tous remarqué. « Un pape ne donne pas d’interviews », nous disait-on toujours. Mais ça, c’était avant. Maintenant, nous pouvons lire en entête de cet entretien (à télécharger ici pour le lire à tête reposée) : « Le pape François ne donne pratiquement pas pas d’interview. » Tout est dans ce petit adverbe ! 😉

Avec ce billet, je me contente d’aborder la question homosexuelle, bien que tant d’autres sujets passionnants sont présents dans ce texte génial. Après tout, nous nous sommes tellement penchés là-dessus depuis un an qu’il est bon d’encore écouter le pape, même si nous pouvons être un peu lassés, et cela se comprend…

Il semble d’ailleurs que François se tient très informé de la situation en France. Au coeur de l’été, le 15 août dernier, j’avais soutenu, en tant que co-fondateur d’Homovox, la lettre ouverte de plusieurs catholiques homosexuels publiée simultanément via La Croix et La Vie. (On regrette au passage que peu d’autres journaux aient évoqué cette tribune, alors que nous avons eu la joie de la voir reprise sur Radio Vatican – mais il est vrai qu’elle était également co-signée par Frigide Barjot…). Bref, nous dénoncions alors une certaine “chape de plomb” dans l’Eglise sur cette question et nous réclamions notamment une nouvelle pastorale. (De nombreuses personnes homosexuelles ne contactent-elles pas, par le biais du site Homovox.com, pour nous demander si nous avons un centre d’accueil ?) C’est dire si cet interview, réalisée les 19, 23 et 29 août derniers, est pour nous une réponse directe du pape à notre supplique, seulement 4 jours après !

Ecoutons-le pape : chacun peut noter que François parle d’abord de la nécessité pour les ministres de l’Eglise – et c’est valable pour nous aussi, laïcs – d’ « être miséricordieux, de prendre soin des personnes, de les accompagner comme le bon Samaritain qui lave et relève son prochain. » Le pape ajoute : « Cet évangile est pur. Dieu est plus grand que le péché. » Autrement dit, sommes-nous assez miséricordieux vis-à-vis des personnes homosexuelles ?

Bien-sûr, cela ne veut pas dire tomber dans le relativisme, mais accueillir simplement ces personnes telles qu’elles sont, sans vouloir à tout prix les changer pour les faire devenir finalement telles que nous sommes – ce qui nous arrangerait bien : on n’a pas toujours envie d’être dérangé. Le pape explique aussi que nous devons être capable de « réchauffer le coeur de ces personnes, de dialoguer, de cheminer avec elles, de descendre dans leur nuit, dans leur obscurité, sans se perdre. »

Sommes-nous toujours dans cette attitude quand nous croisons ces personnes sur Facebook ou Twitter ? N’avons-nous pas, parfois, l’exclusion un peu trop rapide ? Entendons-nous bien : en ce qui me concerne, je ne suis pas homosexuel, mais j’ai souvent mal pour eux, à voir comment on leur répond. Hier, un ami me parlait des “pds” dans un de ces textos. Encore ce matin, j’ai vu passer un tweet qui reprenait une blague grivoise en vogue dans la marine à leur sujet… Disant cela, je précise que brandir l’homophobie à tort et à travers – souvent pour des raisons idéologiques et politiques – jusqu’à même stigmatiser les homosexuels eux-mêmes, n’est pas non plus très juste et relève plutôt de l’extrême inverse.

A l’inverse, justement, de ces attitudes stériles, écoutons le pape François qui nous invite à ouvrir de nouvelles routes envers toutes ces personnes (un peu comme ce qu’essaye encore Homovox ?) :

« Au lieu d’être seulement une Eglise qui accueille et qui reçoit en tenant les portes ouvertes, efforçons-nous d’être une Eglise qui trouve de nouvelles routes, qui est capable de sortir d’elle-même et d’aller vers celui qui ne la fréquente pas, qui s’en est allé ou qui est indifférent. »

Précision : l’auteur de cet entretien explosif explique que le Saint Père évoque ici particulièrement les personnes qui vivent des « situations irrégulières pour les Eglise, ou tout du moins des situations complexes, avec des blessures ouvertes (…) et qu’il pense aux divorcés remariés, notamment, mais aussi aux couples homosexuels ».

