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Lettre ouverte au Président et au gouvernement en soutien aux musulmans blessés par les caricatures

Caricature communiste contre la religion. L’ombre effrayante de l’homme devient une croix sur laquelle est inscrite le mot « religion ». Dans sa poche se trouve une Bible. La légende se lit comme suit : “Traversez l’ombre menaçante et rejoignez la foule dans l’agitation joyeuse de la journée !” (on voit au second plan la maison des pionniers, un planétarium et un théâtre…). D’autres caricatures communistes – qu’on ne reproduira pas ici par respect pour les musulmans – s’attaquaient aussi à l’Islam, comme le fait aujourd’hui Charlie Hebdo, journal proche de l’extrême gauche…

Lettre ouverte au Président et au gouvernement en soutien aux musulmans blessés par les caricatures

Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et messieurs les membres du gouvernement.

Chers amis musulmans,

chers frères en humanité,

Par cette lettre, je souhaite d’abord apporter mon soutien à la famille du professeur Samuel Paty, injustement assassiné par une main islamiste.

Mais aussi, apporter mon soutien aux musulmans blessés par les caricatures de Dieu, en tant que  simple chrétien.

Enfin je souhaite évoquer plus longuement ce prétendu « droit au blasphème » qui nous blessent comme croyants, s’attaquant à notre profond amour de Dieu, lequel, souvent, fait tout le sens de notre vie.

Précisons en préambule que ces blessures qu’on nous inflige par des dessins offensants n’excusent en rien ni la violence qui a couté leur vie à de trop nombreuses personnes, ni toute autre escalade, caricatures contre caricatures, outrances contre outrances, affronts contre affronts, dans une spirale qui mène à tout sauf à la paix entre les hommes.

Chrétiens, nous aimons la paix, et comme beaucoup de musulmans, nous voulons la préserver. Dans ce but, il est aujourd’hui plus qu’urgent de s’entendre sur ce qu’est vraiment la liberté d’expression et la liberté tout court, valeurs si galvaudées aujourd’hui.

Une crise de la liberté

Pour commencer, nous voulons d’abord déplorer avec vous une certaine inversion des valeurs qui se répand dans notre société actuelle et que la foi chrétienne réprime, au nom de l’humanité, du progrès humain et du développement humain intégral que nous recherchons tous. Ainsi, aujourd’hui, dans l’esprit de beaucoup de nos contemporains, la possibilité de faire quelque chose a remplacé la valeur de l’acte lui-même et se résume à cet axiome : « du moment que j’ai le choix, c’est bien ». Rien n’est plus faux, et les conséquences de ce relativisme sont désastreuses pour notre vivre ensemble, pour l’esprit de concorde et la paix civile.

Ce qu’est vraiment la liberté

Il faut revenir à ce qu’est vraiment la liberté. Qui est-elle ? Ce n’est pas d’avoir le choix entre telle ou telle possibilité, non : la liberté est de choisir le bien, car seul le bien rend libre. Choisir quelque chose de mal pour soi (ou pour les autres), ce n’est pas donc de la liberté, mais seulement l’exercice de sa volonté propre. On connaît bien la phrase « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres » : encore enfant, je me souviens l’avoir vue sur un autocollant anti-tabac. On pouvait déjà y distinguer un glissement idéologique : en fumant, vous abimez pourtant à la fois votre santé et celle des autres qui peuvent respirer votre fumée. Fumer n’est donc pas une liberté, mais simplement un petit plaisir. Autre exemple : quelqu’un qui souhaite se suicider annihilera toutes ses libertés lors de son passage à l’acte : se mouvoir, respirer, vivre, etc. Quel qu’en soit le triste moyen, mettre fin à ses jours, puisque cela met fin à toute liberté, n’est pas une liberté, même si certains prétendent à tort qu’elle est « la plus grande de toutes ».

Ainsi, aujourd’hui, nous déplorons que la notion même de liberté soit en crise : déclinée à toutes les sauces, elle s’est affadie, au point qu’on aurait le droit de tout faire sous couvert de liberté. On se souvient bien du slogan de mai 68, « il est interdit d’interdire » et son corollaire inavoué : « tout est autorisé, même le pire ». Euthanasie, pédophilie, inceste, etc. en découlent malheureusement.

Cette couverture d’une collection d’affiches de 1981 intitulée “La lumière contre les ténèbres” montre un garçon essayant de s’éloigner d’une babouchka qui l’entraîne vers une église sombre et obscurantiste..

Dès lors qu’elle nuit, ce n’est plus de la liberté

Il faut se rappeler la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont l’article 4 stipule avec force : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ». Ainsi la liberté n’en est plus une dès lors qu’elle engendre une nuisance pour les autres, autrement dit un mal. Rappelons-nous que cet article 4 nous vient du fameux auteur de L’Esprit des lois, un certain Montesquieu, célèbre philosophe des Lumières. Lui-même s’était inspiré d’un certain Augustin d’Hippone, qui, dès le Ve siècle, s’intéressa à la notion de libre-arbitre, dans un ouvrage intitulé De libero arbitrio. Ainsi, pour Saint Augustin, « Dieu a conféré à sa créature, avec le libre-arbitre, la capacité de mal agir, et par-là même, la responsabilité du péché ». En exerçant son libre-arbitre, on ne fait donc pas que le bien, contrairement à la liberté.

