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Internet nous rend-il idiots ?

Limiter notre intériorité. Voici le 15eme danger d’Internet, relevé dans mon livre Dieu et Internet, 40 questions pour mettre le feu au web, à la question « Quels sont les dangers d’Internet ? » (n°6, p. 45). En écho notamment, la théorie de Nicolas Carr, selon qui Internet nous rendrait idiot… Extrait tiré du livre.

Pour Jean-Paul II, Internet présente également le danger de limiter notre capacité à la contemplation. « Internet redéfinit de façon radicale le rapport psychologique d’une personne au temps et à l’espace, dit-il en 2002. L’attention est concentrée sur ce qui est tangible, utile et immédiatement disponible ; l’encouragement à approfondir la pensée et la réflexion peuvent manquer. Pourtant, les êtres humains ont un besoin vital de temps et de calme intérieur pour réfléchir et examiner la vie et ses mystères, et pour acquérir progressivement une domination mûre d’eux-mêmes et du monde qui les entoure. »

Le Pape à l’origine de la nouvelle évangélisation – y compris par Internet – précise : « La compréhension et la sagesse sont le fruit d’un oeil contemplatif sur le monde, et ne proviennent pas d’une simple accumulation de faits, quel que soit leur intérêt. Ils sont le résultat d’une réflexion qui pénètre la signification plus profonde des choses les unes par rapport aux autres et par rapport à la réalité tout entière. De plus, en tant que forum dans lequel pratiquement tout est acceptable et pratiquement rien ne dure, Internet favorise une façon relativiste de penser et alimente parfois le manque de responsabilité et d’engagement personnels. »

Gare donc au relativisme intellectuel qui troque une pensée pour une autre, comme s’il pouvait y avoir plusieurs vérités ! Nous verrons un peu plus loin que Benoît XVI a repris cette idée à son compte.

« Dans un tel contexte, concluait Jean-Paul II, comment pouvons nous cultiver cette sagesse qui ne provient pas seulement de l’information, mais de la réflexion, la sagesse qui comprend la différence entre le bien et le mal, et qui soutient l’échelle de valeurs qui découle de cette différence ? ».

Alors, Internet nous rend-il idiots ? L’Américain Nicholas Carr, auteur à succès sur la planète digitale, a enflammé la blogosphère et bien au-delà avec son troisième livre, intitulé Les bas-fonds, ou l’impact d’Internet sur nos cerveaux. Pour lui, l’utilisation d’Internet nous rend incapables de lire des documents qui dépassent quelques lignes.
L’auteur défend les thèses suivantes :

– comme le montrent les dernières avancées de la neuroscience par rapport à nos modes de pensée, le cerveau humain est dans un état d’apprentissage permanent ;
– les outils d’information changent notre manière de percevoir le monde, de penser et d’agir ;
– les changements induits par ces outils « informationnels » sont très rapides ;
– Internet aura autant d’impact sur notre cerveau que l’apparition de l’alphabet, de la cartographie, l’horloge ou l’imprimerie ;
– Internet est à notre service, mais peut devenir notre maître ;
– l’internaute perd une grande partie de ses capacités de concentration, de réflexion et de contemplation (reprenant ici à son compte l’idée de Jean-Paul II !) ;
– la tentation est grande de confier à l’informatique le travail de notre mémoire ;
– de moins en moins d’internautes arrivent à lire un livre en entier ;
– ce que Taylor a réalisé pour le travail manuel, Google (utilisé par 90 % des internautes) serait en train de l’appliquer au travail du cerveau.

Ainsi, comme l’avait écrit De Rosnais en 1996, auteur de L’homme symbiotique, Nicholas Carr cherche à démontrer que « l’Homo interneticus » se fatigue de moins en moins à force d’utiliser cet « outil de l’esprit » qu’est Internet. Il raconte aussi comment Friedrich Nietzsche, à trente-quatre ans, perdit la vue et n’arrivait donc plus à écrire. Le Danois Malling-Hansen, travaillant pour l’Institut royal hollandais des sourds-muets, lui fournit l’une des premières machines à écrire. Nous sommes en 1882. Très vite, des lecteurs lui font remarquer qu’il a changé de style, que ses textes sont plus denses et plus courts. Nietzsche répond alors : « Vous avez raison, nos outils d’écriture influent sur la création de nos pensées. »

Il est vrai que l’immense succès des SMS qui ne cessent de se répandre dans nos modes de communication, et de Twitter, le site de « microblogging » où les messages ne peuvent dépasser 140 caractères, peut nous effrayer. Lorsqu’on sait aussi que la longueur moyenne d’un texte lu sur Internet ne dépasse pas 1 200 signes, soit environ le tiers d’une page A4, nous pouvons nous interroger : répondent-ils à un impérieux besoin de rapidité et d’efficacité, ou trahissent-ils de façon générale une pensée étiolée ? Autrement dit, une réflexion synthétique signifie-t-elle pour autant qu’elle est réduite quant à sa substantifique moelle ?

Que dire alors de ces nombreux concours où l’épreuve du résumé de texte est utilisée pour mesurer la capacité des candidats à synthétiser leur pensée, ou de ces notes d’une seule page que demandent aujourd’hui les décideurs à leurs collaborateurs : sont-elles moins « réfléchies » pour autant ?

Il faut souligner encore qu’avec Internet, on assiste au grand retour de l’écrit… et donc d’une nouvelle réflexion écrite. De même que la micro-informatique a révolutionné le monde de la pensée, notamment avec l’apparition du traitement de texte : personnellement, quand j’ai découvert Word, je me suis senti l’âme d’un écrivain ! Cet outil a donné à chacun l’envie d’écrire, de coucher sur le papier, de façon merveilleuse, avec une facilité inégalée (quelle aisance dans le déplacement des paragraphes !) ses impressions, ses idées, ses aventures ou le fruit de son imagination.

Aujourd’hui, le blog est l’outil par excellence de réflexion et de diffusion de la pensée des uns et des autres, quel qu’en soit le sujet. Interactif par le biais des commentaires, il permet d’échanger avec ses lecteurs et donc, sur ce plan, d’aller plus loin dans la réflexion. L’existence de 190 millions de blogs, publiant à la cadence de plus d’1,6 million de nouveaux billets par jour (1), sur lesquels se penchent 2 milliards d’internautes, nous montre qu’il y a ici un progrès de la connaissance et donc de la réflexion humaine elle-même.

Je crois donc que la théorie de Nicholas Carr est poussée à l’extrême, de la même façon que nous avions pu trouver des ouvrages intitulés L’ordinateur vous rend idiot, ou, plus récemment, PowerPoint vous rend idiot. Je ne rejoins pas non plus le philosophe Alain Finkielkraut pour qui « Internet est une poubelle ». C’est ce qu’il déclarait lors d’une récente émission d’« Arrêt sur images » sur France 5, expliquant sa crainte que des propos tenus entre amis se retrouvent instantanément sur le net. L’un des journalistes lui répondit : « J’ai envie de vous parler comme Karol Wojtyla : N’ayez pas peur ! » Pour dire quelques mots de son livre : Internet, l’inquiétante extase (2), il faut encore rappeler qu’Internet n’est qu’un outil, qu’il est donc moralement neutre. Seuls ses différents usages ont une incidence sur le bien et le mal. Internet n’est donc pas en soi la promesse d’un monde meilleur. Mais s’il est utilisé pour transmettre l’amour de Dieu, alors oui, le web pourra jouer un rôle majeur dans notre monde moderne pour y porter l’espérance de la vie éternelle, ce bonheur qui est aussi de vivre avec Jésus-Christ au quotidien.

(1) D’après Blogpulse.com et Technorati
(2) Ed. Mille et une nuits, 2001 (écrit avec Paul Soriano)

 

Hommage à Cherbourg

Spéciale dédicace à la Presse de la Manche pour cet article et à David Lerouge

Cherbourg. Ce nom magique résonne pour moi comme une enfance heureuse. Les mouettes rieuses et chantantes par dessus les toits, le ciel bleu, souvent là, et ses nuages rapides. La toile de jute orange recouvrant ma chambre, la double-fenêtre donnant un air d’antan par laquelle je pouvais admirer notre jardin et son magnifique poirier, trônant en son milieu, aux fruits aussi nombreux que délicieux.

Les étourneaux qu’il avait fallu faire fuir à coups de casseroles, le poulailler transformé en cabane de luxe à grand renfort de vieux tissus et de morceaux de bois. Les toilettes du fond du jardin que plus personne n’utilisait mais qui restaient là comme un vestige du passé, les grands lauriers sur lesquels nous grimpions et qui nous permettaient d’escalader le mur pour rendre visite à nos petites voisines.

Je me souviens que notre maison était située à mi-chemin entre l’école et son annexe pour les classes de CM2, qu’on appelait « Les Bastions », ce qui me permettait de rejoindre le cortège de mes camarades bien après la sonnerie, quitte à me faire tirer les oreilles, au sens propre, par notre immense instituteur au regard bleu perçant, tout droit sorti d’un western de Clint Eastwood. Il arrivait à celui-ci de venir de temps à autre me donner quelques cours de rattrapage – je n’étais pas très assidu en classe – et le simple fait de l’entendre sonner à la porte me glaçait le sang dans les veines, même s’il était plutôt gentil. Je devais alors prendre mon courage à trois pieds et filer lui ouvrir, un peu malgré moi…

J’étais enfant de chœur à la basilique de la Sainte Trinité, avec mon frère cadet. Il nous fallait parfois nous pincer très fort pour ne pas nous endormir sur les scabreux tabourets de bois verni, comme éviter de laisser couler la cire de nos trop lourds cierges. J’étais souvent le petit porte-croix, et le curé, à la fin de la messe, aimait me glisser à l’oreille : « vas-y, fonce dans le tas ! », à l’adresse ceux qui bloqueraient encore l’allée centrale (voir photo ci-contre). Je m’exécutais non sans plaisir, et comme éminent signe de reconnaissance de sa part, il me confiait souvent son aube avant d’aller saluer les paroissiens sur le parvis en arc de cercle, afin que je la dépose à la sacristie en même temps que la mienne… Pour couronner le tout, nous étions abonnés malgré nous à « Servir » (vous savez, la revue des servants d’autel…) et, surtout, à des chocolats, chaque année, après la messe de minuit, qu’il nous donnait en mains propres. C’est peut-être de cette époque que je tiens mon tempérament de fonceur et ma grande affection pour les prêtres, quels qu’ils soient.

Malgré le fait que j’arrivais à peine à l’heure – il arrivait que je me glisse par derrière parmi les autres enfants de choeur – j’étais bientôt promu thuriféraire de 2ème classe, faisant retentir dans le silence religieux de l’élévation eucharistique le petit cliquetis de la chaîne de l’ostensoir plein d’encens, par trois fois trois petits coups secs, sous les yeux de l’assemblée en prière et du célébrant… Un instant de grâce !

