Une Grande Armée est née

 

Et vous, où étiez-vous ? La question ne cesse de revenir, entre grognards. Chacun souhaite redire, comme après Austerlitz : « j’y étais ». Car nous le raconterons un jour à nos petits-enfants : le 24 mars 2013, à Paris, est née une Grande Armée pacifique !

Pour ma part, j’étais au niveau du podium. J’y ai vu beaucoup de choses : l’avenue de la Grande Armée pleine à craquer dès 15 heures, obligeant le collectif à délester sur l’avenue Foch et les avenues adjacentes. J’ai vu aussi la place de l’Etoile se remplir tranquillement sous les yeux des CRS avant qu’un piège ne se referme. J’ai vu encore le bras armé du gouvernement provoquer ceux qui déployaient une bannière du « Printemps français » (pourtant non-autorisée par la Manif pour tous), celle-ci finissant par être rangée miraculeusement, à coups d’eau bénite…

Au sujet des débordements

Constatons-le d’abord : la Manif pour tous n’a rien à voir avec les événements des Champs-Elysées, elle était responsable d’un autre secteur. Dès que l’interdiction de manifester sur la plus belle avenue du monde était tombée, la Manif n’a plus laissé passer un seul appel à aller sur les Champs-Elysées, contrairement à ce qu’a affirmé lundi le ministre de l’Intérieur Manuel Valls au micro de RTL (« depuis plusieurs jours, malgré les interdictions, les organisateurs ont appelé à manifester sur les Champs-Elysées »). Du reste, c’est lui qui a contredit le Préfet de Police, lequel avait dit aux organisateurs qu’il est d’accord pour ouverte la place de l’Etoile.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le pouvoir a cherché l’affrontement

Dimanche, place de l’Etoile, la police a  d’abord laissé passer des manifestants. Puis, suite à des ordres venus d’en haut – Manuel Valls venait d’apprendre via Itélé que la place était finalement envahie ! – les CRS ont fermé la nasse et ont gazé tous ceux qui étaient là, enfants compris. Un petit groupe de personnes, arrivant d’ailleurs et n’étant vraisemblablement pas des manifestants, cherchait en découdre. Les volontaires du service d’ordre de la Manif ont alors fait reculer la foule et l’ont contenue d’une manière exceptionnelle pour que le « bouchon » entre la Grande Armée et la place de l’Etoile n’éclate pas. Un de mes amis volontaires, à la carrure de rugbyman, s’est tout de même fait gazé 6 fois dans la mêlée. En parlant avec un policier, ce dernier lui a dit ne pas comprendre les ordres reçus de ses supérieurs, qui allaient contre les méthodes habituelles pour contenir une foule. En effet, cette façon de faire n’est jamais employée d’habitude, car elle exacerbe inutilement les tensions. Place de l’Etoile, ce sont donc les volontaires de la Manif qui ont remis de l’ordre, au contraire des forces de police qui ont sciemment mis de l’huile sur le feu. Dans quel but ?

Le pouvoir est responsable de ces tensions

Rappelons que samedi, le ministère de l’Intérieur tablait sur 100.000 personnes, tout en sachant, par les responsables de la Manif, qu’il y avait autant de cars venus de province que le 13 janvier, le double de TGV spéciaux, et une hausse de 35% du co-voiturage… Est-ce un manque de confiance, un aveuglement, ou ont-ils fait semblant d’ignorer l’ampleur de la manifestation ?

Sur son blog, le député Lionel Tardy s’indigne : « la Préfecture de police a sous-estimé le succès de la manifestation : un CRS m’a confié qu’il était attendu 100.000 manifestants tout au plus… résultat, une avenue de la Grande Armée inadaptée pour une manifestation statique de cette importance, qui a rapidement été saturée ».

Quoi qu’il en soit, dimanche, en début d’après-midi, constatant l’ampleur de la manifestation, Valls aurait dû assumer son erreur et accepter d’ouvrir les Champs-Elysées. Cela aurait évité, en de nombreux points, à des policiers de se trouver en tout petit nombre face à la foule, et donc presque obligé de faire usage de gaz lacrymogène, dont on distingue, au passage, deux catégories. Cela aurait donc évité de nombreux accrochages. Comme celui-ci : où comment faire pour que ça se passe mal quand on est CRS, sans jamais se retirer. Mais les ordres, ce sont les ordres ?

Comment aussi ne pas comprendre aussi l’exaspération de nombreux manifestants venus de trois loin et « parqués » dans les autres avenues comme l’avenue Foch, sans sono ni écrans géants, faute d’avoir pu en mettre partout ? Face à eux, l’Etoile ressemblait à un camp retranché, comme une provocation de plus du gouvernement.

