Archives mensuelles : octobre 2014

Ainsi soient-ils 2 : réagir ?

Ainsi soient-ils

« A force de tout voir on en vient à tout supporter, à force de tout supporter, on en vient à tout accepter. » Saint Augustin 

(Attention : ce billet n’est pas une critique de la série : pour cela, lire celle publiée sur Ainsi soient-ils.com  – ni de révéler encore tous ses secrets 😉 ).

En juillet 2012, avec une bande de copains à l’affut des nouvelles séries, nous avons vu arriver Ainsi soient-ils. Aussi nous avons cherché à voir la première saison dans son intégralité, avant sa diffusion à la télé, bien entendu. Puis, ayant discerné qu’il fallait réagir, nous avons mis en ligne, juste avant le 1er épisode, un site pour répondre à toutes les questions soulevées par la série. Par chance, www.ainsisoientils.com était dispo. 😉

Nous avions pris soin, préalablement, en lien avec quatre séminaires, de faire travailler des séminaristes, des prêtes et des professeurs, afin d’avoir immédiatement un grand nombre de contenus à proposer. Bref, une véritable opération de com’, menée dans le plus grand secret.  Le jour J, tout le monde a été très surpris. Et la presse en un peu parlé : Nouvel Obs, Direct matin, Le Parisien, etc. De quoi faire passer le message qu’il manquait vraiment la joie et cela avait l’air largement bidonné ! Cependant, beaucoup de catholiques sont restés passifs, voire n’ont pas voulu soutenir notre initiative (pour ne pas dire plus). Alors, je voudrais ici reposer* la question franchement : fallait-il réagir ?

Quand parviennent des séries de ce genre, trois tentations s’offrent aux chrétiens.

  1. La tentation de la “riposte guerrière”

Clairement, c’est être sur la défensive voire l’attaque, jusqu’au procès pour diffamation (ici, certains y ont pensé). Il faut dire que beaucoup de dialogues se prêtent à confusion, tout comme le faux-vrai-site Internet des Capucins monté par Arte en mode années 2000. Il serait donc alors question de s’en prendre frontalement aux créateurs de la série et à la chaîne qui la diffuse, ou même à ceux qui ont conçu les affiches (accessoirement, l’agence de la campagne de 2012 d’un certain M. Hollande). Seulement, tant que la série est à l’antenne, c’est très risqué, surtout qu’il s’agit « d’une fiction ». Et Arte cherche manifestement la polémique. S’il fallait faire un procès « parce qu’on ne peut pas tout accepter » (le cathobashing ayant ses limites), c’était dans l’espace des deux années entre la 1ère et la 2ème saison, mais pas au moment des diffusions. En outre, ce type de réaction n’a le plus souvent pour effet que de renforcer le sentiment d’une Eglise « feutrée et pesante », pour reprendre l’expression d’un journaliste des Inrocks expliquant qu’Ainsi soient-ils est fidèle à la réalité. Qui plus est, le public a horreur d’être pris à témoin. Ce n’est donc pas la bonne approche.

  1. La tentation de l’autruche

Comme le disait récemment un évêque sur un tout autre sujet, « ne rien faire, ne pas réagir, est la position la plus confortable ». La deuxième tentation est donc celle du repli sur soi. On s’enferme et on attend que l’orage médiatique soit passé. Après tout, ce n’est qu’une série. Je l’ai aussi entendu dans la bouche de plusieurs journalistes : « il vaut mieux pas leur faire de pub ». Ce à quoi l’un de nous a répondu « Pour la pub, il faut croire qu’ils ne nous ont pas attendu, sur les bus et dans les gares !… ». Avec en moyenne 1,4 million de téléspectateurs lors de la saison 1, notre site Ainsi soient-ils, malgré ses milliers de visites, surfe bien sur la vague de l’audimat mais, c’est sans véritable comparaison possible.

  1. La tentation du “revers de main”

La troisième tentation est celle de s’intéresser vaguement au problème. On regarde rapidement les deux premiers épisodes « pour se faire une idée ». Et ensuite, on publie une critique : c’est un peu comme donner son avis sur un film en n’ayant vu que les 10 premières minutes ! Pourtant, beaucoup ont commis cette erreur du « chèque en blanc ».

Autre problème spécifique à cette série : à chaque saison, tout bascule au 3ème ou 4ème épisode. (La chaîne aurait d’ailleurs organisé des projections privées, avec des personnalités de l’Eglise, pour les seuls deux premiers épisodes…). Même le Vatican est tombé dans le panneau : le festival Mirabile dictu, sous le haut patronage du Conseil pontifical pour la culture, avait accordé à la première saison d’Ainsi soient-ils le prix 2012 du film international catholique, avant de le retirer quelques semaines plus tard, sur l’intervention de « on ne dira pas qui »… (Ce qui n’a pas empêché Arte, pour la sortie des premiers DVD, de l’indiquer sur la pochette !). Là encore, ils n’avaient vu que les deux premiers épisodes…

Bref, on voit bien, ici, qu’il revient aux communicants, journalistes, bloggeurs et twittos cathos de prendre le sujet à bras le corps. Car en tombant dans les trois premières tentations citées plus haut, on ne répond pas à la recommandation de l’apôtre Pierre dans sa première lettre : « Soyez toujours prêts à répondre de l’espérance qui est en vous ». Il prend soin d’ajouter « faites-le avec douceur et respect ». Lors du Da Vinci Code, l’Opus Dei avait mis en œuvre une stratégie très intelligente, pour « faire de la limonade avec du citron ». Et respecter la règle des trois « p » : être positif, poli, professionnel. L’œuvre de Dieu en avait même profité pour refaire entièrement son site Internet.

Ainsi soient-ils

Le Parisien. Contacté par Arte pour devenir partenaires de la saison 2. A la suite de l’article sur notre initiative lors de la saison 1 ?

Ici, ce n’est plus l’Opus Dei qui est la cible de critiques explicites ou implicites souvent injustes voire même blasphématoires, mais l’Eglise elle-même, à travers ses arcanes (les séminaires, les évêques, le CEF, jusqu’au pape lui-même, qui réapparaît bientôt à l’écran). Il faut donc faire ce que les pros de la com’ appellent le « reframing » : il s’agit de chercher « la bonne intention » derrière l’orientation des sujets, c’est à dire à quels thèmes les personnes peuvent-elles être sensibles, pour communiquer directement dessus. Exemple : « faute de mariage, les prêtres sont des frustrés ». On repose le sujet autrement : L’Eglise est-elle contre le sexe ?

Ainsi soient-ils - Libération

Un article de Libé, avec la pub en arrière-plan.

La preuve que cela commence à fonctionner – mais nous ne sommes pas au bout de nos peines : sur notre site en éclairage à Ainsi soient-ils, nous avons reçu ce message : « C’eût été encore mieux si vous répondiez aux incompréhensions des non-croyants sur l’Eglise que cette série révèle. Cette série montre ce que l’on perçoit de l’Eglise (…). Je fais partie des gens pour qui l’Eglise est un mystère et alors que votre page est bien référencée, je ne trouve pas de réponse. »

C’est donc aux catholiques de se saisir de cette occasion pour répondre aux questions posées par les internautes, dans un but d’évangélisation, mission première… de l’Eglise.

Et de se faire caisse de résonance de toutes les aspirations de l’homme moderne qui cherche Dieu, y compris sur les réseaux sociaux. Là aussi commence l’évangélisation du continent numérique, au delà des intentions réelles ou supposées des auteurs. Avis aux amateurs !

Pour participer :

 

* Cf mon premier billet ici en 2012.