J’étais également louveteaux, engagement dont je garde un souvenir mémorable. J’ai laissé un peu de moi-même dans nos aventures épiques, notamment un bout d’incisive, au pied d’un talus duquel j’étais tombé la tête la première… Je me souviens aussi d’avoir été kidnappé par mes chefs, pendant un grand jeu, et planqué au sommet d’un immense tas de foin au milieu des vaches normandes, avec pour toutes victuailles un sac rempli de bonbons… Notre aumônier officiel, portant la soutane, usé comme la corde, tremblait comme une feuille en célébrant sa messe, qui était belle, d’ailleurs, pleine de solennité. Il était toujours prêt à nous rendre visite malgré son vieil âge. Je lui avais promis de l’inviter à venir voir notre crèche que j’avais illuminée en y installant une petite ampoule de lampe de poche… C’était un saint, bien que l’Eglise ne l’ait pas (encore) canonisé. Quant à notre Akella (Vincent Daniel), à force de prier le saint curé d’Ars d’envoyer des prêtres, il le devint (prêtre, pas curé d’Ars !).

Et puis il avait les copains. En particulier, nos feux d’artifice nocturnes qui réveillaient les voisins, ou les virées dans la grande rade, grâce au club nautique de la marine où nous pouvions choisir nos dériveurs, mâchant des tonnes de chewing-gums et pêchant le poisson à la traîne…

J’ai quitté Cherbourg avec tristesse, selon ce proverbe connu qui nous rappelle qu’on y vient en pleurant – à cause du temps – et qu’on en repart en larmes – à cause des amis dont on se sépare. Cherbourg reste toujours Cherbourg.

« Encore une petite chose… » (Steve Jobs)

Voici un résumé des quelque 640 pages de la biographie de Steve Jobs, le fondateur d’Apple, que je viens de terminer. Déjà best-seller planétaire, ce livre retrace le parcours d’une personnalité hors du commun, qui était bien plus que le simple PDG d’une entreprise informatique, révolutionnant chaque domaine qu’il touchait.

La saga de Steve Jobs incarne d’abord le mythe de la Silicon Valley, comme le souligne son biographe : « le lancement d’une petite société dans le garage proverbial pour aboutir à l’édification d’un empire technologique ». « Jobs n’était pas inventeur au sens strict, mais un maître pour mêler idées, art et technologie et ainsi « inventer » le futur. Il avait conçu le Macintosh parce qu’il avait compris le potentiel des interfaces graphiques – ce que Xerox avait été incapable de faire – et il avait créé l’iPod, parce qu’il avait envie d’avoir mille chansons dans sa poche – ce que Sony, malgré ses atouts et son héritage, n’avait pu accomplir. Certains entrepreneurs innovent parce qu’ils ont une vision globale, d’autres parce qu’ils maîtrisent les détails. Steve Jobs faisait les deux. » On lui doit notamment :

–       l’Apple II, devenant le 1er ordinateur personnel de grande consommation (et non une machine destinée aux passionnés d’informatique)
–       Le Macintosh, initiant la révolution du micro-ordinateur (et popularisant les interfaces graphiques)
–       Toy Story et les autres succès de Pixar (dont Disney fut jaloux et qui donnèrent naissance au miracle de l’image numérique)
–       Les Appel Store, réinventant le rôle des magasins dans l’identité d’une marque
–       L’iTunes Store, donnant un nouveau souffle à l’industrie musicale
–       L’iPhone, transformant les téléphones portables en appareil multi-fonctions tactiles : baladeur, appareil photo, gestionnaire e-mail et navigateur web, ouvertes à des milliers d’applications)
–       L’App Store, créant à lui seul un nouveau secteur économique : le développement  d’applications
–       L’iPad, la tablette électronique tactile (qui lui servit de base à l’iPhone), offrant une nouvelle plateforme aux journaux, magazines, livres et vidéos numériques
–       L’iCloud, permettant de déposer sur un même « nuage », à travers différents appareils, toutes sortes de contenus.

Né le 24 février 1955 à San Francisco et mort le 5 octobre 2011 à son domicile de Palo Alto, Steve Jobs est d’abord un rescapé de l’avortement. Joanne, sa mère, venait d’une famille rurale du Wisconsin, d’origine allemande et catholique. Son père, Abdulfattah allias « John », musulman originaire de Syrie, était maître-assistant à l’université locale. Steve fut conçu lors d’un voyage à Homs. De retour aux Etats-Unis, Joanne sut qu’elle était enceinte. « Ils avaient tous les deux 23 ans mais décidèrent de ne pas se marier : le père de Joanne se mourrait et avait menacé de déshériter sa fille si elle épousait John. L’avortement était une solution compliquée dans une petite commune catholique. Alors Joanne fit un voyage à San Francisco pour consulter un médecin qui s’occupait des filles-mères, mettait leur enfant au monde et trouvaient discrètement une famille adoptive pour les adopter. »

Les parents adoptifs de Steve Jobs lui offrirent une enfance heureuse, mais il souffrit cependant toute sa vie de cette profonde blessure d’avoir été abandonné. Paul Jobs et sa femme l’emmenaient à l’église luthérienne presque tous les dimanches, mais quand il eut treize ans, en juillet 1968, le jeune Steve emporta au culte un numéro du magazine Life – dont la couverture montrait des enfants du Biafra mourant de faim – et il apostropha le pasteur :

–       Si je lève mon doigt, Dieu sait avant moi quel doit je vais lever ?
–       Oui, Dieu sait tout, répondit le pasteur.
–       Dieu est donc au courant pour ça et ce qui arrive à ces enfants ?
–       Steve, je sais que c’est difficile à comprendre, mais oui, il sait.

Faute d’une réponse plus appropriée sur le non-interventionnisme du Tout-Puissant Dieu amour, Steve déclara qu’il ne voulait plus rien savoir d’un tel Dieu, ni remettre les pieds dans une église…

Puis il s’intéressa au LSD et aux paradis artificiels en vogue dans la contre-culture de l’époque. Il se rendit plusieurs fois en Inde, se fit végétarien et amateur de jus de pomme – dont Macintosh est une variété. A partir ce moment, Steve Jobs se tourna vers la philosophie naturaliste et relativiste – autrement dit le new age – pour combler ce grand vide, ne sachant pas quel sens donner à sa vie.

Paul, son père, qui réparait des voitures à longueur de temps, lui apprit « qu’un bon artisan apporte le même soin à toutes les parties de son travail, que celles-ci soient visibles ou non ». Steve Jobs poussera plus tard ce principe à l’extrême, jusqu’à peaufiner la position des puces et des composants sur la carte mère de ses ordinateurs, balayant les objections des ingénieurs qui lui disaient « l’essentiel, c’est que cela fonctionne ». Le boîtier transparent de l’iMac lui donnerait raison un jour…

En attendant, le petit Steve s’intéressait aux auto-radios, puis à l’électronique, avec son ami Steve Wozniak, un petit génie des circuits imprimés, avec qui, bientôt, il fondra Apple.

Profondément artiste, Steve Jobs explore une nouvelle voie : « l’intersection entre les arts et la technologie. » Outre les drogues durent dont cette biographie fait parfois l’apologie, Steve Jobs tire de ses lectures et de ses rencontres « zen » l’inspiration nécessaire à ses créations. Il établira ainsi les principes du design tel qu’il l’entend (un chapitre entier du livre est consacré à cette question) : « Avant, les ingénieux disaient : voilà les entrailles de la bête, et les designers devaient de débrouiller pour faire tenir ça dans une boîte. Mais Steve Jobs répétait que le design était la clef de la réussite, qu’il devrait être à l’origine de la conception, et non l’inverse ». Pour lui, le design n’était pas un simple travail de surface, mais devait refléter l’essence du produit. L’esthétique était donc intégrée au processus de conception et de fabrication. « Il faut aller beaucoup plus loin que le minimalisme : jusqu’au cœur de la complexité du produit, pour l’épurer au maximum, et même repenser, si nécessaire, la manière de le fabriquer ». C’est ce qui aboutira au dépôt de plus de 200 brevets de fabrication, et, plus tard, à l’immense succès de l’iMac, de l’iPod, de l’iPhone et de l’iPad, à la pointe de l’innovation. Même l’alimentation des Macbook, ces petits pavés blancs avec un connecteur aimanté, étaient passées par les mains du fondateur ! Aucun détail n’était laissé au hasard.

Steve Jobs trouvait également de nouvelles idées pendant de longues promenades qui furent sa marque de fabrique, adoptant par exemple les coins arrondis des panneaux de circulation pour ses fenêtres et ses icônes, reprenant la pureté des lignes des plus beaux appareils électroménager qu’il trouvait dans les magasins, comme celles du robot mixer « Cuisinart ». Le style japonais l’attira de plus en plus et il fréquenta quelques uns de ses figures de proue : « j’ai toujours trouvé le bouddhisme, disait-il, en particulier le bouddhisme japonais – d’une beauté absolue. Mon plus grand choc esthétique, je l’ai eu en découvrant les jardins de Kyoto, j’étais impressionné par les chefs d’œuvres qu’avait produit cette culture, et cette beauté puisant sa source directement dans le bouddhisme zen. » (p.158). Il érigeait cette formule en dogme : « la simplicité est la sophistication suprême ». Cela se retrouvait dans ses produits, souvent inégalés par leur beauté et leur facilité d’utilisation. Il n’est pas étonnant que ses premiers clients furent les architectes, les graphistes et tout ceux qui sont concernés par la création artistique. On comprend mieux aussi pourquoi l’interface graphique de Mac est beaucoup plus belle que celle de Windows, à commencer par les icônes auxquelles Steve Jobs apportait une grande importance.

Avec Pixar, qu’il rachète à Georges Lucas, il révolutionna aussi l’industrie du dessin animé, volant la vedette à Disney avec des films aux graphismes époustouflants, comme Toy Story.

Steve Jobs verse aussi dans un volontarisme exacerbé, autrement appelé « champ de distorsion de la réalité », rendant même l’impossible possible. Cela lui permettait de pousser ses équipes à se surpasser. Il était aussi connu pour être colérique, manipulateur, humiliant vis-à-vis de ses collaborateurs, voire exécrable. Ce qui lui valu d’être évincé d’Apple entre de 1983 et 1997, se donnant alors une belle leçon de vie.

Mais par la suite, il donnera à Apple une véritable culture d’entreprise. « Il est inscrit dans les gênes d’Apple que la technologie à elle seule ne suffit pas, répétait-il. Nous pensons que c’est le mariage entre la technologie et les arts, la technologie et les sciences humaines, qui donne naissance à des produits capables de faire chanter notre cœur ». Son credo entrepreneurial : « de bons produits, un bon marketing, et une bonne distribution ». Il voulait ainsi concevoir « des produits qui rendent heureux ses clients » et développa une stratégie de « foyer numérique », « permettant de connecter facilement votre ordinateur de bureau à une foule d’appareils portables ». Il mit aussi au point le concept d’« intégration » pour maîtriser toute la chaine de « l’expérience utilisateur », contrairement à Microsoft qui revendait ses logiciels à des constructeurs d’ordinateurs comme Dell ou IBM.

Microsoft ? « Ils étaient très doués en matière de marketing, mais concernant leurs produits, ils ont été moins ambitieux qu’ils auraient dû, déclara Steve Jobs. Bill aime se définir comme un homme de produits, mais c’est faux. Microsoft ne fabrique que des produits de troisième ordre et Bill est un homme d’affaires. Gagner des parts de marché était plus important pour lui que réaliser des chefs d’œuvre. (…) C’est un type brillant, qui a beaucoup d’humour. Mais l’humanité et l’art ne sont pas inscrits dans les gènes de Microsoft. Même le Mac, ils n’ont pas su le copier correctement. Ils sont passés complètement à côté. » (p. 636-637)

De fait, en janvier 1984, Apple sortit le premier système d’exploitation pourvu d’une interface graphique (avec une souris) quand Microsoft en fit une pâle copie – sans les fenêtres qui se chevauchent, par exemple – via son Windows 1.0, presque deux ans plus tard.