De plus, des CRS ont fait des incursions dans la foule pour la provoquer, à coups de gaz lacrymo (voir cette vidéo vue 200.000 fois). Rappelons tout de même que le 13 janvier, il n’y avait eu aucun incident ! Et que dire de ces enfants gazés ? Ceci est absolument scandaleux ! A quand les lance-patates « Cougar » ?

Il apparaît désormais clairement que Valls a donné l’ordre de fermer l’Etoile une fois que la place était envahie, fermant ainsi le piège sur les manifestants, tout en sachant qu’il y avait des enfants parmi eux. Cela mérite bien une enquête parlementaire telle que l’a réclamée le collectif de la Manif. Même si cette zone ne concerne pas la Manif, il demeure encore flou qu’après 18 heures, les autorités aient sauvegardé une zone tampon de 100 mètres sur les Champs-Elysées, devant le Mac Donald’s, alors que le bas de l’avenue était déjà envahi…

Combien étions-nous vraiment ?

Le général Bruno Dary et ses équipes ont compté un rassemblement statique de 1,4 million de manifestants. Ce comptage a été fait en fonction des paramètres suivants : 3 personnes par m2, en calculant la surface de l’avenue de la Grande Armée, l’avenue Foch, la Porte Maillot et l’avenue Charles-de-Gaulle à Neuilly, ces axes étant pleins à 100% comme le montrent toutes les photos. N’importe quel Français peut faire le calcul avec un plan ou une carte Google, c’est indiscutable. Par ailleurs, le chiffre de 1,7 million circule, émanant d’un mystérieux général de l’armée de Terre… mais qui, d’après un de mes contacts, existe vraiment !

Quelle stratégie, aujourd’hui ?

Pour avoir vécu les évènements de près, je peux vous dire que la Manif pour tous est, plus que jamais, extrêmement déterminée à faire échec à ce projet inhumain et antisocial du ‘mariage’ prétendument pour tous. Elle ne peut le faire que dans un esprit pacifique. Pour ne pas être interdite, et parce que nous, les opposants, nous sommes républicains, la Manif ne peut que rester dans cette légalité. C’est comme cela que ce grand mouvement populaire initié il y a 6 mois par Frigide Barjot et ses amis peut continuer d’exister en toute légitimité. Légitimité auprès des autorités, des élus, de la société civile, des médias, pour chacun d’entre nous, manifestants de la première comme de la dernière heure.

Si, comme Valls l’a encore prétendu hier à l’Assemblée nationale (« les organisateurs n’ont pas respecté les consignes »), La Manif pour tous avait invité à manifester sur les Champs-Elysées dans l’illégalité, nous aurions été bien moins à venir : beaucoup seraient restés chez eux. Et si, d’un mot au micro, Frigide Barjot avait appelé depuis le podium à se rendre sur les Champs-Elysées, nous n’aurions pas eu 6 mises en examen, mais des centaines.

Ne soyons pas naïfs : les ordres donnés aux CRS ne sont pas plus compatissants envers nous qu’en mai 68 : nous aurions alors eu des milliers de hommes et de femmes, d’enfants, gazés ou inondés par les canons à eau qui stationnaient dimanche dans les rues adjacentes. Cela aurait été totalement irresponsable de la part des organisateurs de la Manif que de jeter les manifestants dans un tel guêpier. Voilà donc à quoi mènerait un « printemps français » désolidarisé de la Manif, tombant dans une inégalité inappropriée : nous n’aurions obtenu que la fin de notre mouvement. Nous serions tombés dans la clandestinité. C’est précisément ce que souhaite Valls et ses amis !

La Manif doit donc éviter ce piège dans lequel voudrait l’enfermer le gouvernement, qui cherche à la faire passer pour « catholique de droite et homophobe » alors qu’elle rassemble au contraire des musulmans, des Juifs, des athées, des homosexuels, des bisexuels, des radicaux de gauche et même des trotskystes, comme on l’a vu dimanche !

 

 

 

Par ailleurs, la Manif a toute légitimité pour se séparer d’un de ses porte-paroles. N’est-il pas contre-productif d’intervenir pour demander par la réintégration d’un membre du collectif qui se serait désolidarisé de la stratégie commune ? Tout le monde l’a bien compris aussi : il y a une très grande différence entre émettre des critiques en interne sur telle ou telle option et les diffuser sur la place publique. Dans ce dernier cas, elles serviront nos adversaires, ce qui est dommageable pour la cause que nous défendons tous. Que voulons-nous ? Le succès de notre entreprise ?