La vraie liberté, c’est d’aimer

Pour nous chrétiens, la liberté, c’est d’aimer. Ainsi Saint Jean a écrit dans son Evangile : « la vérité vous rendra libres » (1). Et qu’est-ce que la vérité, si ce n’est la personne de Jésus, qui est amour et qui a dit « Je suis le chemin, la vérité, et la vie » (2) ? Le pape Benoît XVI, grand théologien, disait à ce sujet : « la liberté trouve tout son sens dans l’amour », ce qui demande non pas « d’agir à sa guise » mais de « se laisser guider dans ses intentions et ses actions par l’amour de Dieu » (3). C’est une bonne clef de discernement, pour croyant ou non : est-ce que cet acte que j’estime bon à poser, donc en toute liberté, est guidé par l’amour de l’autre, la recherche du bien de l’autre ? Est-ce que je le porte l’autre dans mon coeur quand j’estime avoir le droit, au nom de ma propre liberté, de lui dire telle ou telle chose ? Conséquence directe : si je caricature quelqu’un avec une outrance qui blesse, non, je n’exerce pas une liberté.

A propos d’un prétendu droit d’injurier

Ai-je le droit d’injurier ou de calomnier quelqu’un, au nom de la liberté ? Injurier, n’est-ce pas causer du mal à l’autre ? Et le calomnier, lui causer du tort auprès d’autres personnes ? N’est-ce pas dénaturer la liberté que de prétende en avoir le droit au nom de cette sacro-sainte liberté, ici abusivement appelée liberté d’expression puisqu’en réalité, ce n’est plus de la liberté ? En quoi une caricature outrancière – il existe aussi des caricatures qui n’offensent pas autrui – serait-elle un bien ? En quoi défigurer et salir Jésus ou Mahomet, et par la même occasion offenser les croyants, serait défendable ? On le voit bien avec les caricatures de notre président au Moyen-Orient, qui ne sont pas belles à voir…

Intitulée “Les immortels”, cette caricature montre Dieu disant : « Vous m’avez laissé tomber, mes serviteurs. J’ai honte d’être vu sur Terre maintenant ! » à un groupe de squelettes vêtus de vêtements religieux.

A propos d’un prétendu droit au blasphème

Quid du « droit au blasphème » invoqué par notre président ? Là encore, revenons au sens des mot : d’après Wikipédia, la notion de blasphème désigne – justement – le fait de « parler mal de quelqu’un, injurier, calomnier ». Prenons un exemple : si vous injuriez un membre des forces de l’ordre, vous serez passible d’être condamné pour injure à représentant de l’autorité publique. Ainsi, pas plus qu’il n’y a de droit à l’injure, il n’y a pas de droit au blasphème. Entendons-nous : en République, il n’y a pas non plus d’interdiction de blasphémer, parce que le blasphème est un mot du vocabulaire religieux, qui implique la reconnaissance de la notion de sacré. Un mot qu’un Président en exercice, soucieux du respect des institutions républicaines, ne devrait donc même pas employer… « Rendez à à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (4), a ainsi déclaré l’inventeur de la laïcité, un certain… Jésus.

Une prétendue défense de la liberté, y compris d’expression

Beaucoup de nos contemporains se font les défenseurs, les chantres de la liberté, en particulier d’expression, au nom de cette philosophie des Lumières. Ils déplorent même à grands cris, dans de nombreux médias, qu’elle soit si attaquée. Ils ignorent pourtant qu’en poussant trop loin le bouchon, c’est la liberté elle-même qu’ils combattent par leurs propos injurieux et qu’ils condamnent par leurs actions coupées du bien. Leur liberté n’est plus de choisir un bien, celui des autres et de l’humanité. Elle est seulement l’expression de leur bon petit vouloir. On peut alors citer Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes ». Par leur individualisme qui place leurs petites envies en priorité dans leur ligne de conduite – dire du mal ou caricaturer à outrance si on en a envie, etc. – fondées sur un culte idolâtre d’une liberté galvaudée et d’un laïcisme de combat, drapés dans des valeurs qu’ils prétendent défendre mais qu’en réalité ils corrompent avec leur idéologie extrémiste, ils ternissent ainsi la vraie liberté, parfois même au nom d’une lutte contre un obscurantisme auquel ils finissent pourtant par contribuer.

Ainsi, comme croyants et quelle que soit notre confession religieuse, nous ne pouvons pas nous résoudre à tout accepter au nom d’une liberté d’expression qui n’en est pas une et qui porte en son sein la discorde et la haine de l’autre pour ce qu’il croit.

Nous aussi chrétiens, comme croyants, nous sommes blessés par les caricatures de Mahomet, comme celle de Jésus ou de nos pasteurs, et nous refusons donc d’accepter cette indéfendable outrance à ceux qui croient, pour ce qu’ils sont.

Pourrons-nous encore accepter sans rien dire qu’un livre de caricatures religieuses soit distribué par les régions dans les écoles, comme à l’époque communiste en URSS ?

Comme le disait encore Saint Augustin : « A force de tout voir on finit par tout supporter, à force de tout supporter on finit par tout tolérer, à force de tout tolérer on finit par tout accepter… et à force de tout accepter, on finit par tout approuver ! ».


Notes

(1) La Bible, Evangile de Jean, chapitre 8, verset 32.
(2) Evangile de Jean, chapitre 14, verset 6.
(3) Benoît XVI, méditation du dimanche 1er juillet 2007.
(4) Evangile de Matthieu, chapitre 22, verset 21.