La « philosophie marketing » d’Apple fut rédigée un jour en une page, avec trois points capitaux :

– L’empathie : « une connexion intime avec les attentes des clients » : « nous devons comprendre leurs besoins mieux que toute autre entreprise », disait Steve Jobs (p. 105). « Certains disent : ‘Donnez au client ce qu’il souhaite’, ce n’est pas mon approche.  Notre rôle est de devancer leurs désirs. Je crois qu’Henri Ford a dit un jour : « Si j’avais demandé à mes clients ce qu’ils désiraient, ils m’auraient répondu : ‘un cheval plus rapide !’ ». Les gens ne savent pas ce qu’ils veulent tant qu’ils ne l’ont pas sous les yeux, voilà pourquoi je ne m’appuie jamais sur les études de marché. » (p. 637)
– La convergence : « afin que notre travail soit le plus efficace possible, il faut éliminer toute activité secondaire. » Ainsi Steve Jobs fit souvent choisir à ses équipes un seul produit à développer, pour s’y consacrer au maximum et rester concentré dessus.
– L’incarnation : « l’opinion qu’a le public d’une marque se fait en fonction des signaux qu’elle envoie. » Ainsi Steve Jobs se souciera toujours de l’image de ses produits, jusqu’au carton d’emballage : « Les gens jugent un livre à la couverture, disait-il, nous pouvons avoir le meilleur produit du marché, la meilleure qualité, le meilleur système d’exploitation, si nous les présentons de manière merdique, tout cela sera perçu comme de la merde », disait-il abruptement. Il renouvela la publicité faite autour du lancement d’un nouveau produit. Ces derniers étaient organisés comme des cérémonies religieuses, les fameuses « grands messes d’Apple », dont s’inspirent désormais de grandes enseignes, comme l’a fait par exemple ces jours-ci Xavier Niel de Free.

Le livre revient aussi sur les rapports compliqués du fondateur d’Appel avec celui de Microsoft : « Il aurait pu être un gars plus ouvert d’esprit s’il avait pris de l’acide dans sa jeunesse ou mis les pieds dans un ashrâm hindou », disait Steve Jobs de ce dernier (p. 209). Bill Gates n’était pas rancunier et vouait une grande admiration à son rival, toujours très impressionné par les nouveaux produits qu’il sortait, comme en attestent quelques un de ses e-mails. Ils se rencontrèrent souvent et Bill Gates lui rendit même longuement visite chez lui lorsqu’il essayait de se battre contre son cancer.

La stratégie de Steve Jobs s’avéra payante sur le long terme. En mai 2000, la valeur d’Apple correspondait à 1/20e de celle de Microsoft. Dix ans plus tard, en mai 2010, Apple surpassait Microsoft, devant la société la plus rentable du secteur technologique. En septembre 2011, elle valait 70% de plus que la firme de Bill Gates…

Vers la fin de sa vie, épuisé par ses traitements – il avait d’abord essayé pendant neuf mois les médecines alternatives – Steve Jobs s’interrogea sur l’existence de Dieu et la réincarnation.  « Je crois en Dieu à 50/50, déclara-t-il. Durant la majeure partie de ma vie, j’ai toujours eu le sentiment qu’il existait un versant caché de mon existence. J’aime croire que quelque chose survit après notre trépas. Il est étrange d’accumuler toute expérience, et un peu de cette sagesse, pour que tout s’évanouisse brutalement. Alors j’ai vraiment envie de croire que quelque chose perdure… »

Canonisé aujourd’hui par le consumérisme mercantile, devenu une idole du monde contemporain au point d’être érigé en ‘sauveur’, Steve Jobs n’en garde pas moins l’étoffe des génies. « Votre temps est limité, avait-il déclaré dans son fameux discours aux jeunes diplômes de l’université de Stanford, ne le gâchez pas en menant une existence qui n’est pas la vôtre. Soyez insatiables, soyez fous ! Ne soyez pas prisonniers des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d’autrui. Ne laissez pas le brouhaha extérieur étouffer votre voix intérieure. Ayez le courage de suivre votre cœur et votre intuition. L’un et l’autre savent ce que vous voulez réellement devenir. Tout le reste est secondaire. »

KTO sur la TNT : c’est encore possible !

KTO sera très probablement candidate pour le prochain appel de candidatures à l’obtention d’une fréquence pour la Télévision Numérique Terrestre (TNT). La ‘télévision catholique’ tenue par le diocèse de Paris pourrait officialiser sa candidature fin 2011, début 2012. Six nouvelles fréquences seront attribuées et KTO a toutes ses chances d’obtenir une place dans le saint des saints du PAF. Retour en détails sur une bataille qui ne fait que commencer pour l’évangélisation par les ondes.

En octobre dernier, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a lancé un appel à candidatures pour six nouvelles chaînes gratuites de la TNT. Les candidats doivent déposer leur dossier au plus tard le 3 janvier prochain et seront audités entre le 5 et le 9 mars 2012. Les autorisations seront délivrées en mai et les chaînes auront accès au saint des saints médiatique (les ondes nationales) en automne. « C’est un beau cadeau pour les téléspectateurssoulignait récemment Le Figaro, mais c’est un casse-tête dangereux pour le marché de la télévision. Avec 25 chaînes gratuites au lieu de 18 aujourd’hui, c’est l’ensemble du paysage qui sera, une nouvelle fois, bouleversé. Le ministère de la Culture ne s’y trompe pas. Pour limiter les dégâts, il préconise la création de chaînes thématiques aux économies plus modestes que celles de mini-généralistes qui auraient besoin de ponctionner lourdement le marché publicitaire pour vivre ». Or si la crise a vu en effet l’érosion des recettes publicitaires, ce qui n’aide pas les chaînes généralistes ou mini-généralistes, KTO est une chaîne thématique qui ne vit pas de publicité, mais de dons, ce qui lui donne beaucoup d’espoir.

De plus, La Tribune révélait hier que Nicolas Sarkozy a annoncé vendredi dernier aux sages du CSA que le groupe France Télévision ne prendrait aucune nouvelle fréquence, avortant dans l’œuf le projet de passer France 5 en Haute Définition et celui de créer une chaîne pour les jeunes (Médiamétrie avait révélé que les chaînes publiques n’ont glané ‘que’ 15% de part d’audience sur les enfants durant la période avril à juin 2011). Ainsi le Président de la République donne une chance supplémentaire aux chaînes thématiques comme KTO.

La TNT, un succès en demi-teinte… qui sert KTO

Hier soir, trois chaînes de la TNT sont passées au dessus du million de téléspectateurs : W9, TMC et France 5, chacune pour la diffusion d’un film. Techniquement, la TNT est un succès : selon une étude du CSA du 5 décembre 2011, 97,6 % des foyers sont désormais connectés à la TNT, qui demeure le premier mode de réception de la télévision numérique devant la réception par ADSL (27,5 % des foyers y sont connectés), la réception par câble numérique (8,5 %), ou le satellite numérique (22,8 %). « Les grandes chaînes historiques, privées comme publiques, telles que TF1M6 et celles de France Télévisions ont vu leur audience s’éroder en six ans sous le poids de la concurrence des petites chaînes de la TNT qui ont ravi au total 23,6% de part d’audience », rappelait récemment encore Le Figaro. De plus, les petites chaînes gratuites de la TNT font également perdre l’attrait des bouquets satellites comme TPS. Les offres payantes sont en perte de vitesse : plus il y a de chaînes gratuites, estime un expert, moins il y a de raisons de s’abonner à une offre payante. Et là encore, comme la Bonne Nouvelle, KTO est gratuite. Elle apporte un supplément éthique quand la technique ne suffit pas à faire le succès d’une chaîne.

Au niveau de l’offre de contenus, la TNT a justement beaucoup de progrès à faire. Elle donne la part belle aux chaînes d’infos, aux chaînes musicales ou aux séries américaines recyclées. Le célèbre Club Averroes, qui regroupe 350 professionnels des médias, ne s’y trompe pas : dans son rapport 2010, il épingle justement la TNT pour « l’inertie de l’ensemble des grilles de programmes en matière de diversité à l’antenne ».

Le rôle du CSA

Le CSA décide du nombre de fréquences payantes ou gratuites sur la TNT selon la mission que lui assigne le législateur, que l’on peut définir ainsi : « maintenir des conditions d’une libre concurrence entre les grands opérateurs de l’audiovisuel ». Sauf exception, les petites chaînes n’ont pas voix au chapitre, ce qui est dommageable pour la diversité dans nos médias.

L’obtention d’une fréquence sur la TNT est aussi une décision politique à laquelle est associée le Premier ministre, de qui dépend la Direction des médias. D’habitude, le CSA préfère réserver une partie des fréquences de la TNT aux chaînes de sport, qui, avec la haute définition (HD), demandent plus de ressources que les chaînes classiques, notamment pour le football. Mais cette fois, le Président du CSA, Michel Boyon, appelle à « l’innovation et à la créativité des projets proposés ». Pour lui, « accorder des fréquences à des chaînes ressemblant trop à des chaînes existantes ne correspondrait ni à l’intérêt du public ni à l’évolution prévisible du marché publicitaire ». Or la chaîne KTO pourrait justement apporter « un autre son de cloche » dans une offre audiovisuelle uniforme.

De l’autre côté, les intérêts des grands opérateurs

En 2004 a été créé le HD Forum, association regroupant les professionnels de la diffusion, des constructeurs de récepteurs TV, mais aussi des grands opérateurs comme TF1, M6 ou TPS. Son but est de « promouvoir la télévision Haute Définition auprès des professionnels et du monde institutionnel ». Une commission « communication et marchés », dont le Président n’est autre que Christian de Pennart, actuel directeur général de KTO, a plus précisément pour but de « préparer des actions de communication » auprès des professionnels et du pouvoir politique. Entendre : du lobbying. Sont ainsi organisées des rencontres avec des membres du gouvernement pour favoriser l’émergence de la Haute Définition au profit des grands opérateurs. Ainsi, étaient présentes à la dernière rencontre de nombreuses personnalités comme Frédéric Mitterrand (Ministre de la Culture et de la Communication), Eric Besson (Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie) ou Rémy Pflimlin (PDG de France Télévisions).

La proposition de KTO

Loin du consumérisme mercantile, la proposition de KTO est d’offrir une vision spirituelle de la vie, des réponses, des repères à la lumière des valeurs de l’Evangile ; celles la même qui ont fait la France et l’Europe. Personne ne remplit cette mission à large échelle, alors même que de plus en plus de personnes cherchent à donner un sens à leurs vies. KTO a un caractère de service public et de service de l’intérêt général, joué par l’Eglise, ce qui rend légitime à lui seul une place sur TNT nationale. En allant sur la TNT, l’Eglise, ‘experte en humanité’ (Paul VI), veut continuer de jouer sur les ondes le rôle qu’elle joue dans la Cité, celle d’une petite lumière qui reste allumée nuit et jour. Une Eglise qui accueille (Secours catholique, etc.), qui apaise, écoute (confessions, funérailles), qui sert de médiateur (Immeubles en fête, etc.), qui éduque (écoles, préparation au mariage), qui fait grandir l’Homme pour son développement intégral (cf Benoît XVI, Caritas in veritate).