Peut-être que vous vous dites cependant : « en mode bisounours, les autorités s’en foutent, ils nous parquent comme des bêtes et ne daignent même pas nous compter ». A ceux qui n’ont pas trouvé les discours assez musclés, dimanche, voici de quoi tout revoir. Vous constaterez que le ton est monté d’un cran. De plus, c’est une erreur de croire que le pouvoir se moque de cette mobilisation. Ils savent combien nous sommes : le bon chiffre (!) était lundi matin sur le bureau du Président. Tous les indicateurs montrent aussi que lui et son gouvernement vivent la peur au ventre de perdre le pouvoir. Ils n’en peuvent plus. C’est une pression permanente de savoir qu’à chacun de leur déplacement, un comité de la Manif pour tous les accueillera avec bannières et slogans. Cela a été le cas dans de si nombreux endroits, pour un nombre grandissants de ministres ou de porte-paroles du gouvernement ! Et c’est loin d’être terminé : à qui le tour ? ☺

Le sentiment de ras le bol est général, mais ne perdrons pas le cap : faire échouer ce projet de changement de civilisation. Nous ne sommes plus à l’époque où Napoléon pouvait prendre le Parlement par la force et instituer le Consulat. Il n’y à qu’à voir dimanche comment l’Elysée était un véritable donjon, une tour d’Ivoire dans laquelle s’était enfermée le Président. Si certains veulent aller au martyre (normalement, ce genre de chose, on le reçoit sans le demander !), voire même parfois avec leurs enfants, c’est leur choix, qu’ils assument. Ce n’est pas mon cas, et cela ne le sera jamais : je resterai dans la légalité, comme y invite la Manif.

Quels sont les fruits de la mobilisation ?

Cette petite rétrospective vidéo nous permet de nous rendre compte du chemin parcouru.

Pour ma part, jamais je n’aurais cru que nous aurions pu rassembler en si peu de temps 2 manifestations de plus d’1 million de personnes. C’est un énorme succès auquel chacun d’entre nous a participé. Ne laissons personne nous dire que ces manifs n’effraient pas le pouvoir et ne servent à rien ! Ne laissons personne nous ravir la joie de ces grands moments fraternels !

Le fruit le plus visible : tous ces jeunes qui se sont mis en route et qui marchent, main dans la main, avec une force invisible. Ils sont invincibles ! Dimanche, le QG de la Manif ressemblait d’ailleurs à une ruche des JMJ, avec un jeune derrière chaque porte.

D’autre part, le vent médiatique commencent à tourner. A l’étranger par exemple. Mais aussi en France : ce matin, c’était France info qui trouvait particulièrement percutant le slogan “on veut du boulot, pas du mariage homo“.

Du reste, même si cela ne se voit pas toujours, chaque jour apporte son lot de petits bouts de terrain gagnés sur l’adversaire. Vous pensiez être isolé dans votre coin, mais désormais, vous n’êtes plus seul. Cela aussi, c’est déjà une victoire !

Et maintenant ?

Nous devons continuer à nous rassembler autour de la Manif et de celle que les médias appellent depuis longtemps la « tête du file » du mouvement, Frigide Barjot. Je l’ai déjà défendue sur ce blog et que je continuerai de le faire tant qu’il le faudra, même si certains l’attaquent encore. Je vous assure, avec la plus grande force, qu’elle et ses équipes sont plus déterminés que jamais. Elle nous mènera à la victoire ! Adressons-lui un message amical de soutien, de confiance, elle en a bien besoin.

Vous avez cependant un doute sur un collectif en particulier ? Regardez la liste des associations coordinatrices de la Manif établie sur son site officiel, tout le reste sert d’autres objectifs ! Peut-être que vous vous demandez aussi : « à quoi ça sert, tout ça ? ». Regardons alors le chemin parcouru depuis le début de cette mobilisation unique. Aurions-nous imaginé cela il y a 6 mois à peine ? Regardez aussi ce qui arrive si l’on ne fait rien, c’est pas folichon. D’ailleurs, dans le cadre de la loi sur la refondation de l’école (réforme Peillon), un amendement a été déposé et voté le 20 mars pour rendre obligatoire la théorie du genre dès l’âge 6 ans…

« Allo, Président ? »

Aujourd’hui, François Hollande n’a plus le choix. Son peuple l’a coincé. S’il laisse courir le projet de loi, notre mobilisation va prendre encore plus d’ampleur. Nous aurons alors à rester tous très soudés, à garder la tête bien froide (1), car ne sera pas forcément toujours très drôle (2). Nous aurons notamment sur notre chemin Christiane Taubira, qui voudra nous sabrer avec un grand sabre, comme elle a l’a dit à Libération il y a une semaine. Rassurez-vous cependant : partie s’exiler au Sénégal, comme une fuite à Varennes, elle a pour le moment disparu des écrans radars… sauf dans le Canard, qui raconte comment elle fait le vide autour d’elle. Et le plein des manifs, oserais-je rajouter.