La question qui vient ensuite est bien celle dont nous parlions plus haut : « Comment faire alors une pastorale missionnaire ? ». Le pape répond :

« Nous devons annoncer l’Evangile sur chaque route, prêchant la bonne nouvelle du Règne (de Dieu) et soignant, aussi par notre prédication, tous types de maladies et de blessures. »

Puis il raconte :

« A Buenos Aires, j’ai reçu des lettres de personnes homosexuelles (*), qui sont des “blessés sociaux” parce qu’elle se ressentent depuis toujours condamnées par l’Eglise. Mais ce n’est pas ce que veut l’Eglise. Lors de mon vol de retour de Rio de Janeiro, j’ai dit que, si une personne homosexuelle est de bonne volonté et qu’elle est en recherche de Dieu, je ne suis personne pour la juger. Disant cela, j’ai dit ce que dit le Catéchisme (de l’Eglise catholique). »

Le pape indique donc ici assez clairement que l’Eglise ne souhaite pas que les personnes homosexuelles se sentent jugées, condamnées par elle ou par les catholiques. Le catéchisme précise d’ailleurs au numéro 2358 : « Les personnes homosexuelles doivent être accueillies avec respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste » (relire à ce sujet la position de l’Eglise catholique).

Le pape connaissant parfaitement son catéchisme (!), il nous met donc en garde contre une forme d’ingérence dans la vie de ces personnes :

« La religion a le droit d’exprimer son opinion au service des personnes, mais Dieu dans la création nous a rendus libres : l’ingérence spirituelle dans la vie des personnes n’est pas possible. Un jour, quelqu’un m’a demandé d’une manière provocatrice si j’approuvais l’homosexualité. Je lui ai alors répondu avec une autre question : “Dis-moi, Dieu, quand il est regarde une personne homosexuelle, en approuve-t-il l’existence avec affection ou la repousse-t-il en la condamnant ?”.  Il faut toujours considérer la personne ».

Nous avons donc ici une bonne leçon : ne jugeons pas ces personnes. Mieux encore, le pape nous demande d’avoir pour elles de la miséricorde (la spiritualité du siècle!) :

« Nous entrons ici dans le mystère de l’homme. Dans la vie de tous les jours, Dieu accompagne les personnes et nous devons les accompagner à partir de leur condition. Il faut les accompagner avec miséricorde ».

On peut donc ajouter qu’il n’est pas nécessaire de réclamer un certificat de chasteté à ces personnes pour les estimer comme fréquentables. Tant mieux, cependant, pour les personnes homosexuelles qui parviennent à vivre une abstinence et qui peuvent en témoigner ! (Qu’elles se rappellent toutefois qu’elles ne sont qu’au début d’un chemin héroïque vers la sainteté, charge à nous, chrétiens, de ne pas trop souvent les mettre sur les autels).

Enfin le pape prévient (- justement?) :

« Nous ne pouvons pas insister seulement les questions liées à l’avortement, au mariage homosexuel et à l’utilisation de méthodes contraceptives (…), nous ne pouvons pas en parler en permanence ».

Le risque serait en effet de s’enfermer dans un système où nous serions tous des experts sur ces sujets, et où l’accueil de toute personne souffrante, blessée, passerait au second plan de nos priorités, dans notre vie de tous les jours. Or c’est souvent là que commence l’évangélisation véritable, mission première de l’Eglise.

 

(*) Il n’est pas question ici du faux-scoop dont la presse française a parlé en septembre, et pour lequel même le Figaro s’est fait piéger. En effet, cet interview est antérieur et n’a probablement pas eu de retouches depuis sur le sujet. Cependant, quand le pape parle d’un jeune homme à qui il a téléphoné, on peut très bien penser, compte-tenu de ce qu’il vient de dire, qu’il l’aurait fait de la même manière pour une personne homosexuelle : « Un autre exemple récent : les journalistes ont beaucoup parlé du coup de téléphone que j’ai donné à un jeune homme qui m’avait écrit une lettre. Je l’ai fait parce que sa lettre était si belle, si simple. Lui téléphoner a été pour moi un acte de fécondité. Je me suis rendu compte que c’est un jeune qui est en train de grandir, qui a reconnu un père, et alors je lui ait dit quelque chose de sa vie. Le père ne peut pas dire : “Je m’en moque”. Cette fécondité me fait tellement de bien ! »