Pourquoi la TNT ?

Les bientôt 25 chaînes sur les ondes nationales resteront mille fois plus accessibles pour les Français que les milliers de chaînes ADSL, dont la plupart restent de simples tvs sur Internet, un modèle qui ne peut fonctionner en tant que tel sans la puissance du mass media. Aujourd’hui, quand on parle de Gulli, de W9, de BFM TV, ces chaines sont plus connues et ont plus de chance d’être vues par quiconque que ‘National Geographic’, ‘CCCV’, ‘RFM TV’ ou ‘Météo Channel’. Un peu comme on repère plus facilement une église dans n’importe quel village ou ville que le Temple Céleste des Archanges du 9ème jour ! Dans son exhortation sur l’évangélisation dans le monde moderne, au paragraphe consacrés aux mass media, Paul VI disait que « l’Eglise se sentirait coupable » s’il elle n’y allait pas (2). KTO est donc une réponse à cet appel de l’Eglise universelle.

« Nous voulons KTO sur la Télévision Numérique pour Tous » : bref historique

Bénéficier d’une chaîne catholique comme KTO sur les ondes de la TNT nationale est justement l’intuition géniale de son fondateur, le cardinal Jean-Marie Lustiger. Le 20 juin 2002, présentant une première fois la candidature de KTO, il se déplaçait lui-même devant les sages du CSA et leur déclarait : « Je sais que c’est un peu fou, mais j’ai l’habitude des folies qui réussissent, et je crois celle-ci nécessaire, non seulement pour le paysage télévisuel, mais aussi pour la culture française » (lire l’intégralité de sa plaidoirie toujours en ligne sur le site du CSA). KTO essuie un premier refus, mais le cardinal ne se décourage pas. Suite à l’annulation par le Conseil d’Etat des autorisations d’émettre de six chaînes de la TNT appartenant au groupe Canal+ (I-Télé, Sport+, Planète, Ciné-Cinéma Premier, Canal J et iMCM) à la suite d’une requête du groupe TF1, le CSA annonce le lancement d’un nouvel appel à candidatures afin d’attribuer les fréquences ainsi libérées. L’appel est lancé en mars 2004, KTO est à nouveau sur les rangs.

Le CSA refuse à nouveau. Sauf qu’intervient un petit évènement. Comme l’a déjà raconté le journaliste Marc Baudriller dans son livre Les réseaux cathos (1), je décide de lancer une pétition sur Internet, qui s’appellera « Nous voulons KTO », avec l’accord du directeur général de KTO de l’époque, Damien Dufour. Très vite, grâce à de nombreuses retombées médiatiques jusque dans les médias nationaux, ma pétition recueille 150.000 signatures et le soutien de nombreuses personnalités. On m’écrit depuis les ministères… Un peu plus tard, le CSA motive sa décision : « en raison de sa thématique confessionnelle, KTO vise un public restreint », ce qui donne un nouvel élan à la campagne.

Sur le front politique, un lobbying est alors lancé : une soixantaine de parlementaires, y compris d’anciens ministres, soutiennent bientôt l’initiative. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur et des cultes, est sollicité. François Fillon assure alors au créateur de la campagne que le dossier « est en cours de traitement au cabinet du ministre ». La réponse ne se fait pas attendre. Dans une réponse adressée le 13 décembre 2005 au sénateur Hubert Haenel, Nicolas Sarkozy écrit en substance : « j’ai pris bonne note de la demande de M. Jean-Baptiste Maillard d’intervenir auprès du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel pour qu’il reconsidère sa décision de refus d’attribuer une fréquence nationale sur la TNT à la chaîne de télévision KTO, mais cette affaire relève de la compétence du CSA, à qui je transmets votre correspondance. » Le Chef adjoint du Cabinet de la Présidence de la République fait savoir que M. Jacques Chirac a pris également connaissance « avec attention » des préoccupations de « Nous voulons KTO » et qu’il les a signalées au ministre de la Culture et de la Communication. S’exprimant à l’issue d’une réunion à l’Elysée avec les représentants des chaînes de télévision nationale et de la TNT, le chef de l’Etat a souhaité que la loi de 1986 sur l’audiovisuel soit modifiée « pour inscrire la lutte contre les discriminations et pour la cohésion sociale dans les objectifs, les missions et les obligations du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel ». On est alors à moins d’un an du lancement de la campagne présidentielle de 2007… Lors d’un colloque de son parti consacré aux institutions et la proposition d’une VIème République, le président de l’UDF François Bayrou, qui soutient également KTO sur la TNT, s’est prononcé pour une réforme des autorités de contrôle, dont le CSA, « pour que leurs membres fassent l’objet d’un vote de confirmation du Parlement et qu’elles puissent être saisies directement par les citoyens ».

Devant cette vaste mobilisation, le président de KTO, Vincent Redier, dépose in extremis une requête devant le Conseil d’Etat. Quelques mois plus tard, le 21 septembre 2007, coup de théâtre (auquel on pouvait s’attendre) : suivant l’argumentation développée par Maître François-Henri Briard, le Conseil d’Etat annule la décision du CSA de juillet 2005 refusant à la chaîne chrétienne une fréquence sur la TNT. La décision du Conseil d’Etat est la suivante : « En déduisant du seul caractère confessionnel de la thématique proposée par la chaine KTO que ce service s’adressait nécessairement à un public restreint et ne pouvait donc, en toutes hypothèses, satisfaire un seul des critères de sélection entre candidats définis par la loi du 30 septembre 1986 modifiée, alors au surplus que celle-ci énonce non pas un seul critère, mais plusieurs, tirés notamment des articles 29 et 30 de cette loi, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a entaché sa décision d’erreur de droit ; que par suite KTO est fondée à demander l’annulation de la décision attaquée. »

Cette bonne nouvelle est alors saluée par le journal La Croix comme étant une « victoire morale » qui permet de faire jurisprudence pour les médias confessionnels : il n’est plus possible aujourd’hui d’affirmer qu’un média, étant confessionnel, vise un public restreint. Mieux encore : l’annulation par le Conseil d’Etat de la décision du CSA permet à KTO de demander aux sages un réexamen de sa candidature pour une fréquence TNT, et ceci même si tous les canaux sont déjà pris par d’autres opérateurs.

Premier abandon

En 2007, KTO annonce sur son site Internet qu’elle ne « visait plus la TNT pour le moment ». En effet, justifiant un ticket d’entrée très élevé pour la TNT (6 millions d’euros minimum), elle estime que « ce budget excède à lui seul l’ensemble du budget de KTO ». Pourtant, selon de nombreux experts de l’audiovisuel, une fréquence TNT sur les ondes nationales permettrait de multiplier considérablement la puissance des appels aux dons, comme le font de nombreux médias d’évangélisation à travers le monde. C’est notamment le cas de la chaîne Cançao Nova, au Brésil, qui bénéficie d’une fréquence nationale. En France, l’émission du Jour du Seigneur sur France 2 le dimanche matin, diffusée au moyen de la TNT, ne se prive pas non plus d’appels aux dons, avec de nombreuses retombées. Le fundraising est de fait le moyen le plus efficace pour les associations de se développer et l’on ne peut que se féliciter que KTO ait su changer son modèle économique en 2006 pour adopter ce dernier. On peut aussi raisonnablement considérer que ce n’est jamais l’argent qui est réellement un frein pour de tels projets. Le diocèse de Paris, de qui dépend KTO, n’a-t-il pas su récolter 50 millions d’euros auprès de grands donateurs pour la réhabilitation du Collège des Bernardins ?

Nouveaux frétillements

Plus récemment, la chaîne a fait réaliser une étude par des experts qui affirment que le préjudice subi par la décision du CSA privant jusqu’ici KTO d’une fréquence sur la TNT s’élèverait à 165 millions d’euros. KTO a donc saisi les juges pour demander à l’Etat de lui reverser cette somme, qui lui permettrait non seulement de s’offrir le ticket d’entrée sur la TNT, mais d’y se maintenir sans difficultés financières pendant environ douze ans si l’on tient compte de son budget actuel ! En toute logique, cette somme serait dédiée au financement d’une fréquence TNT, comme tous les dons reçu dans ce but. Cela éviterait aussi à la chaîne d’organiser une nouvelle levée de fonds pour tenter l’aventure de la TNT sur un temps plus court, ad experimentum.

Perspectives futures

Finalement, être sur la TNT répondrait à l’Evangile : « On allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur le lampadaire, et elle éclaire toute la maison » (Mt 5,15). De la même façon, nous pourrions dire, on ne crée pas une chaîne de télévision catholique pour la mettre au 164e rang des chaînes de la Freebox, mais on la met sur la TNT, pour qu’elle inonde les toits de France de la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu. Cet objectif mérite toute notre attention.

De plus, lorsqu’on regarde les crises médiatiques que l’Eglise subit, on ne peut qu’en être convaincu. Si KTO est bien candidate en 2012, arriver sur la TNT lui demandera aussi d’améliorer son management (la chaîne connaît un très lourd turnover) et de faire évoluer sa ligne éditoriale pour toucher un plus vaste public, à l’échelle nationale, sans oublier les non-cathos. Que ce soit KTO ou le Jour du Seigneur, il reste urgent de disposer d’une chaîne chrétienne sur les ondes de la TNT, pour l’annonce de l’Evangile.

(1) Marc Baudriller, Les réseaux cathos, Editions Robert Laffont, 2010 ; lire aussi Dieu et Internet, 40 questions pour mettre le feu au web, Editions des Béatitudes, octobre 2011.
(2) Paul VI, exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi sur l’évangélisation dans le monde moderne, §45

Intouchables : une magistrale leçon d’humanité

 

Hier soir, je suis allé voir Intouchables au cinéma. C’est une petite merveille d’une heure 50, qui explique à elle seule son succès. A peine deux semaines après sa sortie en salle, 5,3 millions de spectateurs sont déjà allés la voir, et la fréquentation est en hausse de 45 % ! A titre de comparaison, Des hommes et des Dieux avait réalisé dans le même temps 950.000 d’entrées en 2010. Intouchables s’invite même sur le podium du box-office 2011, devant le Tintin de Spielberg, juste derrière Rien à déclarer et Harry Potter. Selon Allociné, cela est dû en premier lieu à bouche-à-oreille incroyablement performant. Bonne nouvelle pour le film : selon un sondage Ifop pour Radio Alouette, 68% des spectateurs comptent le revoir.

Loin des super-productions américaines du moment (Immortels, le Chat potté, Contagion), des thrillers aux sujets vus et revus (La casse de Central Park, Time out), des histoires de voyous aux excès en tout genre (Les Lyonnais, Rhum express) ou des comédies made in France aux thèmes déjà usés jusqu’à la corde (L’art d’aimer, Mon pire cauchemar, On ne choisit pas sa famille), c’est une bouffée d’air frais dans une période troublée, un remonte-moral qui donne du baume au cœur, et pour tout dire, beaucoup d’espoir pour les personnes qui vivent des situations difficiles, quelque soit leur milieu.