Les trois options du Président

François Hollande a trois options devant lui pour sauver son mandat :

1. Ouvrir un référendum sur le ‘mariage’ prétendument ‘pour tous’
2. Saboter discrètement le projet au Sénat (on lui fait confiance pour cela)
3. Ne pas promulguer la loi une fois votée (on espère ne pas en arriver là).

Dans tous les cas, il n’aura plus qu’à contenir une « poignée » de militants LGBT, pour reprendre les mots d’Arnaud Montebourg, et sans devoir utiliser – cela va de soi – une seule goutte de gaz lacrymo. Ses propres troupes se sentiront alors soulagées, elles pourront retourner travailler sans comité d’accueil de la Manif. Mais si, par hasard, François Hollande s’entête, ce sera la preuve qu’il n’est qu’une marionnette aux mains d’intérêts étrangers. Nous aurons alors doublement raison de ne rien lâcher !

 

THE END… pour le moment du moins. 🙂

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A ne pas manquer :

– Venez accueillir François Hollande demain soir jeudi
– La manif est prête à recommencer
– La violence n’est pas toujours du côté que l’on pense…

(1) C’est le moment de lire un petit livre : Subversion, de Roger Muchietti (2) Un peu d’humour (le panier à salades) : 10 bonnes raison d’interdire la Manif pour tous

« Quand il y a des milliers et des milliers de citoyens, jeunes ou moins jeunes, mobilisés, à quoi sert d’attendre la prochaine manifestation ? Il suffirait d’un mot, un seul, que le pouvoir hésite à prononcer (…). Quand on a fait une erreur, il faut savoir l’effacer »

(François Hollande au Premier ministre lors des manifestations contre le CPE, en 2006)

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Message de la Manif au manifestants suite à la manif du 24 mars

Merci à tous et à toutes !

Un immense bravo pour votre mobilisation ! Merci mille fois de vous être déplacés si nombreux, d’avoir enduré la fatigue de longs voyages et l’attente dans les avenues bondées.
Une nouvelle fois ceux qui essayaient de vous décourager et de faire taire votre voix se sont trompés. Ils annonçaient 100.000 manifestants. Mais cette fois personne ne peut nier que vous étiez 1.400.000 personnes ; les médias, les télévisions ont relayé partout les images extraordinaires de votre foule immense.

Vous n’êtes pas venus pour rien. Vous avez été plus calmes et plus dignes que ne l’est le pouvoir sourd, crispé et violent avec ceux qui sont pacifiques, ouverts au dialogue et respectueux des droits.
C’est votre détermination, celle du Peuple de France, qui fera plier le pouvoir.

Le ministère de l’intérieur a essayé de saboter notre rassemblement du 24 mars en nous obligeant à changer de parcours 3 jours avant. Mais grâce à une organisation exemplaire, des volontaires formidables et à votre calme tranquille, aucun heurt ni aucune dégradation n’ont eu lieu sur le parcours.

Pourtant en fin d’après-midi, en haut de l’avenue de la Grande Armée et de l’avenue Foch, à la limite de notre rassemblement, des manifestants pacifiques ont été victimes de jets à bout portant de gaz lacrymogènes de la part des forces de l’ordre. Ils n’ont épargné ni les enfants, ni les personnes âgées. Des élus et des journalistes ont aussi été touchés. Ils apportent tous un témoignage irréfutable.

Nous sommes très profondément choqués. Cette violence est totalement inqualifiable et injustifiable. Monsieur Manuel Valls en est pleinement responsable.

Nous pensons à tous ceux qui ont été touchés. Nous souhaitons les réconforter ; nous vous assurons de tout notre soutien. Vous avez montré beaucoup de courage, et nous vous promettons que ces agissements ne resterons pas impunis et que notre détermination ne faillira pas.

Nous nous battrons tant que le Président n’aura pas retiré le projet de loi Taubira.

On ne lâche rien !!!

 

1 réflexion sur « Une Grande Armée est née »

  1. de l'Eprevier Florence

    Super organisation ! Magnifiques témoignages ! Nous étions venus en force et avions passé 4 heures sur place pour être comptés, or le comptage fait encore une fois polémique ! les chiffres vont de 1,4 million à 1,950 million ; le concert de J.M. Jarre a rassemblé 2,5 millions de personnes sur le même axe… sans les avenues adjacentes!! Alors qui croire ? Il aurait été bien de penser à un comptage manuel puisque nous sommes restés sur place pendant toute l’après midi ! C’était tout à fait faisable avec une bonne organisation en mettant des banderolles tous les 100 ou 1000 personnes par exemple … Et on nous avait parlé d’un hélicoptère de LMPT pr ns compter ? Il a été interdit ? UN GRAND MERCI POUR VOTRE IMPLICATION ! NS SERONS ENCORE PRESENTS POUR LA PROCHAINE !

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