Le scénario – adapté d’une histoire vraie – est celui d’une rencontre providentielle entre Philippe, une personne tétraplégique à la suite d’un accident (François Cluzet, aussi riche de ses faiblesses que de son compte en banque) et Driss (Omar Sy) jeune des banlieues, pour qui la mère adoptive dit avoir « beaucoup prié ». Vœu exaucé par Dieu ? Ce dernier a été choisi comme aide-soignant par le riche aristocrate, non pas en fonction de son expérience (il n’a pas de diplôme et on découvrira plus tard qu’il sort de prison !) mais parce que l’entretien d’embauche – une scène culte – vire au burlesque totalement désopilant. Le film rappelle d’ailleurs une autre rencontre, celle d’un orthophoniste anticonformiste et du futur roi d’Angleterre atteint de bégaiement, à la veille de la Seconde Guerre mondiale (Le discours d’un roi), le tragique et le solennel en moins.

Dans Intouchables, le ton est décomplexé, les spectateurs rient beaucoup. Pas de gags de bas étages ou de pitié mal placée – ce qu’ont voulu à tout prix éviter les réalisateurs – mais des plaisanteries saines et inattendues, dans des scènes qui s’enchaînent en laissant à peine le temps de respirer. Touchant de simplicité, l’aide-soignant provoque des comiques de situation qui resteront d’anthologie. Comme cette sortie à l’opéra où il s’exclame à haute voix, amusé et dubitatif : « Un arbre qui chante ! C’est quoi ce délire ? ». La présence d’un jeune de banlieue campant dans un bel hôtel particulier parisien habité par un homme à l’âme de poète, amateur d’art, accentue encore l’effet décalé.

Pour Patrick Pelègre, docteur en sociologie, « le film montre qu’un passage peut être trouvé au-delà de l’impasse, ici celle du handicap ou de la position sociale. Les gens ont besoin de respirer, de trouver de l’espace. »

Emmanuel Bon, secrétaire général de l’Association des paralysés de France, ne s’y trompe pas : « c’est le regard de l’autre, celui qui entre l’aidant et l’aidé, qui se dégage du film. Une manière positive de considérer l’autre en tant que personnes. »

Charles Gardou, anthropologue spécialisé dans les situations de handicap et professeur à l’université de Lyon II, trouve quant à lui que le film « rapproche, par la fragilité, deux mondes qui s’ignorent dans une société qui scinde ; il nous fait rire de bon cœur en posant la réalité du handicap dans la pitié écrasante qui empêche l’autre d’exister, il fait une très belle distinction entre vivre et exister ».

5% des bénéfices du film iront d’ailleurs à l’association Simon de Cyrène, qui encourage la cohabitation résidentielle entre personnes handicapées et valides (son président d’honneur n’est autre que Philippe Pozzo di Borgo, celui qui a vécu cette histoire). Le fondateur de cette association, Laurent de Cherisey, catholique convaincu, a déclaré à l’AFP : « Ce film est une force de vie qui irradie la France et un beau remède contre la crise ! Il touche à l’essentiel : la relation à l’autre dans nos fragilités. Il met en lumière le paradoxe entre une société où il faut être performant et notre fragilité individuelle et collective, économique, sociale, psychique. C’est dans nos fragilités et nos failles que nous sommes féconds, lorsque nous osons conjuguer les différences en dépassant nos peurs ».

Pour Arnaud de Bosca, secrétaire général de la Fédération des accidentés de la vie (Fnath), Intouchables est avant tout une « très bonne comédie qui traite d’un sujet avec avec beaucoup d’humanité et qui a le mérite de sensibiliser le public à la question du handicap en suscitant de l’espoir. C’est aussi la rencontre entre deux milieux totalement différents et deux formes de discrimination, un film qui montre comment on peut redonner le goût de vivre et la confiance à quelqu’un au-delà de l’isolement et de la solitude ».

Reste une question : pourquoi ce titre ? Nos deux héros sont-ils intouchables parce qu’ils sont libres des conventions, parce qu’ils sont vraiment eux-mêmes ? Au spectateur de répondre. Avec Intouchables, les personnes handicapées se sentent vraiment comprises, respectées et aimées. De l’échange des protagonistes, par un don de soi-même partagé, née la conviction qu’on peut lancer des ponts. Même les banlieues respirent !

Donc un film à la fois élevé et accessible, touchant et humain, une magistrale leçon humanité.

La bande-annonce :

 

 

Steve Jobs et Pie XII, même combat !

 

 

 

Quelle joie de découvrir, le mois dernier, les médias du Vatican saluer en Steve Jobs « un talent, un pur talent ». Et ceux-ci de le comparer avec Pie XII qui attachait beaucoup d’importance à la communication !

Dieu merci, ils ne sont pas allés jusqu’à affirmer, comme le gratuit 20 minutes en des termes religieux, que nous assistions à la mort d’ « un prophète », d’une « figure christique », d’un « esprit vivant », « omniscient », « omniprésent ». Ni jusqu’à rappeler – on l’ignorait peut-être encore – que Steve Jobs avait refusé de se soigner normalement pendant les neufs premiers mois de son cancer, essayant les médecines alternatives et le spiritisme, réticent à ce que son corps soit « ouvert » (lire cet article)…

Cependant, l’Osservatore Romano (le journal officiel du Vatican), a déclaré : « Steve Jobs a été un des protagonistes et des symboles de la Silicon Valley. Révolution informatique, certes, mais aussi révolution des coutumes, des mentalités, des cultures. Trop jeune pour 68 et trop vieux pour Facebook, Jobs a été un visionnaire, un visionnaire qui a uni technologie et art. Il n’était ni technicien, ni entrepreneur. Ni designer ni mathématicien. Pirate ou pionnier ? L’histoire le dira. Pour le moment, ses créations géniales demeurent. »

Le quotidien cite aussi la réaction du président américain Barack Obama : « Steve était l’un des plus grands inventeurs américains, assez courageux pour penser différemment, assez audacieux pour croire qu’il pouvait changer le monde, et assez talentueux pour le faire ». (Bien sûr, comme je l’ai écrit ici, Steve Jobs n’a pas vraiment changé le monde, seul l’amour de Dieu ayant ce potentiel !).

Sur Radio Vatican, le Père Antonio Spadaro, directeur de la Cité catholique et expert des nouvelles technologies de la communication, a estimé que la plus grande contribution apportée par Steve Jobs est celle d’avoir « pensé la technologie comme partie intégrante de la vie ». Pour ce dernier, « la technologie n’est pas quelque chose de réservé aux techniciens : sa passion pour l’interface graphique, pour le design signifie que les instruments, les choses, les objets ont vocation à s’intégrer à notre vie de tous les jours. C’est une des plus grandes contributions de Steve Jobs à la compréhension de la technologie dans le monde moderne », a-t-il estimé.

En rappelant la signature des Accords du Latran en 1929, chéris par Pie XII, qui permirent notamment au Vatican de bénéficier d’une gare, d’une radio, d’un journal et d’une télévision avec le droit d’émettre, le père jésuite a ainsi osé ce rapprochement entre Pie XII et Steve Jobs : « Steve Jobs avait quelque chose en commun avec Pie XII, il a compris que la communication est la plus grande valeur que nous ayons aujourd’hui à disposition et que nous devons exploiter. En lui, je dirais que s’est unie une capacité d’innovation et une grande capacité créative ».

Mais qu’a donc fait Pie XII pour la communication de l’Eglise ? Outre l’impulsion qu’il donna à Radio Vatican, comme Secrétaire d’Etat puis comme pape, il a publié en 1957 une lettre encyclique sur le thème du cinéma, de la radio et de la télévision, intitulée « les merveilleux progrès » (1). Il écrivait ainsi : « Les merveilleux progrès techniques, dont se glorifie notre époque sont assurément les fruits du génie et du travail de l’homme, mais ils sont d’abord des dons de Dieu, notre Créateur, de qui dérive toute bonne œuvre. »

Aussi Internet et Apple seraient aujourd’hui pour Pie XII des dons de Dieu, à travers leurs géniaux inventeurs. Pie XII détaillait aussi dans ce texte les « motifs qu’à l’Eglise de s’intéresser » aux « merveilleux progrès techniques » que sont ces nouveaux supports. Il s’agit, bien sûr, de la mission première de l’Eglise, l’évangélisation. « L’Eglise a elle-même, pour des motifs plus impérieux que tous les autres, expliquait-il, un message à transmettre aux hommes, le message du salut éternel, message d’une richesse et d’une forces incomparables, message enfin que les hommes de toute nation et de toute époque doivent recevoir et accepter selon les paroles de l’apôtre des nations. » Et de reprendre les mots mêmes de Saint Paul : « A moi, le plus petit de tous les saints a été confiée cette grâce d’annoncer aux Gentils les insondables richesses du Christ de montrer à tous le développement du mystère enfermé depuis l’origine, en Dieu qui a tout créé ».

Pie XII ne s’est pas arrêté là, il a souvent contribué à la réflexion de l’Eglise sur les questions de communication. Par exemple, en avril 1946, il appelait les journalistes à la loyauté vis-à-vis de la vérité et expliquait que celle-ci est exempte de passion, qu’elle n’est pas partisane (lire ce billet). Il a ainsi ouvert la voie à son successeur, Paul VI, qui publiera en 1963 le décret de Vatican II « les mirifiques inventions techniques » sur les moyens de communication sociale (2), dont Benoît XVI parle souvent aujourd’hui.

Personnellement, c’est Pie XII qui m’a fait tombé dans l’évangélisation en 2002, grâce à un film de Costa-Gavras, en créant Pie12.com, 1er site sur la question, comme je le raconte dans mon nouveau livre, Dieu et Internet (3). Amen !

Notes

(1) Pie XII, encyclique Miranda Prorsus sur le cinéma, la radio et la télévision (sur le site du Vatican)
(2) Paul VI, décret Inter mirifica sur les moyens de communication sociale (sur le site du Vatican)
(3) Dieu et Internet, 40 questions pour mettre le feu au web, Editions des Béatitudes, octobre 2011. Plus d’infos : www.dieuetinternet.com.

 

J’ai fait un rêve…

Une femme nommée Marie, spectacle de Robert Hossein à Lourdes l

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comment réagir de façon missionnaire à Golgota Picnic, en décembre prochain ?

J’ai fait un rêve, c’est celui-ci : qu’à la prochaine pièce de théâtre qui puisse être interprétée par endroit comme non respectueuse de la foi des chrétiens, nous n’allions pas manifester sur le lieu du crime de lèse-cathos, mais que nous inventions autre chose.

J’ai rêvé que nous ne nous mettions pas à genoux sur la voie publique avec ostentation, brandissant chapelets ou crucifix, exhortant péniblement l’expiation des péchés des autres.

J’ai rêvé que nous n’entonnions pas non plus des chants en latin incompréhensibles du vulgum pecus, que nous nous imposions pas comme victimes quand le metteur en scène parle de malentendu.

J’ai rêvé que nous ne nous rêvions pas en premiers chrétiens, en martyrs, ni en derniers des Mohicans dans une France pure, 100% chrétienne, comme moi, comme le Bon Dieu d’ailleurs !

J’ai rêvé aussi que ces accoutrements ne donnaient pas lieu à plus de 200 articles de presse en moins de 15 jours, jusqu’à permettre d’amalgamer, comme sur une pleine page de 20 Minutes édition nationale vendredi dernier, catholiques et salafistes avec une pincée de cendres tirées des ruines de Charly Hebdo…

J’ai rêvé que nous n’étions ni dans une posture défensive, ni de riposte soi disant ‘catholique’ à coups de bazookas, ni dans les salons beiges intransigeants, ni dans la nostalgie d’une chrétienté évanouie, mais bien en 2011, ancrés dans la réalité d’une France sécularisée et qui pourtant cherche son sauveur, plus que jamais.

J’ai enfin rêvé que nous n’allions pas sur le terrain miné de la contestation urbaine où les cars de CRS nous attendent et qu’au contraire, nous préférions la mission de rue, ouverte, à l’écoute, en dialogue, pour une annonce explicite et tout autant respectueuse de chacun.

J’ai donc rêvé d’un spectacle sur le parvis de nos cathédrales, une pièce de théâtre, un son et lumière, ou une comédie musicale comme nous en avons le secret. Même les artificiers et géniaux inventeurs du Puy-du-Fou apportaient leurs concours pour un moment lumineux, éblouissant, dont chacun se souviendrait longtemps !

J’ai rêvé alors que nos artistes, comme les Ricour, Lonsdale, Hossein, Brunor, Hartner, Grzybowski, Mallet, Riche, Pouzin et leurs amis composaient ensemble le spectacle du siècle pour témoigner de l’amour de Dieu. Qu’alors les Prémare, Plunkett, Barjot et autres se mettaient ensemble aux commandes de la communication. Qu’avec l’appui des bloggueurs Sacristains, Koztoujours, Grosjean et tous les autres, le buzz était lancé sur Internet. Et les réseaux sociaux en émoi bouillonnaient à cette annonce, même chez les encore-athées !

La Croix, Pèlerin, La Vie, Famille Chrétienne, Homme Nouveau, annonçaient les représentations, retransmises par les KTO, JDS, RCF, Radio Notre Dame et Espérance, main dans la main. On aurait dit une réponse respectant la règle des 4 « p » énoncée par l’Opus Dei au moment du Da Vinci Code : être positifs, professionnels, polis, et patients. On pouvait rajouter : à l’écoute des aspirations de nos contemporains sur Dieu, la foi, l’Eglise, la souffrance… et c’était faire « de la limonade avec du citron ». Nos contemporains en étanchaient une partie de leur soif, de leurs questions existentielles.

Prêtant main forte, les communautés nouvelles comme Aïn Karem, mais aussi les Anuncio, Jeunesse lumière, Schools of Mission ou aumôneries envoyaient des groupes de missionnaires des rues autour de ces scènes publiques pour parler avec les non-croyants. Des ‘priants’ issus des groupes de prière, encadrés par leurs aînés, proposaient d’intercéder pour ces personnes ou de recevoir leurs intentions, portées à la prière commune des chrétiens jusqu’au sommet de nos célébrations.

Et puis j’ai enfin rêvé que les évêques eux-mêmes, à la lecture du programme, donnaient leur bénédiction à cette mission d’évangélisation aussi joyeuse que prometteuse.

Sur le concept du visage du fils de Dieu : suite et fin

 

Suite à de nombreuses réactions, un document de synthèse…

L’affaire du Théâtre de la Ville n’en finit plus de faire des vagues. Ils étaient encore là dimanche soir, à chanter des chants royalistes comme « les bleus sont là le canon gronde », arborer des bannières « La France est chrétienne » (ce qui n’est plus le cas depuis longtemps), ou crier des slogans au porte-voix comme « Nous sommes là pour vous faire expier vos péchés ».

Programmée depuis longtemps au théâtre parisien le « 104 » du 2 au 6 novembre, la pièce continue d’être jouée, et les manifestations s’y sont déplacées, sous l’impulsion notamment d’Alain Escada, le secrétaire général de Civitas, groupuscule dont le but affiché est « d’établir la royauté sociale du Christ ». Quand on sait que l’entreprise chargée de la sécurité de ce théâtre serait dirigée par un ancien du GUD, groupuscule d’extrême droite (« Groupe d’union défense »), cela promet… D’ailleurs, comme dans l’affaire du « kiss in » de Lyon, la presse révèle déjà la participation de ces militants du GUD, en blousons noirs, ainsi qu’un ex-membre du FN, connu pour ses saluts nazis.

Présent également, le « Renouveau français » (rien à voir avec le renouveau charismatique !), créé en 2005, qui regroupe une centaine de jeunes : leur fondateur, Thibaut de Chassey, qualifie leur nationalisme comme « classique, sans concession, d’inspiration contre-révolutionnaire et catholique » (sic). Une intransigeance qui fait peur et qui monte à droite de la droite…

Patrice de Plunkett, qui était déjà monté au créneau lors du kiss in de Lyon, (lire ‘Du bon usage de la protestation catholique‘) rappelle « l’ahurissante apparition du curé du Chardonnet déguisé en cheikh arabe : comme si le sujet de ce rallye place du Châtelet avait été le ‘combat contre l’islam’, idée fixe n° 1 de ce milieu) ». Il relate également cette belle contradiction : un groupe islamiste, Forsane Aliza, soutient à son tour les manifestations !

Bref, ce contre-témoignage de certains manifestants fait du mal à l’Eglise, dont d’ailleurs bon nombre d’entre eux sont séparés depuis le chisme de Mgr Lefebvre. Donner des battons pour se faire battre, est-ce une attitude louable et judicieuse ?

Comme nous l’avions dit ici la semaine dernière, c’est un spectacle désolant donné aux médias, dont ils font largement écho, et on pouvait s’y attendre. Rien que dans le numéro de ce jour du gratuit 20 minutes, deux articles font référence à ces événements et annoncent grâce à eux une autre pièce, Golgota Pic nic, faite celle-ci dans un esprit de provocation (et revendiqué comme tel), à laquelle il faudra trouver une réponse adaptée.

« Merci au cardinal Vingt-Trois »

Le vendredi 28 octobre, une première réaction fut celle de Mgr Aupetit, vicaire général du diocèse de Paris, sur Radio Notre Dame, à l’occasion de sa chronique hebdomadaire, à écouter directement ici :

« Je crois que cette action violente n’est pas adaptée à la situation, a-t-il affirmé sereinement. Qu’auraient-ils fait, ces jeunes gens, le soir du jeudi saint et le vendredi saint, quand Jésus fut réellement bafoué, couvert de crachas et flagellé à mort, auraient-ils tiré leur épée du fourreau comme Pierre qui s’est entendu dire par Jésus lui-même : celui qui prend l’épée périra par l’épée. Cette pièce manifeste l’immense désespoir des hommes devant leur déchéance, dont Dieu paraît absent. (…) Elle suscite une véritable réponse chrétienne. »

Dans le même temps, un proche du diocèse de Paris, que j’avais informé de mon premier billet, me répondait en soulevant la question de l’opportunité du chapelet dans la rue quand il semble être proclamé avec ostentation à l’intention des personnes en face. Il m’écrivait : « Vous avez raison d’insister sur l’inefficacité médiatique (très mauvaises image des cathos et des croyants) et générale : publicité énorme du spectacle qui fait le plein et dont les représentations ne sont pas annulées. Si je voulais laisser un commentaire, je demanderais : des belles prières par des jeunes joyeux dans la rue, c’est bien. Mais alors pourquoi cette consigne de Jésus, la seule formulée à la forme négative ce me semble concernant la prière : « Quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites qui aiment à se planter dans les synagogues et les carrefours afin qu’on les voie » (Mt 6,5). Ne peut-on pas inventer d’autres modes d’action si l’on est jeune et joyeux ? »

Un commentaire sur un blog relevait en effet avec justesse « cette façon de s’agenouiller en se prenant pour successeurs des premiers chrétiens dans les arènes »… Sur la photo de ce billet, on peut voir aussi une jeune fille, porte-voix dans une main, chapelet brandit dans l’autre. Manifester et prier le chapelet, n’est-ce justement pas un mélange des genres ?

Manifestations contre la “christianophobie”

Le samedi 29 octobre au matin, alors qu’allait avoir lieu en fin d’après-midi une manifestation contre la « christianophobie », le cardinal Vingt-Trois montait au créneau sur Radio Notre Dame pour dénoncer « des manifestations de violence » et appeler en substance à « ne pas servir de masses de manœuvres (…) à des groupuscules très politisés qui agissent sans mandat de l’Eglise ».

Ecoutez directement l’extrait concerné :

« L’authenticité de la foi n’est pas de s’imposer par la violence », a ainsi affirmé l’archevêque de Paris, bientôt repris par des journaux comme La Croix et salué par de nombreux blogs avec des « Merci au cardinal ».

S’il ne se prononce pas sur le fond de la pièce de l’Italien Romeo Castellucci, qu’il n’a « pas vue », il a en revanche affirmé que les manifestants appartenaient à « un groupuscule rattaché au mouvement lefebvriste », et ne disposant d’« aucun mandat » pour se réclamer de l’Église catholique. « On ne fait pas un appel à la liberté en jetant des œufs pourris sur les gens ou de l’huile de vidange », a-t-il martelé, en référence aux incidents qui ont émaillé la première représentation de la pièce. Certains manifestants avaient alors jeté sur les spectateurs des œufs ou de l’huile de vidange. « On est en face de gens qui sont organisés pour des manifestations de violence, et pour obtenir, ce qu’ils ont obtenu d’ailleurs, une place dans les journaux », a jugé l’archevêque de Paris. Ce sont des arguments que j’utilisais jeudi ici même : en effet, ces manifs ont donné à la pièce une gigantesque couverture médiatique, en effet la violence est présente, même si elle n’est pas le fait de tous les manifestants. Interrogé enfin sur la « bonne foi » des manifestants, Mgr Vingt-Trois a fait la différence entre « les gens qui sont conscients de la stratégie » et « ce que Lénine appelait les idiots sympathiques qui servent de masses de manœuvre. (…) Ce n’est pas parce qu’ils sont de bonne foi que ce qu’ils font est juste », a ajouté l’archevêque de Paris. Il a aussi estimé que « leur appartenance à des groupes très politisés et très militants, y compris sur le plan religieux, ne favorise pas leur formation mais au contraire les déforme. »

Quid du soutien affiché d’autres évêques ? Il est possible que, contactés par Civitas, ils aient été piégés en soutenant officiellement ces manifestations, sans savoir ce qu’il en était vraiment. Un de ces évêques a tout de même souligné la nécessité de ne pas « user de violence », ce qui n’a pas été toujours entendu. Reviendront-ils pour autant sur leurs déclarations en se rangeant à l’avis de l’évêque ordinaire du lieu ?

On peut ne pas être d’accord avec l’archevêque de Paris, mais qui d’autre est le mieux ‘placé’ (!) pour discerner si ces manifestions sont justifiées ou non, et si la réponse est adéquate ? Nous, catholiques fidèles à Rome, nous devons apprendre à rester dans l’obéissance quand il s’agit d’une conduite commune à adopter, en faisant nôtre ce verset de l’Evangile : « qu’ils soient un pour que le monde croit que tu m’as envoyé » (Jean 17). Nous devons nous situer publiquement non pas en opposition avec nos pasteurs, mais en communion avec eux, pour ne pas trahir l’unité de l’Eglise, ou pire encore faire le jeu du diviseur.

Quitte à écrire à nos évêques, personnellement, si nous ne sommes pas d’accord. Notre devoir est bien de réfléchir sur la meilleure attitude à adopter, pas de foncer tête baissée. L’attitude proposée par le cardinal Vingt-Trois, comme Président de la Conférence des évêques de France, ou par son entourage, doit nous interroger, sans cléricalisme et avec bienveillance.

Une pièce vraiment « blasphématoire » ? Des cathos témoignent…

Le caractère blasphématoire de la pièce reste encore à démontrer. En effet, « Sur le concept du visage du Fils de Dieu » est très éloigné de Golgota Pic nic, malgré l’amalgame qui a pu être fait, consciemment ou non. Nous en parlions ici. Comme le rappelle encore Patrice de Plunkett sur son blog, il y a un énorme malentendu, dont Castelluci s’insurgeait dans cet interview au Monde. « A lire ces propos de Castellucci, commente le journaliste-écrivain, on voit à quel point les manifestants sont hors sujet. Ils n’ont pas vu la pièce. Leurs quelques supporters prêtres ne l’ont pas vue non plus. Castellucci est typiquement quelqu’un qui « demande compte » à l’Eglise de l’espérance qui est en elle. L’Eglise lui répond-elle sur ce terrain et sous ce mode (évangélique) ? Oui en Italie, en Pologne, et même en France, à Avignon, où les bénédictins sont venus discuter avec Castellucci – il leur rend hommage dans son entretien. Mais pas à Paris… Dans la capitale, la visibilité catholique est squattée par les récents exclus du FN, désormais à la recherche de choses à faire. Puis-je me permettre de demander aux Bernardins et à l’archidiocèse ce qu’on attend pour rétablir la situation ? »

Or depuis, des cathos ont vu la pièce. L’abbé Pierre-Hervé Grosjean (Padreblog.fr), prêtre du diocèse de Versailles, nous a rendu un grand service : il est allé la voir. Il révèle du même coup un aspect de la manipulation. Voici son témoignage donné tout d’abord au Forum catholique, repris sur de nombreux blogs :

« On peut aimer ou pas. On peut critiquer la mise en scène. Mais je l’affirme: je n’y ai pas vu d’intention blasphématoire. J’en suis même sorti bousculé, marqué. Elle appelle à une vraie réflexion sur la souffrance, sur la compassion de ce fils pour ce vieux père. Compassion du Fils pour notre vieille humanité souillée. Encore une fois, on peut la discuter. Ne pas aimer du tout. Mais je demande à ceux qui hurlent au blasphème : l’avez vous vu jouée ?jusqu’au bout ? Jusqu’à ces derniers mots sur lesquels on termine : “tu es mon berger” Mot lumineux, qui prennent le dessus sur le “not” qui s’insère comme le doute peut parfois attaquer notre confiance.

J’en veux à ceux qui nous ont instrumentalisés. J’en veux à ceux qui ont envoyé des jeunes au casse pipe. J’en veux à ceux qui se servent de tout cela pour se faire de la pub…

Dans la salle, ce soir, trois jeunes tradis étaient là, venus pour foutre le bazar. j’en connaissais un que j’avais donc repéré dans la file d’attente. Par sms, je lui ai dit : “attends, regarde, écoute… puis juge en conscience”. Ils ont rien fait finalement. à la sortie, ils m’ont dit : “on se sent trahis, on nous a menti en criant au blasphème, on a été manipulés. L’abbé X… et l’abbé Y….. nous ont poussé à y aller pour interrompre le spectacle, en nous disant que nos frais de justice seraient payés… On a été manipulés”.

Il est urgent qu’on prenne le temps de réfléchir à notre façon d’être catholiques dans ce monde. Pour ne pas nous tromper de combat. Pour ne pas se laisser divisés.

C’est mon humble avis. L’honnêteté intellectuelle m’oblige à le dire. Qu’on ne se fasse pas de procès en catholicité les uns les autres. Je respecte ceux qui auraient été choqués par la pièce. J’ai un peu de mal à comprendre ceux qui affirment fortement un jugement aussi grave que l’accusation de blasphème, sans l’avoir vue. En tout cas, cette accusation doit être nuancée : le blasphème n’est en rien évident ».

Une autre catholique, Myriam Picard, membre de Riposte Laïque, écrit une tribune pour Nouvelles de France, un site traditionnaliste qui émet aussi des réserves sur ces manifestations :

« J’ai 26 ans, je suis catholique et je sors du Théâtre de la Ville. J’en sors troublée, infiniment. J’ai pris une claque dans la gueule. Pas une claque de génie, non. Castellucci n’est ni Claudel ni Dostoïevsky. Il se contente de mettre sous nos yeux une scène, une scène infiniment banale et brutale, quotidienne, atrocement classique et sordide : un fils s’occupe de son père qui se souillera trois fois. C’est tout. Le texte ? Rien du tout, un échange basique qu’un adolescent rédigerait aisément. Le seul intérêt de la pièce : le visage du Christ s’y trouve en permanence, interrogation et réponse silencieuse dans ce face à face du vieillard qui se venge sur Dieu de sa déchéance, et de ce Christ qui porte les stigmates, sur son visage, du péché de cet homme. Merde ou crachats, peu importe : le Christ endosse ce désespoir et cette solitude et prévaut du début à la fin de la pièce (…)

A la sortie du théâtre, j’ai discuté avec deux femmes, une athée et une juive agnostique. Les deux étaient troublées, les deux m’ont dit avoir trouvé la pièce profondément chrétienne. Juste avant le spectacle, j’avais interrogé un trentenaire qui m’avouait venir voir la pièce pour la deuxième fois : férocement athée depuis des années, il avait « reçu un choc » une première fois et pris conscience que « le christianisme, en fait, ça a peut-être un sens ». Il voulait vérifier cette impression, courageusement, car elle ébranlait des années de combat forcené contre la foi.

Quant à moi, oui, je l’affirme, cette pièce m’a conduite encore plus au Christ… La froideur terrible de cette scène de théâtre où le mobilier suinte la solitude et la mort, cette froideur bousculée par l’incontinence du père et par l’amour de son fils qui se démène pour le soigner et réconforter, cette froideur dominée par la lumière et la puissance qui se dégage du Christ de Messine m’aura renvoyée à deux choses : l’apparente vacuité de notre vie terrestre – tout particulièrement à notre époque – et le seul sens, la seule question qui peuvent y être opposés : le Christ. Le Berger. My shepherd”. »

Il est intéressant de noter que nombre de traditionnalistes catholiques (et même des lefbvristes intégristes) commencent ainsi à douter du bien-fondé de ces manifestations. Comme Jacques de Guillebon, catholique de sensibilité traditionnelle, qui publie une autre tribune au vitriol dans Nouvelles de France, intitulée « L’honneur des imbéciles ». « Je refuse, écrit-il, et je suis loin d’être le seul, et nous sommes très nombreux, qu’une poignée de défenseurs autoproclamés de l’honneur du Christ prenne en otage ma foi et ma confession. Ce spectacle lamentable de jeunes gens dépourvus de libre-arbitre autant qu’incapables de la moindre réflexion esthétique, qui défilent, grognent et insultent, en sus d’être lassant, ridiculise généralement l’intelligence catholique que vingt siècles ont construite. »

Plus révélateur encore, Yves Dadoual, membre de la « réacosphère » comme diraient certains médias, proche du Front national, a jeté un pavé dans la marre sur bon blog : « La pièce telle qu’elle a été jouée en Avignon, si j’en crois les comptes rendus de l’époque, était au mieux ambiguë (ou nihiliste), au pire blasphématoire. La pièce telle qu’elle est jouée à Paris, si j’en crois les comptes rendus de catholiques qui l’ont vue, est au pire ambiguë, au mieux profondément chrétienne. Si à la fin de la pièce le visage du Christ apparaît de nouveau, intact, il est difficile de ne pas voir que sa destruction est l’image de la Passion, suivie de la résurrection. Et le reste de la pièce, nonobstant l’obsession scatologique, est une parabole sentie de la condition humaine, car nous sommes en effet tous dans la merde, et nous tachons tout ce que nous touchons, sous le regard de Dieu, qui nous attend, qui attend même nos blasphèmes, ou nos doutes, mais qui est là, qui reste là, même quand nous avons tout démoli, et qui nous attend toujours. « Il n’a pas détourné sa face de moi, et quand j’ai crié vers lui il m’a exaucé. » Psaume 21, 6 (le psaume de la Passion, qui commence par ‘Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné’). »

Dans la ligne de mire : Golgota Picnic

Un internaute écrivait dans un commentaire : « Le vrai courage, c’est de répondre chrétiennement, pas de chercher le triomphe personnel de la gloriole “je suis un martyr !”, mais de prendre le risque de se prendre une autre claque en faisant connaître le vrai visage du Christ. C’est leur présence au nom du catholicisme qui pollue voire empêche toute évangélisation. Quand je pense qu’un de mes élèves qui taperait “art et catholique” sur Google tomberait sur ces allumés, cela me fout en rogne. Ils sont l’exemple même (avec les grands patrons soi-disant catholiques) du contre-témoignage absolu. »

Aussi, j’aimerais lancer ce débat auprès de vous, amis lecteurs : qu’allons-nous faire pour réagir à Golgotta Pic nic, le mois prochain ?

Nous l’avons dit et nous persistons : si nous voulons que nos prochaines réserves ou revendications éventuelles soient entendues, il faudra agir différemment, sur un autre terrain que celui où veut nous emmener l’adversaire.

Cet autre paradigme est bien celui de l’évangélisation, dont l’âme est la charité. Une piste serait même la nouvelle évangélisation lancée par Jean-Paul II, poursuivie aujourd’hui avec Benoît XVI : quelle réponse adéquate donner aux épanchements du monde réel, de nos contemporains qui tous cherchent Dieu, souvent sans le savoir, ce fameux « Dieu inconnu » ?

Evangéliser par le théâtre, comme le font déjà de nombreux catholiques, doit être ici une priorité. Oui, l’urgence n’est pas de hurler quand l’art contemporain emprunte le visage du Christ pour y peindre sa Passion, mais d’annoncer cette Passion et cette Résurrection du Fils de Dieu, avec douceur et respect.

C’est la tournée sur RCF !

 

A l’occasion de la parution de mon livre Dieu et Internet j’ai participé ce matin à une nouvelle émission – spécialement dédiée – sur RCF-dans-toute-la-France. On peut dire que c’est la tournée !

Invité ainsi par Stéphanie Gallet dans son émission Le temps de le dire, j’ai pu bénéficier d’assez de temps pour dire tout ce que je voulais, ce qui est très appréciable en radio.

Les deux autres personnes en plateau, Nicolas Senèze pour La Croix.com et Gilles Boucomont (pasteur du temple du Marais à Paris) étaient aussi très agréables à cottoyer, la parole n’était pas difficile à prendre, l’atmosphère très amicale.

La programmation musicale était confiée à la webradio Spreading light, et son fondateur, Sylvain Gilardeau (interviewé dans mon livre, au passage) a pu s’exprimer au téléphone.

Un grand moment de bonheur partagé ! Alors un grand merci à Stéphanie, à RCF et les équipes techniques.

Rendez-vous le 11 novembre pour une autre émission, cette fois sur RCF Saint Martin, à Tours !

(Et toujours, sur Internet. Vous pouvez d’ailleurs ré-écouter l’émission de ce matin en cliquant ici – tout comme le sympathique tête à tête avec Pascale Michotte sur RCF Jéricho le 8 octobre dernier, au salon Religio.)

L’agitation et la confrontation violente s’opposent à l’évangélisation

Retour sur les évènements du Théâtre de la Ville

Que se passe-t-il ?

« Sur le concept du visage du fils de Dieu » est une pièce de Romeo Castellucci, qui met en scène un père et son fils au pied d’une grande représentation du Christ, par ailleurs magnifique, ressemblant à celui de Manopello. Le père est très âgé, il sombre peu à peu dans toutes les fragilités de la vieillesse (incontinence, démence, etc.). Le fils s’occupe de lui, le soigne, l’accompagne vers sa fin. C’est là tout le sujet du spectacle, qui aurait très bien pu s’appeler « sous le regard du Christ ».

Des quelques vidéos extraites de la pièce que j’ai pu voir (ici, ici et ici), je n’ai rien trouvé de particulièrement choquant, si ce n’est des enfants qui jettent des pierres sur le visage du Christ, et un voile d’encre noir qui finit par se déverser sur lui, que certains ont réussi à interpréter comme représentant des excréments, en lien aves les précédentes scènes, interprétation que je ne partage pas. Après tout, pourquoi ne pourrait-on pas peindre le refus du Christ, scène si d’actualité dans la vie de tous les jours ? Le metteur en scène se défend en tout cas de toute christianophobie, reprenant aussi en substance les mots de Benoît XVI cet été à Madrid : « la foi est à milles lieues de l’idéologie » (lire cet entretien au Monde).

Mais il est vrai que cette pièce est jouée dans un contexte particulier : une autre pièce, bien plus provocante, sans commune mesure blasphématoire, est prévue du 8 au 17 décembre prochains à Paris, sous le nom « Golgota Pic Nic ». Nous avons réagi, comme d’autres chrétiens, en demandant aux pouvoirs publics d’intervenir, interpellant spécialement les candidats de 2012.

Il y a eu aussi l’affaire du « Piss Christ », sans parler des injures faites aux chrétiens dans les médias ou la presse, comme cette insupportable série d’articles parue cet été dans Libération, pourtant presque passé inaperçue, et autrement plus grave, sur laquelle j’avais aussi réagi.

Dans ce contexte tumultueux, il n’en faut pas plus pour que les traditionnalistes intégristes de Saint Nicolas du Chardonnet montent au créneau (les premiers ?), encouragés par leurs prêtres et des figures d’extrême droite comme Bernard Anthony, avec le soutien de groupe de jeunes comme France Jeunesse Civitas, “mouvement de jeunes catholique et politique”. Ainsi, trois cents jeunes, dès les premiers soirs, étaient présents devant le théâtre. Auto-proclamés « inoffensifs catholiques en prière » (dixit Civitas), ils sont venus soit disant pour « prier le chapelet, scander des slogans et chanter des cantiques face au théâtre ».

Mais à bien y regarder, cela n’a rien d’un rassemblement « bon enfant ». Le groupe Civitas admet lui-même que plusieurs dizaines de jeunes se sont introduits dans le théâtre, se faisant passer pour des spectateurs, pour y perturber la pièce, à la manière des intermittents du spectacle sur les plateaux télés (voir cette vidéo). La presse rapporte ainsi des « tentatives violentes d’intrusion par des militants organisés, avec usage de gaz lacrymogènes, enchaînement des portes de la salle dans le but d’empêcher l’accès, utilisation de boules puantes, distribution de tracts cherchant à dénoncer le caractère ‘christianophobe’ du spectacle, interruption du spectacle par irruption sur scène de neufs militants » (Le Figaro).

De l’autre côté, ce sont une cinquantaine « d’imbéciles » (on appréciera l’amour que Civitas leur porte) d’extrême gauche qui sont prêts à monter également au front, et dont les rangs vont grossir, avec le risque d’une escalade de la violence.

Le résultat ?

Des cathos embarqués par les CRS, « rafflés » ose scander Civitas sans nuance et sans honte. Nous voici décrits comme insensibles au théâtre contemporain, préférant une opposition frontale entre culture et catholicisme. Ce qui est un comble, quand on sait dans l’histoire ce que la foi chrétienne a apporté à l’art. L’occasion que nous leur fournissons sur un plateau est trop bonne : voici aussi les cathos en général amalgamés aux intégristes, et présentés comme ‘réactionnaires’, obscurantistes, voire violents, ce qui ne donne envie à personne de devenir chrétien.

Il faut dire aussi que cette somptueuse couverture presse, du journal de France 3 aux très nombreux articles papiers et radios, est du pain béni pour des factions en manque de visibilité médiatique. Y compris pour l’extrême droite, en pleine campagne pour les présidentielles.

Ainsi, selon Civitas, la manifestation est ‘un énorme succès’, malgré l’exécrable image des cathos donnée à cette occasion par les médias. Cela a-t-il arrêté seulement les représentations ? Bien sûr que non. Au contraire, cela a donné à celles-ci une bien plus grande publicité, inespérée. Et pour Civitas, l’objectif est atteint au delà de toute espérance, sans aucun réalisme.

Du côté du responsable France de la Fraternité Saint Pie X, l’inénarrable abbé Régis de Caqueray, « la détermination (de ces jeunes) et leur foi chevillée au corps sont admirables et porteuses d’espérance, ils sont ‘l’honneur de notre société (…), la petite flamme qui empêchera les ténèbres de gagner la lumière ». Rien que cela, nous sommes sauvés !

Pistes de réflexion

Cet orgueil affiché explique en bonne partie pourquoi une telle manifestation ne peut être pacifique. On peut manifester avec humilité, dire son chapelet sur la voie publique, mais croire que l’on va « vaincre » seul contre tous est une hérésie.

Entendons-nous : je n’ai rien contre le chapelet en public, bien au contraire : j’ai appartenu à un groupe de prière avec le lequel nous disions le chapelet sur le Champ-de-Mars, au beau milieu des jeunes de notre génération. Mais il n’y avait aucune ostentation de notre part, et d’ailleurs cela interrogeait. Il me semble ici que se mettre à genoux devant les forces de l’ordre et les passants, pour protester, peut être interprété comme un manque d’humilité, et en tout cas, agace inutilement.

On ne m’accusera pas d’être anti-tradi : dans mon livre Dieu est de retour, j’ai interviewé un responsable d’Ichtus – que les Civitas ont quitté sous fond de liturgie – comme aussi bien l’abbé Fabrice Loiseau (curé d’une paroisse personnelle célébrant sous la forme extraordinaire), pour faire connaître l’apostolat dont ils savent faire preuve.

Mais là, c’est trop. Rien ne justifie l’usage de la violence, encore moins la défense du Christ, qui par ailleurs n’a pas vraiment besoin de nous pour cela. Au Mont des Oliviers, Jésus n’a-t-il pas demandé à Pierre de ne pas le défendre et de ranger son épée ?

Protester ouvertement oui – et le porte-parole de la Conférence des évêques de France l’a fait – saisir les pouvoirs publics oui, mais user de la force physique et verbale, non. Pourquoi donc aller crier des slogans – qui ne portent pas – à la gueule d’en face, leur hurler des « Christus vinci, Christus regnat, Christus imperat » ou vociférer des « Ave Maria » dans une ambiance rendue peu propice à la prière, à cause une pièce aussi ridicule qu’insignifiante ? Et pour quelle réussite ?

On se souvient des mêmes jeunes de Civitas manifestant dans les rues de Paris à l’occasion de la Marche pour la Vie, tel un seul homme, criant aux passants innocents des slogans violents et totalement inefficaces comme « avorter c’est tuer ». (Mais il semblerait que les organisateurs de la dite marche ne parviennent toujours pas à les raisonner…).

Malheureusement, là encore, ces jeunes idéalistes sont manipulés, notamment par l’extrême droite (dont on connaît les idées et la visée électoraliste), comme nous l’avions démontré lors de l’affaire du « kiss in » de Lyon. Ce n’est pas le docteur Xavier Dor, présent à ces manifestations et dont la spécialité fut, par le passé, de s’enchaîner sur les tables des avortoirs, qui les incitera à plus de modération. Ils sont finalement « comme des brebis sans berger » malgré la présence trompeuse des prêtres de Saint Pie X. (Je serais archevêque de Paris – mais je ne le suis pas – j’irais à leur rencontre pour dialoguer avec eux, si cela est encore possible !)

Oui, les chrétiens, et les catholiques en particulier, sont régulièrement la cible d’anathèmes ou d’injures, mais évitons de mettre tous les metteurs en scène, artistes ou journalistes dans un même panier en criant à la théorie du complot. Evitons aussi d’agresser les spectateurs. Ces personnes ont aussi un coeur, une âme, elles ne savent pas ce qu’elles font et cherchent aussi le visage de Dieu. A nous de leur apporter de vraies réponses, avec et par miséricorde.

Faut-il le rappeler : l’amour ne s’imposera jamais par la force des slogans ou des barricades, et on ne va pas au devant du martyre, ni des arrestations. Evitons de nous battre sur le terrain de l’adversaire, celui de la violence, du militantisme sans nuance, des slogans revanchards, de la dialectique passéiste, du mot « phobie » à outrance, surtout en jouant sur la peur. Au contraire, n’ayons pas peur d’être créatifs, artistiques, innovants, oserais-je dire ‘modernes’ (cf Evangelii nuntiandi), en utilisant la Parole de Dieu, qui touche les cœurs.

Prions, avant d’agir, demandons à l’Esprit Saint de nous éclairer sur la meilleure conduite à tenir. Il y a fort à parier qu’Il nous conduira vers des initiatives positives, non pour une défense systématique, presque corporatiste, d’un système et de notre appartenance à une religion, mais pour l’annonce de l’Evangile. Et pourquoi pas par le théâtre ? Il y a tant de bonnes pièces jouées en ce moment par des chrétiens, qu’il faut aussi encourager ! (Comme celle-ci).

L’Eglise doit aussi se ré-approprier l’expression artistique pour sa mission première, l’évangélisation. « Vous devez toujours être prêts à témoigner de l’espérance qui est en vous, mais faites-le avec douceur et respect » écrivait le premier pape de l’Eglise. Terminons justement avec les mots providentiels de Benoît XVI, hier à Assises : « Comme chrétien, je voudrais dire à ce sujet : oui, dans l’histoire on a aussi eu recours à la violence au nom de la foi chrétienne. Nous le reconnaissons, pleins de honte. Mais il est absolument clair que ceci a été une utilisation abusive de la foi chrétienne, en évidente opposition avec sa vraie nature. Le Dieu dans lequel nous chrétiens nous croyons est le Créateur et Père de tous les hommes, à partir duquel toutes les personnes sont frères et sœurs entre elles et constituent une unique famille. La Croix du Christ est pour nous le signe de Dieu qui, à la place de la violence, pose le fait de souffrir avec l’autre et d’aimer avec l’autre. »